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20/11/2024 | FRANCE | N°23DA01746

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 3ème chambre, 20 novembre 2024, 23DA01746


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 3 novembre 2020 par laquelle le directeur des ressources humaines de l'agence entreprises Nord de France vente de la société Orange a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du décès de son époux, M. C... A..., survenu le 21 octobre 2019, ensemble la décision du 11 décembre 2020 par laquelle le président directeur général d'Orange France a rejeté son recours hiérarchique.
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Par un jugement n° 2008934 du 3 juillet 2023, le tribunal administratif de Lille a annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 3 novembre 2020 par laquelle le directeur des ressources humaines de l'agence entreprises Nord de France vente de la société Orange a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du décès de son époux, M. C... A..., survenu le 21 octobre 2019, ensemble la décision du 11 décembre 2020 par laquelle le président directeur général d'Orange France a rejeté son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 2008934 du 3 juillet 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé ces deux décisions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 4 septembre 2023 et le 22 août 2024, la société Orange, représentée par Me Forgeois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 juillet 2023 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille.

Elle soutient que :

- le décès de M. A... ne peut être regardé comme survenu sur le lieu et dans le temps du service, à l'occasion d'une activité constituant le prolongement normal des fonctions exercées par l'intéressé, dès lors qu'il bénéficiait du dispositif " temps partiel senior " réduisant son temps de travail hebdomadaire à 22 heures 48, qu'il n'avait pas à justifier de ses heures de travail et bénéficiait d'une totale liberté quant au choix de ses activités, et qu'il avait fait le choix de répartir ses heures de travail sur les journées de mardi à jeudi ;

- la circonstance que l'intéressé exerçait un mandat de délégué syndical et bénéficiait d'une prise en charge de ses frais de transport, d'hébergement et de restauration n'est pas de nature à rattacher l'accident au service dès lors que l'accident est survenu au cours d'un lundi, en dehors de ses journées de travail, et qu'il n'est pas établi que ses frais de déplacement et d'hébergement lui auraient été remboursés ;

- il a été victime d'une agression mortelle alors qu'il dispensait le lundi 21 octobre 2019 une formation dans des locaux sans lien avec la société Orange à un auditoire composé de salariés adhérents de son syndicat n'ayant pas davantage de liens avec la société ;

- la circonstance que l'auteur de l'agression soit également une fonctionnaire de la société Orange n'est pas de nature à établir un lien avec le service dès lors que cette agression revêt le caractère d'une faute personnelle d'une particulière gravité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2023, Mme A..., représentée par Me Alvarez de Selding, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Orange sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Orange sont inopérants ou ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 2 juillet 2024, l'instruction a été close à la date du 22 août 2024, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;

- le décret n° 2019-122 du 21 février 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- les conclusions de M. Carpentier-Daubresse, rapporteur public,

- et les observations de Me Forgeois, représentant la société Orange.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., agent fonctionnaire de la société Orange, a été victime d'une agression mortelle le 21 octobre 2019, alors qu'il assurait une session de formation à la " maison des syndicats " située place de l'Europe à Béthune. Son épouse, Mme B... A..., a sollicité le 2 janvier 2020 la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet accident. Par une décision du 3 novembre 2020, confirmée en des termes identiques le 27 novembre suivant, le directeur des ressources humaines de l'agence Entreprises Nord de France Vente de la société Orange a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du décès de l'époux de Mme A.... Celle-ci a formé un recours hiérarchique contre cette décision, qui a été expressément rejeté par le président directeur général d'Orange France le 11 décembre 2020. Elle a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à l'annulation de la décision de refus tout en sollicitant la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident mortel du 21 octobre 2019. Par un jugement du 3 juillet 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision refusant l'imputabilité au service, ainsi que la décision rejetant le recours hiérarchique, et a enjoint à la société Orange de reconnaître cette imputabilité. La société Orange relève appel de ce jugement.

2. Aux termes du II de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, créé par le I de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique, et désormais codifié à l'article L. 822-18 du code général de la fonction publique : " Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ". L'application de ces dispositions sont manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédure applicables à l'octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Elles sont donc devenues applicables, s'agissant de la fonction publique de l'Etat, depuis l'entrée en vigueur, le 24 février 2019, du décret du 21 février 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique de l'Etat. Par suite, les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 s'appliquent au présent litige qui porte sur un accident survenu le 21 octobre 2019 dont l'imputabilité au service a été demandée le 2 janvier 2020.

3. M. A... a été victime d'une agression mortelle le 21 octobre 2019, alors qu'il assurait une session de formation à la " Maison des syndicats " située place de l'Europe à Béthune, pour le compte du centre d'étude et de formation interprofessionnel CEFI-Solidaires. Il n'est pas contesté que cette formation sur le comité social et économique a eu lieu en dehors des locaux de la société Orange, au bénéfice de salariés d'autres employeurs que cette société. Si M. A..., fonctionnaire de la société Orange, bénéficiait au sein de l'entreprise d'une décharge totale d'activité pour exercer un mandat de délégué syndical au niveau central de la fédération Sud PTT, membre de l'association CEFI-Solidaires, il ressort des pièces du dossier qu'il avait conclu un protocole avec la société Orange le 29 novembre 2016, dans le cadre du " dispositif de temps partiel senior " prévu par un accord d'entreprise du 23 décembre 2015. Ce dispositif, destiné à faciliter la fin de carrière des agents de plus de cinquante-cinq ans, prévoit un aménagement de leurs conditions de travail au cours des cinq années précédant leur départ à la retraite, avec une période de travail à temps partiel assortie de conditions de rémunération avantageuses suivie d'une période de " temps libéré " pendant laquelle l'agent cesse son activité tout en étant rémunéré jusqu'à sa radiation des cadres. Selon le protocole d'accord du 29 novembre 2016, M. A... a été placé en temps partiel à 65 % à compter du 1er janvier 2017, avec une durée hebdomadaire de 22 heures 48, jusqu'à son départ à la retraite qui devait intervenir le 1er janvier 2022. L'annexe n° 1 " simulation temps de travail sur période du TPS ", à laquelle renvoie ce protocole, mentionne qu'après une période d'activité à temps partiel jusqu'au 22 mars 2018, l'intéressé est entré de façon définitive en " temps libéré ", soldant les jours de congés acquis avant l'entrée dans le dispositif, ainsi que ses jours de congés annuels, et bénéficiant de " journées de temps libre ". Ainsi, M. A... n'exerçait plus de fonctions au sein de la société Orange lorsqu'il a été victime d'une agression mortelle le 21 octobre 2019. Dans ces conditions, quand bien même la société Orange a continué de prendre en charge ses frais de déplacement et d'hébergement alors qu'elle n'y était plus obligée, l'agression mortelle dont M. A... a été victime ne peut être regardée comme survenue dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal.

4. Il résulte de tout ce qui précède que la société Orange est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de cette agression. Par suite, les conclusions présentées par Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Lille n° 2008934 du 3 juillet 2023 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Orange et à Mme B... A....

Délibéré après l'audience publique du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre,

- M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur,

- M. Frédéric Malfoy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2024.

Le président-rapporteur,

Signé : J.-M. Guérin-LebacqLa présidente de chambre,

Signé : M.-P. Viard

La greffière,

Signé : C. Huls-Carlier

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

C. Huls-Carlier

2

N° 23DA01746


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01746
Date de la décision : 20/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Viard
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guerin-Lebacq
Rapporteur public ?: M. Carpentier-Daubresse
Avocat(s) : ALVAREZ DE SELDING YANICK

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-20;23da01746 ?
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