Vu le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, enregistré au greffe de la Cour le 25 février 2008 ;
Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0506691 en date du 22 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle à cet impôt, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquels la société Le Trident a été assujettie au titre des années 2000, 2001 et 2002 ainsi que la décharge des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 ainsi que des pénalités dont ils sont assortis ;
2°) de remettre à la charge de la société Le Trident les impositions susmentionnées à concurrence de la décharge prononcée en première instance et de réformer en ce sens le jugement entrepris ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 août 2008, présenté par Me Aubaniac pour la société Le Trident ;
La société demande à la Cour :
1°) de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 22 octobre 2007 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) de condamner l'administration aux entiers dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 novembre 2010 :
- le rapport de M. Darrieutort, président,
- et les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;
Considérant que la société civile immobilière Le Trident a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, pour la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 en matière de taxe sur la valeur ajoutée et au titre des exercices clos le 31 décembre des années 2000 à 2002 en matière d'impôt sur les sociétés ; que le service a constaté que la nature commerciale des opérations réalisées plaçait la société dans le champ d'application de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la société a été mise en demeure de déposer les déclarations de résultats pour les années 2000, 2001 et 2002 et de chiffre d'affaires pour la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 ; que le Tribunal administratif de Marseille, par un jugement en date du 22 octobre 2007, l'a déchargée des suppléments d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle à cet impôt et des pénalités y afférentes et des complémentas de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er janvier des années 2000, 2001 et 2002 au motif que les opérations de contrôle dont elle avait fait l'objet avaient excédé le délai de trois mois prévu à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE relève régulièrement appel de ce jugement ;
Sur la durée de la vérification :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'aucun des chiffres d'affaires constatés par le vérificateur dans la notification de redressement du 17 décembre 2003 ne dépasse les limites prévues au 1 de l'article 302 septies A du code général des impôts ;
Considérant que le tribunal a estimé que les opérations de vérification avaient débuté en juin 2003 pour se terminer le 17 octobre 2003 ; qu'il résulte toutefois de l'avis de contrôle sur place en date du 1er août 2003, reçu le 4 août, produit par le ministre à l'appui de son recours, que le début des opérations de contrôle a été fixé au 19 août 2003 ; que la date du 19 août 2003 figure également sur la notification de redressement en date du 17 décembre 2003, reçue le 18 décembre 2003 par la société ; que, par suite, il résulte de ces indications précises et concordantes que les opérations de vérification n'ont pas excédé la durée de trois mois imposée par les dispositions précitées du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Marseille a considéré que la société Le Trident devait être regardée comme établissant que les opérations de contrôle dont elle a fait l'objet ont débuté au mois de juin 2003 et se sont terminées le 17 novembre 2003 excédant en cela le délai de trois mois en méconnaissance de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Le Trident devant le Tribunal administratif de Marseille ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
En ce qui concerne la validité de la mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure (...) ;
Considérant qu'aucune disposition législative et réglementaire n'impose à l'administration d'avoir achevé les opérations de contrôle et d'avoir notifié au contribuable les conclusions du vérificateur, préalablement à la notification d'une mise en demeure de souscrire une déclaration de résultat ; que la circonstance que la qualification commerciale de l'activité de la société ait été révélée par le contrôle sur place est sans incidence sur la régularité de la mise en oeuvre de la procédure d'imposition d'office ; qu'en conséquence, le moyen de la société Le Trident tiré de l'irrégularité de la mise en oeuvre de la procédure de taxation d'office n'est pas fondé et doit être écarté ;
En ce qui concerne la motivation de la notification de redressement :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination. Cette notification est interruptive de prescription. Lorsque le contribuable est taxé d'office en application de l'article L. 69, à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut être saisie dans les conditions prévues à l'article L. 59 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressement en date du 17 décembre 2003 contient le détail et les motifs de la non prise en compte de certaines pièces, susceptibles de justifier la non déduction de sommes correspondant à des opérations comptabilisées en charges ; qu'il s'ensuit que le moyen de la société Le Trident tiré de l'insuffisance de motivation de ladite notification de redressement manque en fait et doit être écarté ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la prise en compte des crédits bancaires en tant que recettes :
Considérant que la société Le Trident soutient que les dépôts d'espèces en banque ne pouvaient constituer des recettes imposables dès lors qu'il s'agissait de versements en compte courant d'associé et que, par ailleurs, la qualification des recettes comme commerciales ne résulte que de l'affirmation de l'inspecteur vérificateur ; que, toutefois, alors que sa comptabilité a été à bon droit estimée irrégulière et non probante, elle n'établit pas, par la production de ses écritures comptables, que les dépôts d'espèces en banque constitueraient des versements en compte courant d'associé, ni que les sommes portées au crédit des comptes bancaires, et partant présumées comme étant des recettes commerciales, pourraient être qualifiées comme n'étant pas imposables ;
En ce qui concerne les charges retenues pour un montant forfaitaire de 50 000 francs :
Considérant que l'administration a retenu, pour l'évaluation des charges de la société, un montant forfaitaire de 50 000 francs par année en litige ; que la société Le Trident n'établit pas, ainsi que cela lui incombe, s'agissant d'écritures de charges, que l'administration aurait fait une évaluation insuffisante de ses charges ; qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;
En ce qui concerne les revenus considérés comme distribués :
Considérant qu'aux termes de l'article 117 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1763 A ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que la société a désigné le bénéficiaire des revenus considérés comme distribués ; qu'aucun supplément d'imposition ni aucune pénalité n'ont été, par suite, mis à ce titre à la charge de la société Le Trident ; qu'il s'ensuit que le moyen de la société tiré de ce que l'administration n'apporte pas la preuve d'un désinvestissement au profit des associés est inopérant et doit être écarté ;
Sur la demande d'expertise :
Considérant que la société Le Trident a demandé aux premiers juges d'ordonner une expertise en vue d'examiner le caractère probant des documents comptables et des justificatifs présentés par elle ; que, toutefois, à défaut pour la requérante de préciser les points qu'elle souhaite voir soumis à expertise ainsi que les éléments qu'elle entend communiquer à l'expert, cette mesure d'instruction apparaît inutile ;
Sur l'application des pénalités :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales : Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l'administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu'elle se propose d'appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l'intéressé de présenter dans ce délai ses observations ;
qu'aux termes de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : La décision d'appliquer des majorations prévues à l'article 1729 du code général des impôts, lorsque la mauvaise foi est établie ou lorsque le contribuable s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses, est prise par un agent ayant au moins le grade d'inspecteur divisionnaire qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société LE TRIDENT n'a été soumise à aucune des sanctions prévues à l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable ; que par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 80 D et L. 80 E du livre des procédures fiscales, qui manque en fait, doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, s'agissant des redressements en matière d'impôt sur les sociétés, la société Le Trident n'établit pas que l'avis de réception de la mise en demeure de souscrire des déclarations modèle n° 2065 aurait été signé par une personne autre que son gérant ; qu'en matière de taxe sur la valeur ajoutée, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas reçu la mise en demeure de souscrire la déclaration au titre de l'année 2000 dès lors que le pli est revenu au service avec la mention non réclamé retour à l'envoyeur ; que la société n'établit pas d'avantage que l'avis de réception de la mise en demeure de souscrire la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2001 n'a pas été signé par le gérant de la société ; que seule la majoration de 10% prévue à l'article 1728-1 du code général des impôts a été appliquée en l'absence de mise en demeure de souscrire la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2002 ; qu'il s'ensuit que le moyen selon lequel les pénalités prononcées à son encontre ne sont pas légalement fondées faute d'avoir fait l'objet de mises en demeure régulièrement notifiées manque en fait et doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille, a fait droit à la demande de la société Le Trident ;
Considérant que dans la présente instance, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, n'est pas la partie perdante ; que, par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société tendant à ce que l'Etat lui verse la somme qu'elle demande en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 22 octobre 2007 est annulé.
Article 2 : Les droits complémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, l'impôt sur les sociétés, les contributions supplémentaires à cet impôt et les pénalités y afférentes auxquels la société Le Trident a été soumise au titre des années 2000 à 2002, dont la décharge a été prononcée en première instance, sont remis à sa charge.
Article 3 : La demande présentée par la société Le Trident devant le Tribunal administratif de Marseille est rejetée, de même que ses conclusions devant la Cour.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à la société Le Trident.
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N°08MA00932