Attendu que Michel Y... a consenti à chacun de ses enfants un legs de 2 000 000 francs à charge de restitution au profit de leurs enfants ; que, lors du partage de sa succession, le 1er septembre 1928, un immeuble, évalué à l'acte à la somme de 4 700 000 francs, a été attribué à sa fille, Marthe X..., à concurrence de 2 700 000 francs comme bien libre, et le surplus en emploi de la somme de 2 000 000 francs au titre des fonds grevés de substitution ; que Marthe X... est décédée le 28 novembre 1988 en laissant un seul enfant, Mme Z..., qu'elle avait instituée légataire universelle à charge de délivrer à M. Le Barrois des legs portant notamment sur l'usufruit de deux des appartements de l'immeuble et leurs dépendances ; qu'elle avait assorti ces libéralités d'une clause pénale selon laquelle, au cas où son héritière contesterait la validité des legs et en refuserait la délivrance amiable, elle léguait, en outre, à M. Le Barrois une somme de 3 000 000 francs ; que, le 25 juillet 1989, Mme Z... a vendu l'immeuble à la Société de négociation immobilière et mobilière Malleville (la Sonimm) ; que celle-ci a assigné M. Le Barrois en nullité des dispositions testamentaires dont il bénéficiait ;
Sur les deux premières branches du premier moyen : (sans intérêt) ;
Sur la première branche du deuxième moyen :
Attendu que la Sonimm fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré valables les legs en usufruit consentis à M. Le Barrois par Marthe X..., alors, selon le moyen, que l'immeuble acquis en emploi des fonds grevés de substitution en exécution des articles 1065 et 1067 du Code civil est indivisiblement affecté à la garantie des droits de l'appelé, faute d'un cantonnement qui doit se faire dans les formes prescrites pour les partages en présence de mineurs ; que, lorsque l'appelé survit au grevé, tous les actes de disposition effectués par celui-ci sur cet immeuble sont anéantis, de sorte qu'en déclarant valables les legs concernant certains locaux de l'immeuble, qui n'avait fait l'objet d'aucun cantonnement, la cour d'appel a violé les articles 1048 et suivants du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que l'attribution de l'immeuble en cause à Marthe X... avait été faite, pour partie seulement de sa valeur, à titre d'emploi de la somme léguée par son père avec clause de substitution ; qu'ayant, à bon droit, énoncé que la charge de restitution ne portait que sur cette portion, elle en a exactement déduit que Marthe X... pouvait disposer du surplus ; que le moyen, en sa première branche, n'est donc pas fondé ;
Mais sur les deuxième et troisième branches du même moyen :
Vu l'article 1048 du Code civil ;
Attendu qu'en décidant que les legs en usufruit consentis à M. Le Barrois sur une partie de l'immeuble étaient valables en leur entier, et comme tels opposables à la Sonimm, sans rechercher s'ils ne réduisaient pas la quote-part dont Mme Z... était propriétaire par l'effet de la clause de substitution, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Mais encore sur le troisième moyen, pris en ses première et dernière branches :
Vu l'article 1017 du Code civil ;
Attendu que pour condamner in solidum Mme Z... et la Sonimm à payer à M. Le Barrois la somme de 3 000 000 francs à titre de legs particulier prévu comme pénalité au cas où Mme Z... contesterait la validité des legs et refuserait leur délivrance amiable, la cour d'appel, après avoir constaté que tel était le cas, a retenu que la Sonimm, professionnelle hautement qualifiée des transactions immobilières, ne saurait sérieusement prétendre ne pas avoir pris connaissance de l'entière teneur des testaments de Marthe X... dont faisait état l'acte d'acquisition du 25 juillet 1989 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait retenu que Mme Z... avait recueilli l'entière succession de Marthe X..., à charge de délivrer les legs particuliers consentis à M. Le Barrois, ce dont se déduisait nécessairement que seule Mme Z... était tenue d'acquitter le legs conditionnel prévu par la testatrice à titre de clause pénale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la dernière branche du premier moyen et sur la deuxième branche du troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, en ce qu'il a déclaré valables les legs en usufruit consentis par Marthe X... à M. Le Barrois, en toutes les conséquences qu'il en a tirées et en ce qu'il a condamné in solidum Mme Z... et la Sonimm à payer à celui-ci la somme de 3 000 000 francs à titre de legs, l'arrêt rendu le 29 mars 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.