Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Citelum a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la commune de Soissons à lui verser une somme de 7 050 109,84 euros hors taxes au titre de l'indemnité de résiliation d'un contrat conclu avec la commune.
Par un jugement n° 1300403 du 7 juillet 2016, le tribunal administratif d'Amiens a déclaré nul le contrat conclu entre les parties et condamné la commune de Soissons à verser à la société Citelum la somme de 2 459 870,10 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2016, et des mémoires, enregistrés les 21 juillet 2017, 10 octobre 2017 et 23 janvier 2018, la commune de Soissons, représentée par la SELARL GB2A, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de la société Citelum et de la condamner à lui " rembourser " la somme de 2 459 870, 10 euros versée en première instance ;
3°) de condamner la société Citelum à lui verser la somme de 302 073,57 euros en réparation du préjudice subi ;
4°) de mettre à la charge de la société Citelum la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me B...A...représentant la commune de Soissons et Me C...D..., représentant la société Citelum.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Soissons a décidé, par une délibération du 17 mars 2006, de recourir à un contrat de partenariat " public privé ", portant sur une mission globale relative à la conception, la réalisation, le préfinancement, l'exploitation, la gestion et le renouvellement des installations nécessaires au fonctionnement de l'éclairage public, de la signalisation tricolore lumineuse, des équipements sportifs et de la mise en lumière de la commune. A l'issue de la procédure de publicité et de mise en concurrence lancée sous la forme d'un dialogue compétitif le 30 janvier 2007, le conseil municipal a approuvé l'attribution du contrat au groupement constitué par la société Citelum, qui en était le mandataire, et cinq autres entreprises, par une délibération du 20 juin 2007, le contrat étant signé le 9 juillet 2007. Le 7 juillet 2011, la commune de Soissons a mis la société Citelum en demeure de remédier dans le délai d'un mois à divers fautes et manquements commis dans le cadre de l'exécution du contrat. La résiliation du contrat aux torts du titulaire a été prononcée le 14 décembre 2012, la commune allouant à ce dernier une indemnité de 1 368 718,21 euros hors taxes. La société Citelum a demandé au tribunal de condamner la commune de Soissons à lui verser une indemnité de 7 069 174,69 euros ou, subsidiairement, de 2 647 093 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette résiliation. A titre reconventionnel, la commune de Soissons a demandé au tribunal de prononcer la nullité du contrat et de condamner la société Citelum à lui verser une somme de 1 094 317,18 euros hors taxes en exécution du contrat et en réparation des préjudices subis.
2. Par le jugement contesté du 7 juillet 2016, le tribunal administratif d'Amiens a déclaré nul le contrat conclu entre les parties et condamné la commune de Soissons à verser à la société Citelum la somme de 2 459 870,10 euros au titre de ses dépenses utiles en rejetant l'ensemble des autres conclusions indemnitaires des parties. La commune de Soissons en relève appel en tant que, d'une part, cette dernière somme a été mise à sa charge, et que, d'autre part, ses propres prétentions indemnitaires ont été rejetées. Par la voie de l'appel incident, la société Citelum demande, à titre principal, que la commune de Soissons soit condamnée, sur le terrain contractuel, à lui verser la somme de 5 219 298,65 euros HT en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation fautive du 17 décembre 2012, subsidiairement qu'elle soit condamnée, sur le terrain quasi contractuel et quasi délictuel, à lui verser la somme de 3 413 826,14 euros HT, assortie des intérêts à compter du 30 janvier 2013 et de la capitalisation des intérêts.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. En premier lieu, il ressort du point 14 du jugement attaqué que le tribunal a d'abord rappelé les principaux éléments avancés par la commune pour justifier de l'existence de manoeuvres attribuées à la société Citelum en vue d'obtenir la conclusion du contrat en litige. Le tribunal a ensuite indiqué que ces éléments ne suffisaient pas à établir la réalité du comportement dolosif du titulaire du contrat avant de conclure qu'en l'espèce, le rejet de la demande d'indemnisation de ce dernier au titre des dépenses utiles ne pouvait être justifié par l'existence de telles manoeuvres. Dans ces conditions, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments de la collectivité au regard du faisceau de preuves dont cette dernière se prévalait, doit être regardé comme ayant suffisamment motivé sa réponse au moyen opposé en défense par la commune afin d'obtenir le rejet des prétentions indemnitaires présentées par la société Citelum sur le fondement quasi contractuel. Le moyen de la commune requérante tiré de l'insuffisante motivation du jugement sur ce point ne peut, dès lors, qu'être écarté.
4. En second lieu, la commune de Soissons estime que le tribunal s'est fondé sur des éléments étrangers à ceux qu'elle avait développés à l'appui de ses conclusions reconventionnelles tendant à contester la validité du contrat et estime que c'est à tort que le tribunal ne s'est pas prononcé sur le dol dont elle estime avoir été victime pour écarter l'application du contrat et faire droit aux conclusions de la société Citelum présentées sur le fondement quasi contractuel.
5. Il résulte des termes du jugement attaqué, rapproché des propres écritures de première instance de la commune, que pour faire droit à la demande de celle-ci tendant à ce que le litige soit réglé sur un terrain non contractuel, le tribunal a retenu le moyen tiré de ce que les conditions dans lesquelles la commune a donné son consentement au contrat de partenariat en litige ont été affectées d'un vice d'une particulière gravité en faisant droit à une partie de son argumentation selon laquelle son conseil municipal n'avait pas été suffisamment informé des conditions dans lesquelles il pouvait être recouru à ce type de contrat dérogatoire au droit commun. Le tribunal n'a donc pas omis de statuer sur son moyen alors même que l'appelante entendait principalement voir reconnaitre l'existence de manoeuvres dolosives commises à son insu par la société Citelum, ce à quoi le tribunal s'est d'ailleurs refusé ainsi qu'il a été dit au point 3. Il appartenait d'ailleurs en tout état de cause au juge du contrat de relever d'office les vices tenant au contenu illicite du contrat ou les vices d'une particulière gravité susceptibles de l'affecter. Le moyen de la commune tiré de ce que " le juge de première instance a méconnu le fondement de ses moyens soulevés à titre reconventionnel en vue d'obtenir la nullité du contrat ", qui n'est pas assorti d'autres précisions, doit ainsi et en tout état de cause être écarté.
Sur la validité du contrat en litige:
6. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.
7. Par le jugement contesté, le tribunal a estimé que pour approuver le rapport d'évaluation qui lui était soumis et décider d'avoir recours au contrat de partenariat public privé conclu avec la société Citelum lors de sa séance du 17 mars 2006, le conseil municipal de la commune de Soissons n'avait pas été suffisamment informé, dans les conditions définies par les articles L. 1414-1 et suivants du code général des collectivités territoriales régissant les contrats de partenariat, du respect des conditions propres à la légalité du recours à ce type de contrat ni de l'intérêt, pour la collectivité de recourir à ce dispositif dérogatoire aux règles de la commande publique en vue de répondre à ses besoins compte tenu des coûts, du partage des risques et des performances présentés par les différentes options qui s'offraient à lui. Le tribunal a notamment précisé les raisons pour lesquelles le rapport d'évaluation au vu duquel la commune de Soissons a adopté le principe du recours au contrat de partenariat ne pouvait être regardé comme satisfaisant aux exigences des dispositions de l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales. Le tribunal a alors jugé que la conclusion du contrat de partenariat public-privé en litige était entachée d'un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles le conseil municipal de Soissons avait donné son consentement et qu'il y avait lieu, en conséquence et en dépit du principe de loyauté des relations contractuelles, d'écarter l'application du contrat en le déclarant nul avant de régler le litige sur le terrain non contractuel.
8. La commune de Soissons reprend dans le cadre de son appel principal les mêmes éléments que ceux dont elle s'est prévalue en première instance et qui caractérisent selon elle un faisceau de preuves établissant la réalité des manoeuvres commises à son insu par la société Citelum pour obtenir la signature du contrat en litige. Il y a lieu d'écarter ce moyen tiré du dol dont elle aurait été victime par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal, la société Citelum rappelant d'ailleurs que, postérieurement au jugement contesté, le procureur a requis le non-lieu le 11 juillet 2018 vis-à-vis de la société Citelum dès lors qu'"au terme de l'information judiciaire, il résulte que les éléments développés par la partie civile au soutien de sa plainte n'ont pu être confirmés et sont insuffisants pour retenir la commission de faits délictueux".
9. La société Citelum fait quant à elle valoir dans son appel incident que le " vice du consentement " relevé par le tribunal n'est pas caractérisé et qu'en l'absence de dol commis à l'encontre de la commune de Soissons, il n'était pas de nature à justifier la non application du contrat pour traiter sa demande indemnitaire.
10. Aux termes de l'article L. 1414-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à la date de la conclusion du contrat en litige : " Les contrats de partenariat sont des contrats administratifs par lesquels la personne publique confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une mission globale relative au financement d'investissements immatériels, d'ouvrages ou d'équipements nécessaires au service public, à la construction ou transformation des ouvrages ou équipements, ainsi qu'à leur entretien, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion, et, le cas échéant, à d'autres prestations de services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée. / Le cocontractant de la personne publique assure la maîtrise d'ouvrage des travaux à réaliser. / Il peut se voir confier tout ou partie de la conception des ouvrages. / La rémunération du cocontractant fait l'objet d'un paiement par la personne publique pendant toute la durée du contrat. Elle peut être liée à des objectifs de performance assignés au cocontractant ". Aux termes de l'article L. 1414-2 du même code : " Les contrats de partenariat ne peuvent être conclus que pour la réalisation de projets pour lesquels une évaluation, à laquelle la personne publique procède avant le lancement de la procédure de passation : / a) Montre ou bien que, compte tenu de la complexité du projet, la personne publique n'est pas objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet, ou bien que le projet présente un caractère d'urgence ; / b) Expose avec précision les motifs de caractère économique, financier, juridique et administratif, qui l'ont conduite, après une analyse comparative, notamment en termes de coût global, de performance et de partage des risques, de différentes options, à retenir le projet envisagé et à décider de lancer une procédure de passation d'un contrat de partenariat. En cas d'urgence, cet exposé peut être succinct. / L'évaluation mentionnée ci-dessus est présentée à l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou à l'organe délibérant de l'établissement public, qui se prononce sur le principe du recours à un contrat de partenariat ".
11. Il résulte de ces dispositions que la possibilité pour une personne morale de droit public de confier à une personne privée, dans le cadre d'un contrat de partenariat public-privé, la mission globale définie par les dispositions de l'article L. 1414-1 du code général des collectivités territoriales, rémunérée, le cas échéant en fonction de la réalisation d'objectifs de performance, au moyen de paiements effectués durant toute la durée du contrat, est subordonnée à la condition que le projet présente soit un caractère de complexité tel que la personne publique n'est pas objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet, soit un caractère d'urgence. Par ailleurs, la conclusion d'un contrat de partenariat ne peut intervenir qu'après l'adoption par l'assemblée délibérante d'une délibération approuvant le principe du recours à ce partenariat public-privé, au vu d'une évaluation qui montre que le projet entre dans les cas, ainsi définis, rendant possible le recours au partenariat public privé et qui expose avec précision les motifs de caractère économique, financier, juridique et administratif, conduisant après une analyse comparative, notamment en termes de coût global, de performance et de partage des risques, des différentes options, à retenir le projet envisagé et à décider de lancer une procédure de passation d'un contrat de partenariat. Cet exposé ne peut revêtir qu'en cas d'urgence un caractère succinct. Le respect des conditions posées par la loi à la conclusion d'un contrat de partenariat s'apprécie ainsi au vu de l'évaluation préalable qui a donné lieu à la délibération prévue par le dernier alinéa de l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriale, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008. A cet égard, la seule invocation de la complexité des procédés techniques à mettre en oeuvre ne peut suffire à justifier légalement le recours au contrat de partenariat, en l'absence de circonstances particulières de nature à établir qu'il était impossible à la collectivité territoriale de définir, seule et à l'avance, les moyens techniques propres à satisfaire ses besoins.
12. Le contrat de partenariat en litige a été conclu sur le fondement des dispositions des articles L.1414-1 et suivants du code général des collectivités territoriales en vue de réorganiser l'éclairage public de la commune de Soissons, en portant sur l'éclairage des espaces et voies publics ainsi que sur la signalisation tricolore et l'organisation de la mise en valeur du patrimoine communal par la lumière. Il ressort de l'exposé des motifs de la délibération du 17 mars 2006 qu'après avoir reçu une offre spontanée de la société Citelum proposant un contrat de partenariat en vue de gérer l'éclairage public de la ville de Soissons, le conseil municipal a adopté le principe du recours à un tel contrat au motif principal que " le contrat de partenariat serait l'outil le mieux adapté " selon l'étude préalable réalisée sur les différents modes de gestion produite, la question du respect des conditions légales pour le conclure n'étant pas expressément abordée.
13. Le rapport d'évaluation du 8 mars 2006 sur lequel s'est fondé le conseil municipal pour adopter la délibération en cause se borne toutefois à affirmer la " complexité de prévoir à l'avance la fiabilité juridique et le cadre budgétaire du projet " ou encore la difficulté à programmer de façon optimale les coûts d'exploitation et d'investissement mais ne justifie pas la nécessité de traiter de façon conjointe les problématiques relatives à la signalisation des feux tricolores avec le renouvellement et l'entretien de son réseau d'éclairage et la mise en valeur de certains éléments de son patrimoine et n'indique pas précisément en quoi la commune ne pouvait elle-même définir ses besoins en la matière, alors qu'elle avait déjà mis en oeuvre un plan "Lumière" dans le cadre des dispositifs existants avant la création des contrats de partenariat par le législateur. La synthèse du rapport d'observations définitives de la chambre régionale des comptes de Nord-Pas-de-Calais-Picardie sur la gestion financière de la commune de Soissons pour les années 2006 et 2007 indique d'ailleurs que "le choix du recours à la formule du partenariat public-privé n'apparaît pas justifié au regard de la prétendue complexité du projet et de l'analyse comparative avec d'autres modes de commande publique, c'est-à-dire les solutions de régie pour l'exploitation et de marchés pour l'investissement, voire de marchés globaux portant à la fois sur l'exploitation et les investissements". Ce rapport d'évaluation, concluant à la légalité du recours au partenariat public-privé en raison de la complexité du projet et approuvé par le conseil municipal le 17 mars suivant, ne fait qu'exposer en des termes très généraux relevant de la pétition de principe, ainsi que l'a relevé le tribunal, les mérites du recours au contrat de partenariat public-privé sans apporter de démonstration étayée de la complexité du projet au regard des besoins à satisfaire. La comparaison des différentes options contractuelles possibles, notamment celle de l'exploitation en régie assortie de la passation de marchés, ne repose sur aucune analyse précise, en ce qui concerne les risques et les performances et met en oeuvre des données établies sur des bases non comparables en ce qui concerne les coûts. Le rapport d'évaluation au vu duquel la commune de Soissons a adopté le principe du recours au contrat de partenariat public-privé ne peut ainsi être regardé comme satisfaisant aux exigences des dispositions de l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales. Le conseil municipal de la commune de Soissons n'était, dès lors, pas suffisamment informé, dans les conditions définies par la loi, sur la légalité du recours au contrat de partenariat public-privé et sur l'intérêt pour la collectivité de recourir à ce dispositif dérogatoire aux règles de la commande publique pour répondre à ses besoins, compte tenu des coûts, du partage des risques et des performances présentés par les différentes options, lorsqu'il a, le 17 mars 2007, approuvé le rapport d'évaluation qui lui était soumis et décidé d'avoir recours au contrat de partenariat public privé. Il ne résulte pas de l'instruction que les membres du conseil municipal auraient été ultérieurement rendus destinataires de cette information.
14. Par ailleurs, la seule référence à la complexité qui résulterait de la multiplicité des travaux et prestations envisagés et de la difficulté de les programmer dans le temps en bénéficiant de solutions techniques actualisées ne saurait suffire en l'espèce à justifier le recours au contrat de partenariat, en l'absence de circonstances particulières de nature à établir qu'il était impossible pour la commune de Soissons de définir, seule et à l'avance, les moyens propres à satisfaire ses besoins. Les conditions du recours au contrat de partenariat tenant, à l'origine, à " la complexité du projet " prévue au 1° du II de l'article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales précité n'étaient ainsi pas remplies, l'appelante et l'intimée ne produisant d'ailleurs aucune argumentation de nature à justifier de la légalité du recours à ce procédé contractuel. La direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a au demeurant pointé cette illégalité dans sa réponse transmise à l'autorité préfectorale qui l'avait saisie sur ce point en mai 2006.
15. Dans ces conditions et en dépit de l'exécution du contrat durant plus de cinq années et alors que les irrégularités mentionnées ci-dessus n'ont fait l'objet d'un rapport définitif de la chambre régionale des comptes qu'en 2013, soit postérieurement à la décision de résilier le contrat en cause intervenue le 17 décembre 2012, la société Citelum n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence de vice d'une particulière gravité affectant les conditions dans lesquelles la commune a donné son consentement, il y avait lieu de rejeter les conclusions reconventionnelles de celle-ci tendant à ce que le litige soit réglé sur un terrain non contractuel.
Sur la demande indemnitaire de la société Citelum présentée sur le fondement contractuel :
16. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le litige ne peut être réglé sur le terrain contractuel. La société Citelum n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit fait application du contrat et que la commune soit, en conséquence, condamnée à lui verser la somme de 5 219 298,65 euros HT.
Sur l'indemnisation des dépenses utiles :
17. Le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagée. Les fautes éventuellement commises par l'intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration.
18. En application de ces principes et après avoir estimé que le consentement de la commune n'avait pas été obtenu à la faveur d'un dol commis par la société Citelum à son encontre, le tribunal, par l'article 2 de son jugement, a condamné la commune à verser à cette société la somme de 2 459 870,10 euros correspondant à l'indemnisation de ses dépenses utiles engagées dans le cadre de l'exécution du contrat en litige.
19. Dans ses écritures d'appel, la commune de Soissons demande le " remboursement " de la somme visée au point précédent au motif qu'elle n'en serait pas redevable. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 8 que la commune de Soissons ne justifie pas plus en cause d'appel qu'en première instance des faits de dol ou de manoeuvres illicites qu'elle attribue à la société Citelum. Par ailleurs, la requérante ne conteste pas non plus sérieusement le montant retenu par le tribunal au titre des dépenses utiles.
20. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents que les conclusions de la commune de Soissons par lesquelles elle demande le " remboursement " de la somme de 2 459 870,10 euros qu'elle a versée à la société Citelum au titres des dépenses utiles en exécution de l'article 2 du jugement du tribunal doivent, en tout état de cause, être rejetées.
21. Pour sa part, la société Citelum qui se borne à reprendre ses explications et documents de première instance sans précision ou justificatifs complémentaire en appel, ne produit aucun élément probant de nature à contester le montant retenu par le tribunal pour indemniser, au titre de ses dépenses utiles, le coût des travaux qu'elle a effectués et les factures réglées au fournisseur d'énergie. Elle n'est donc pas fondée à demander, par la voie de l'appel incident, que la somme rappelée au point précédent soit portée à 2 653 136,83 euros.
Sur la demande de la commune de Soissons sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle de la société Citelum :
22. Pour revendiquer la condamnation de la société Citelum à lui verser la somme de 302 073,57 euros, d'une part, dont 234 116,65 euros au titre des travaux de maintenance et d'intervention effectués par ses services ou à sa demande en 2013 et 2014 et la somme de 67 956,92 euros, d'autre part, au titre de divers frais d'expertise et d'audit, la commune de Soissons se prévaut des manoeuvres et du dol que la société titulaire du contrat a commis à son endroit et qui justifient l'indemnisation du préjudice subi .
23. Il résulte toutefois de ce qui a été dit précédemment qu'en l'absence de tout dol ou manoeuvres imputables à la société Citelum dans le cadre de la conclusion du contrat en litige, les conclusions de la commune de Soissons formées sur ce point ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la demande de la société Citelum présentée sur le terrain quasi délictuel :
24. La société Citelum revendique, compte tenu de la faute qu'elle attribue à la commune lors de la procédure de passation dudit contrat, l'indemnisation du préjudice subi à raison de la nullité du contrat de partenariat signé avec la commune de Soisson et correspondant au bénéfice net attendu sur l'ensemble de la durée du contrat de partenariat évalué à 760 689,31 euros HT.
25. Dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, le co-contractant peut sous réserve du partage de responsabilité découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration. A ce titre, il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée. Toutefois, si le co-contractant a lui-même commis une faute grave en se prêtant à la conclusion d'un marché dont, compte-tenu de son expérience, il ne pouvait ignorer l'illégalité, et que cette faute constitue la cause directe de la perte du bénéfice attendu du contrat, il n'est pas fondé à demander l'indemnisation de ce préjudice. Saisi d'une demande d'indemnité sur ce fondement, il appartient au juge d'apprécier si le préjudice allégué présente un caractère certain et s'il existe un lien de causalité direct entre la faute de l'administration et le préjudice.
26. Il résulte de l'instruction et de ce qui a été dit précédemment que la commune a conclu un contrat entaché d'illégalité et pour la conclusion duquel les conseillers municipaux ont reçu une information insuffisante. De tels manquements ont eu une incidence déterminante sur l'attribution du contrat au titulaire, qui aurait été dépourvu de chance sérieuse d'en obtenir la conclusion en l'absence de tels manquements. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que la société Citelum, qui compte tenu de son expérience ne pouvait d'ailleurs ignorer l'illégalité du contrat conclu en l'état, ait envisagé de poursuivre l'exécution du contrat initialement signé jusqu'à son terme, l'intéressée n'ayant présenté au juge du contrat qu'une demande indemnitaire sans l'assortir d'une demande tendant à la reprise des relations contractuelles.
27. Il résulte de ce qui précède que, faute d'établir, comme il lui incombe que le chef de préjudice relatif à la perte de bénéfice attendu soit en lien direct et certain avec le vice qui est à origine de l'invalidité du contrat qu'elle a conclu avec la commune de Soissons, la société Citelum n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande tendant au versement de la somme de 760 689,31 euros HT présentée sur le terrain quasi délictuel.
28. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Soissons n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens l'a condamnée à verser la somme de 2 459 870, 10 euros à la société Citelum et rejeté ses propres demandes indemnitaires.
29. La société Citelum n'est pas plus fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a limité au montant visé au point précédent la somme que la commune de Soissons a été condamnée à lui verser avant de rejeter l'ensemble de ses autres conclusions.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
30. Aux termes de l'article 1231-6 du code civil : " Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. (...) ". Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1231-6 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine.
31. La société Citelum, qui s'en prévaut en appel, a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 2 459 870,10 euros à compter du 31 janvier 2013, date à laquelle la commune de Soissons a reçu la demande indemnitaire initiale de la société Citelum.
32. Aux termes de l'article 1343-2 du code civil : " Les intérêt échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ". Pour l'application des dispositions précitées la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, y compris pour la première fois en appel. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande. Lorsque la demande de capitalisation est présentée avant l'expiration du délai d'un an évoqué ci-dessus, celle-ci ne prend effet qu'au terme dudit délai.
33. La société Citelum a formé sa demande portant sur la capitalisation des intérêts le 11 juillet 2017. A cette date, les intérêts étaient dus au moins pour une année entière. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation de la société Citelum à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date sur la somme de 2 459 870,10 euros.
Sur les frais liés au litige:
34. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Soissons et de la société Citelum présentées au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Soissons est rejetée.
Article 2 : La somme de 2 459 870,10 euros que la commune de Soissons a été condamnée à verser à la société Citelum sera assortie des intérêts à compter du 31 janvier 2013. Ces intérêts porteront eux-mêmes intérêts à compter du 11 juillet 2017 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Soissons et à la société Citelum.
N°16DA01621 2