Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 5 avril 2016 par lequel le ministre de l'éducation nationale l'a affectée au lycée de Lure.
Mme D... a par ailleurs demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis à raison du harcèlement moral dont elle estime avoir été victime.
Par un jugement n° 1600736, 1600762 et 1601315 du 8 mars 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté l'ensemble de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 mai 2018, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 8 mars 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 5 avril 2016 ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de la réintégrer sur l'emploi de principale du collège d'Audincourt et de reconstituer sa carrière, dans un délai de quinze jours sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 35 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait du harcèlement moral dont elle a été victime ;
5°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 5 avril 2016 en tant qu'il l'affecte dans l'emploi de proviseur adjointe au lycée Georges Collomb à Lure et d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, d'une part, de l'affecter dans l'emploi de chef d'établissement, dans un établissement de la même catégorie que le collège d'Audincourt et classé en réseau éducation prioritaire, ou classé dans une catégorie supérieure, et situé à une distance identique que le collège d'Audincourt de son domicile, et d'autre part de reconstituer sa carrière, dans un délai de quinze jours sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges n'ont pas pris en compte l'intégralité des pièces du dossier concernant sa demande de reconnaissance de victime d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral ;
- ils ont commis une erreur de fait ;
- ils ont dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de droit concernant les deux documents qu'elle a adressés au recteur concernant la situation du collège ;
- ils ont également commis une erreur de droit dès lors que la ministre de l'éducation nationale, en ne produisant pas de mémoire, a acquiescé aux faits s'agissant de sa demande indemnitaire ;
- ils n'ont pas tiré les conséquences de leurs constatations en considérant qu'elle n'a pas été victime de harcèlement moral ;
- ils ont commis une erreur de qualification juridique des faits en considérant que son changement d'affectation ne constituait pas une sanction déguisée ;
- ils ont omis de statuer sur les moyens de faits relatifs à l'absence de certaines pièces dans son dossier ;
- ils ont omis de statuer sur les moyens tirés du vice de procédure et de l'erreur manifeste dont est entachée la décision attaquée ;
- en rejetant le moyen tiré du retrait d'une décision créatrice de droit, ils ont également commis une erreur de droit ;
- elle a été victime de faits constitutifs de harcèlement moral à l'origine d'une dégradation de son état de santé et d'un préjudice moral, évalué à 35 000 euros ;
- la décision du 5 avril 2016 constitue une sanction déguisée ;
- elle est illégale, faute pour les fonctionnaires paritaires d'avoir été convoqués dans le délai de dix jours, au moyen d'une convocation comportant la mention de l'objet disciplinaire, accompagnée du rapport et de l'indication de la possibilité pour les membres de consulter le dossier de l'agent et faute de disposer du quorum ;
- la décision n'est pas motivée ;
- l'avis de la commission administrative paritaire nationale (CAPN) n'est pas motivé ;
- la CAPN n'a pas examiné sa situation ;
- l'avis n'a pas été émis dans des conditions impartiales et a méconnu l'article 13 du décret du 8 juin 2006 ;
- la présence à la CAPN de M. A..., qui a poursuivi et sanctionné l'intéressée, vicie la procédure ;
- M. A... n'était pas compétent pour prendre la décision attaquée ;
- on ignore quelle autorité a proposé la sanction ;
- les droits de la défense ont été méconnus ;
- la commission administrative paritaire n'a pas siégé dans sa formation disciplinaire ;
- des éléments de son dossier étaient manquants ;
- le recteur ne disposait pas de la compétence pour établir un rapport disciplinaire ;
- la décision méconnaît le principe non bis in idem puisqu'elle avait déjà été sanctionnée pour les mêmes faits ;
- la sanction est disproportionnée ;
- la décision a été adoptée à la suite d'un détournement de procédure ;
- la décision, prise en considération de la personne, est entachée de vices de procédure tenant à l'absence de respect du quorum de la commission administrative paritaire, du caractère incomplet de son dossier, et du fait que les membres de la CAP n'ont pas eu connaissance des éléments de son dossier au moins huit jours avant la séance ;
- les membres de la CAP ne se sont pas prononcés en toute connaissance de cause ;
- la décision attaquée a été prise en méconnaissance de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- les inspecteurs pédagogiques régionaux n'avaient pas compétence pour mener une mission de médiation, entachant ainsi la décision attaquée d'un vice de procédure ;
- la décision n'est pas motivée ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit en méconnaissance des dispositions de l'article 23 du décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001 dès lors que le délai de quatre mois n'a pas été respecté ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2018, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.
Il soutient, en se référant à ses mémoires et à celui du recteur de l'académie de Besançon produits en première instance, que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n°82-451 du 28 mai 1982 ;
- le décret n°2001-1174 du 11 décembre 2001 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du ministre de l'éducation nationale du 31 mars 2014, Mme D... a été nommée principale du collège Jean Bauhin d'Audincourt à compter du 1er septembre 2014. Par un arrêté du 21 juillet 2015, le recteur de l'académie de Besançon a prononcé l'affectation de Mme D... au lycée Raoul Follereau de Belfort du 1er septembre 2015 au 31 août 2016. Par un arrêté du 28 octobre 2015, le recteur a annulé cet arrêté. Mme D... a ensuite été suspendue à titre conservatoire de ses fonctions, par un arrêté du 28 octobre 2015 de la ministre de l'éducation nationale. Par un arrêté du 5 avril 2016, le ministre de l'éducation nationale a retiré à Mme D... les fonctions de principal du collège Jean Bauhin, dans l'intérêt du service, et l'a affectée au lycée de Lure pour y exercer les fonctions de proviseur adjointe. Le 15 avril 2016, Mme D... a présenté une demande indemnitaire visant à la réparation de son préjudice lié, selon elle, à une situation de harcèlement moral. Mme D... relève appel du jugement du 8 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté, d'une part, sa demande d'annulation de l'arrêté ministériel du 5 avril 2016 et, d'autre part, sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 35 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges ont répondu, de manière suffisamment motivée au moyen tiré de ce que Mme D... a été victime d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral, soulevé à l'appui de ses conclusions indemnitaires. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments avancés par les parties et de viser l'ensemble des pièces produites au dossier, n'ont pas entaché leur jugement d'une insuffisance de motivation. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que ce jugement serait entaché d'irrégularité.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que les premiers juges ont répondu, de manière suffisamment motivée, au moyen tiré du caractère incomplet des pièces figurant dans le dossier administratif de l'intéressée. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments avancés par les parties, n'ont pas entaché leur jugement d'une insuffisance de motivation. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que ce jugement serait entaché d'irrégularité.
5. En troisième lieu, il ressort des mentions figurant au point 6 du jugement attaqué que les premiers juges ont répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 39 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires.
6. En dernier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, les premiers juges ont répondu au moyen tiré de l'erreur d'appréciation, et non de l'erreur manifeste d'appréciation, dont serait entachée la décision de changement d'affectation attaquée au point n°16.
Sur le bien-fondé du jugement :
Sur la légalité de l'arrêté du 5 avril 2016 :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 41 du décret n°82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires : " Les commissions administratives ne délibèrent valablement qu'à la condition d'observer les règles de constitution et de fonctionnement édictées par la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et par le présent décret, ainsi que par le règlement intérieur. En outre, les trois quarts au moins de leurs membres doivent être présents lors de l'ouverture de la réunion. Lorsque ce quorum n'est pas atteint, une nouvelle convocation est envoyée dans le délai de huit jours aux membres de la commission qui siège alors valablement si la moitié de ses membres sont présents (...) ".
8. Il ressort du procès-verbal de la réunion des 30 et 31 mars 2016 de la commission administrative paritaire nationale (CAPN) compétente à l'égard des personnels de direction que le quorum était atteint.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 39 du décret n°82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires : " Toutes facilités doivent être données aux commissions administratives paritaires par les administrations pour leur permettre de remplir leurs attributions. En outre, communication doit leur être donnée de toutes pièces et documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission huit jours au moins avant la date de la séance.(...) ".
10. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
11. Il ressort des pièces du dossier que les membres de la commission paritaire qui ont examiné le changement d'affectation de Mme D... ont reçu communication des pièces et documents nécessaires à l'accomplissement de leurs missions cinq jours seulement avant la date de la séance. Contrairement à ce que soutient Mme D..., il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils se seraient prononcés sur la situation de l'intéressée au vu d'un dossier incomplet et qu'ils n'auraient pas été mis en mesure d'émettre un avis éclairé sur les propositions de mutations proposées par l'administration, eu égard au nombre de situations dont ils avaient à connaître. En outre, il ressort du procès-verbal de la CAP en cause que l'ensemble des membres a voté en faveur du changement d'affectation de l'intéressée. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la communication du dossier de l'intéressée au membres de la commission cinq jours avant la séance a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'elle l'ait privée d'une garantie.
12. En troisième lieu, la circonstance que le délégué syndical, membre de la CAP qu'elle avait désigné pour la défendre, n'a pas présenté d'observations devant la commission dès lors que cette dernière devait également se prononcer sur sa demande de mutation, ne révèle pas un manque d'impartialité de la commission en cause.
13. En quatrième lieu, les décisions de déplacement d'office ne sont pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en application des dispositions de la loi du 11 juillet 1979.
14. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". L'article L. 121-2 du même code prévoyant que lesdites dispositions ne sont pas applicables aux relations entre les autorités administratives et leurs agents, Mme D... ne saurait utilement en invoquer la méconnaissance.
15. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 241-19 du code de l'éducation, dans sa version applicable au litige : " Les inspecteurs d'académie-inspecteurs pédagogiques régionaux et les inspecteurs de l'éducation nationale veillent à la mise en oeuvre de la politique éducative arrêtée par le ministre chargé de l'éducation. A cet effet, dans le cadre du programme de travail académique arrêté conjointement par l'inspecteur général de l'éducation nationale correspondant académique et le recteur de l'académie, ils ont vocation à exercer sous l'autorité de ce dernier les missions ci-après : a) Ils évaluent dans l'exercice de leur compétence pédagogique le travail individuel et le travail en équipe des personnels enseignants, d'éducation et d'orientation des écoles, des collèges et des lycées et concourent à l'évaluation de l'enseignement des disciplines, des unités d'enseignement, des procédures et des résultats de la politique éducative. Ils procèdent, notamment, à l'observation directe des actes pédagogiques ; b) Ils inspectent, selon les spécialités qui sont les leurs, les personnels enseignants, d'éducation et d'orientation des écoles, des collèges et des lycées et s'assurent du respect des objectifs et des programmes nationaux de formation, dans le cadre des cycles d'enseignement ; ils sont chargés des missions d'inspection prévues par les articles L. 6251-1 et R. 6251-2 et R. 6251-3 du code du travail ; c) Ils participent à l'animation pédagogique dans les formations initiales, continues et par alternance, prêtent leur concours à l'élaboration des projets d'établissement et collaborent avec l'inspection générale de l'éducation nationale pour l'évaluation des expériences pédagogiques et leur généralisation ; d) Ils ont vocation à participer au recrutement et à la formation des personnels de l'éducation nationale et à l'organisation des examens ; e) Ils assurent des missions d'expertise dans ces différents domaines ainsi que pour l'orientation des élèves, les examens, la gestion des personnels éducatifs et dans le choix des équipements pédagogiques. ". Aux termes de l'article R. 241-20 du même code : " Le recteur de l'académie peut également confier à des inspecteurs de l'éducation nationale et à des inspecteurs d'académie-inspecteurs pédagogiques régionaux, pour une durée déterminée, dans le cadre départemental ou académique, des missions particulières ". Enfin, aux termes de l'article R. 541-21 du même code : " Les inspecteurs d'académie-inspecteurs pédagogiques régionaux inspectent les personnels de direction d'établissements d'enseignement ou de formation, les directeurs de centre d'information et d'orientation, les professeurs agrégés, ainsi que les enseignants en fonctions dans les classes postbaccalauréat ".
16. Contrairement à ce que soutient Mme D..., il ne résulte pas des dispositions précitées que les inspecteurs académiques inspecteurs pédagogiques régionaux ne peuvent pas se voir confier des missions de médiation par le recteur d'académie, lorsqu'un conflit existe entre un chef d'établissement et des membres de l'équipe éducative. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que les inspecteurs désignés par le recteur pour effectuer la médiation n'auraient pas respecté les règles applicables en la matière, alors que Mme D... ne peut pas, en tout état de cause, se prévaloir de la charte déontologie " Inspection générale éducation nationale ", dépourvue de valeur réglementaire. Enfin, la circonstance que la mission de médiation aurait également pu être confiée au médiateur de l'éducation nationale n'entache pas d'illégalité le recours à la médiation organisée en l'espèce par le recteur. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté litigieux, qui se fonde notamment sur les constats relevés par les médiateurs désignés par le recteur d'académie, aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière.
17. En septième lieu, aux termes de l'article 23 du décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001 portant statut particulier du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale : " Tout fonctionnaire pourvu d'une fonction de direction peut se voir retirer cette fonction dans l'intérêt du service. Au cas où le maintien en exercice d'un chef d'établissement ou d'un chef d'établissement adjoint serait de nature à nuire gravement au fonctionnement du service public, le ministre chargé de l'éducation nationale peut prononcer, à titre conservatoire et provisoire, la suspension de fonctions de l'intéressé qui conserve l'intégralité de la rémunération attachée à son emploi. Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise sur sa situation, l'intéressé est rétabli dans le poste qu'il occupait.". Aux termes des dispositions de l'article R. 421-13 du code de l'éducation : " I. - Le chef d'établissement est secondé dans ses missions par un chef d'établissement adjoint, membre de l'équipe de direction, nommé par le ministre chargé de l'éducation ou l'autorité académique habilitée à cet effet ainsi que, le cas échéant, par le directeur adjoint de la section d'enseignement général et professionnel adapté. Un professeur ou un conseiller principal d'éducation peut assurer à temps partiel ces fonctions d'adjoint. (...) " et aux termes de l'article 2 du décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001 portant statut particulier du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale : " Les personnels de direction participent à l'encadrement du système éducatif et aux actions d'éducation. A ce titre, ils occupent principalement, en qualité de chef d'établissement ou de chef d'établissement adjoint, des emplois de direction des établissements mentionnés à l'article L. 421-1 de ce code, dans les conditions prévues aux articles L. 421-3, L. 421-5, L. 421-8, L. 421-23 et L. 421-25 du même code. (...) ".
18. Un changement d'affectation ordonné d'office revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent.
19. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 5 avril 2016 par lequel le ministre de l'éducation nationale a retiré à Mme D... les fonctions de principal du collège Jean Bauhin et l'a affectée au lycée de Lure pour y exercer les fonctions de proviseur adjointe a été pris en raison des profondes difficultés relationnelles rencontrées par l'intéressée avec les équipes pédagogiques du collège Jean Bauhin à Audincourt, de nature à entraver la bonne marche du service, et que la tentative de médiation ordonnée par le recteur de l'académie n'a pas permis d'endiguer. Sa nouvelle affectation au lycée de Lure a entraîné la perte des avantages financiers et des responsabilités liés au poste de chef d'établissement qu'elle occupait, et a ainsi entrainé une dégradation de sa situation professionnelle, alors même, qu'appartenant au corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale, elle était susceptible d'exercer tant des fonctions de chef d'établissement que d'adjoint au chef d'établissement. Toutefois, si le rapport rédigé à la suite de la procédure de médiation relève des erreurs commises par Mme D... dans sa communication avec l'équipe éducative, il ne caractérise pas l'existence de fautes professionnelles justifiant l'engagement de poursuites disciplinaires, ni ne révèle une volonté de l'administration de sanctionner l'intéressée. Le changement d'affectation de Mme D..., qui était ainsi exclusivement motivé par l'intérêt du service, ne présentait pas le caractère d'une sanction déguisée. Par suite, le moyen tiré de ce que les premiers juges ont commis une erreur dans la qualification juridique des faits doit être écarté. En outre, sont en conséquence inopérants les moyens tirés de ce que l'arrêté litigieux a été pris au terme d'une procédure irrégulière, eu égard aux conditions dans lesquelles les membres de la commission administrative paritaire (CAP) ont été convoqués et à l'absence de quorum de cet organisme, de ce que l'avis de la CAP et l'arrêté litigieux ne sont pas motivés, de ce que la CAP n'a pas examiné sa situation, de ce que l'avis émis par la CAP n'a pas été rendu de manière impartiale et a méconnu l'article 13 du décret du 8 juin 2006, de ce que la sanction n'a pas été proposée par une autorité compétente, de ce que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article 1er du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire des fonctionnaires de l'Etat, de ce que la CAP n'a pas siégé dans sa formation disciplinaire, de ce qu'elle a été privée de la possibilité de présenter des observations et de citer des témoins devant le conseil de discipline, de ce qu'elle a fait l'objet de deux sanctions à raison des mêmes faits, de ce que la sanction prononcée est disproportionnée et de ce que cette sanction a été prise au terme d'un détournement de procédure.
20. En huitième lieu, aux termes de l'arrêté du 28 octobre 2015, Mme D... a été suspendue de ses fonctions " à compter de la date de notification du présent arrêté ". Il ressort des termes de la requête d'appel de l'intéressée que celle-ci s'est vu notifier la décision de suspension de fonctions le 29 février 2016. La décision attaquée du 5 avril 2016, notifiée en mains propres le 18 avril 2016, dispose, dans son article 2, que " madame D... est affectée dans un emploi de proviseure adjointe au lycée Georges Collomb à Lure à compter de la notification du présent arrêté ". Il suit de là qu'avant l'expiration du délai de quatre mois suivant la suspension effective de ses fonctions, Mme D... a été mutée d'office. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du délai de quatre mois défini à l'article 23 du décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001 manque en fait et doit, en tout état de cause, être écarté.
21. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme D... a, après sa nomination à la tête de l'établissement, rapidement rencontré des difficultés de communication avec les équipes éducatives, de nature à entraver le bon fonctionnement du service, dénoncées notamment par une lettre ouverte adressée le 17 mars 2015 par trente enseignants à l'inspectrice académique inspectrice pédagogique régionale, puis par une délégation d'enseignants reçue le 6 avril suivant par l'inspecteur d'académie. A la suite d'une visite de l'établissement le 9 avril 2015, ayant permis au recteur de l'académie de rencontrer une délégation d'enseignants et les personnels de la direction, ce dernier a décidé de recourir à une médiation, dont les constats ont permis de conclure à l'échec de la procédure et à l'existence d'une crise profonde entre le chef d'établissement et les équipes pédagogiques, nécessitant un changement d'affectation de Mme D.... Si cette dernière fait valoir que les conclusions de ce rapport reposent sur des faits inexacts, les documents qu'elle produit ne sont pas de nature à remettre en cause les constats opérés de manière impartiale par les médiateurs désignés à cet effet. Dans ces conditions, Mme D... n'établit ni que la décision litigieuse repose sur des faits matériellement inexacts, ni qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de l'intérêt du service.
22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 8 mars 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 avril 2016. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être également rejetées.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
23. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".
24. Il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
25. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.
26. Mme D... soutient avoir été victime d'actes répétés, constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'elle était principale du collège Jean Bauhin d'Audincourt, de la part des enseignants, puis de sa hiérarchie, qui n'a pas pris les mesures à même de la protéger contre ces attaques, à l'origine d'une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.
27. En premier lieu, si Mme D... a pu faire l'objet, notamment lors des conseils d'administration des 25 novembre 2014 et 20 février 2015, de différentes remarques, observations ou rappel à l'ordre, révélateurs de relations conflictuelles entretenues avec certains membres du corps enseignant, dont le comportement n'a pas toujours été conformes aux exigences découlant des principes de retenue et de loyauté qui s'imposent à eux, leur caractère vexatoire ou injustifié ne ressort pas des pièces du dossier.
28. En deuxième lieu, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
29. Si Mme D... fait valoir que, par un courrier du 23 mars 2015, elle a saisi l'inspecteur d'académie directeur académique des services départementaux de l'éducation nationale, et par un courrier du 31 mars 2015, le recteur d'académie pour signaler les problèmes de remise en cause de son autorité qu'elle rencontrait régulièrement de la part de certains enseignants, il ne ressort toutefois pas de la teneur de ces écrits qu'elle était victime, à l'occasion de ses fonctions, d'agissements qui impliquaient que son administration la fasse spontanément bénéficier de la protection prévue par les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ou que son administration a commis une faute pour avoir manqué à de telles obligations qui pesaient sur elle en sa qualité d'employeur. En outre, lorsque l'administration a constaté dès le mois d'avril 2015 la situation de blocage à laquelle était confronté l'établissement, elle a décidé de mettre en oeuvre une procédure de médiation destinée à mettre fin à la crise profonde qui opposait Mme D... à la communauté éducative, sans que soient révélés des faits constitutifs d'un harcèlement moral à l'égard de cette dernière.
30. En outre, Mme D... fait état d'un article de presse du 10 avril 2015 dans lequel sont relatés les propos maladroits tenus par le recteur d'académie lors de sa venue au collège d'Audincourt selon lesquels la principale du collège a " (...) certainement commis des erreurs de communication sans vraiment s'en rendre compte qui ont brusqué les professeurs. (...) ", propos justifiant, selon l'article de presse, la décision de mettre en place une médiation pour accompagner la direction et les enseignants et améliorer le climat. Toutefois, pour regrettables que soient les propos du recteur d'académie, ils n'ont pas constitué, à eux seuls, un agissement susceptible d'être qualifié de harcèlement moral.
31. De plus, il ressort des pièces du dossier, et notamment du bilan de la médiation, que les inspecteurs ont pu constater une dégradation de l'état de santé de Mme D..., lié au conflit professionnel auquel elle était exposée et à la médiatisation de ce conflit, justifiant que son déplacement d'office et sa nomination dans un lycée de Lure en qualité de proviseur-adjoint soient ordonnés, afin tant de rétablir la sérénité au sein de l'établissement d'Audincourt que de protéger Mme D.... Sa nomination sur un poste d'adjoint au chef d'établissement et la perte des responsabilités et avantages financiers afférents à son précédent poste ne révèlent pas plus un agissement constitutif de harcèlement moral, dès lors que cette décision était justifiée par l'intérêt du service.
32. Dans ces conditions, Mme D... ne justifie pas d'éléments de fait suffisants permettant de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral ou d'une faute commise par l'administration en s'abstenant de prendre des mesures destinées à la protection de son agent. La circonstance qu'elle a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail n'est pas de nature à infirmer cette analyse. Par suite, l'Etat n'a pas commis de faute à l'égard de l'intéressée de nature à engager sa responsabilité.
33. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur les frais liés à l'instance :
34. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme D... demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'éducation nationale.
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N° 18NC01403