Attendu que, selon les juges du fond la société Delrieu-Duprat, agence de publicité (devenue DDAMGTB) a été chargée par le Crédit foncier de France de la réalisation d'un film publicitaire concernant le lancement d'un emprunt public, en mars 1987 ; que l'agence a confié la réalisation technique à la société de production PHP, qui a sous-traité la confection des copies à la société Télétota ; qu'en cours de réalisation, le film a dû être modifié à la suite du changement du taux d'intérêts, initialement fixé à 9,20 %, qui a été porté à 9,33 % ; que cependant, à la suite d'une erreur de manipulation, le film diffusé à la télévision mentionnait le taux erroné de 9,20 % ; que l'agence de publicité a fait assigner le producteur et la Régie française de publicité (RFP), organisme de contrôle des émissions publicitaires, pour obtenir leur condamnation solidaire au paiement de dommages-intérêts ; que PHP a appelé en garantie Télétota, et que la RFP a soulevé l'incompétence à son égard des juridictions de l'ordre judiciaire ; que la cour d'appel, dans un premier arrêt (Paris, 23 janvier 1992) a condamné PHP à payer à la DDAMGTB 1 800 000 francs de dommages-intérêts, et Télétota à garantir PHP à concurrence du quart ; que dans un second arrêt, du 14 mai 1992, la cour d'appel a jugé que les demandes formées contre la RFP relevaient de la compétence de la juridiction administrative ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de la société Télétota :
Attendu que la société Télétota fait grief à l'arrêt du 23 janvier 1992 de l'avoir condamnée à garantir la société PHP à concurrence d'un quart de la condamnation prononcée au profit de DDAMGTB, en retenant contre elle une faute lourde lors de la remise de la copie du film pour sa diffusion à la télévision, alors que l'obligation de remettre le film incombait à PHP, producteur, et non à Télétota, sous-traitant, qui agissait pour le compte et sous l'entière responsabilité de PHP, en vertu d'une clause limitative de responsabilité ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu à l'encontre de la société Télétota chargée de la réalisation technique des copies du film destinées à la diffusion, l'erreur grossière ayant consisté à ne pas vérifier que le message remis au client comportait la rectification demandée quelques heures plus tôt, concernant le taux de l'emprunt ; que les juges du second degré ont pu admettre que cette faute lourde faisait échec à la clause limitative de responsabilité, et ont ainsi légalement justifié leur décision sur le partage de responsabilité ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses trois branches, et les moyens uniques des pourvois incidents des sociétés PHP et DDAMGTB, pris en leurs trois branches :
Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir, par son arrêt du 14 mai 1992, décidé que les demandes relatives à la RFP relevaient de la compétence du juge administratif, alors que, d'une part, le contrôle exercé par la RFP ne résulte pas de prérogatives de puissance publique, et n'a pas le caractère administratif, ne donnant lieu qu'à un visa indicatif concernant la déontologie publicitaire, alors que, d'autre part, la cour d'appel aurait dû rechercher si la RFP, même agissant dans le cadre d'une délégation de la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL) n'exécutait pas une mission de service public industriel et commercial, ce qui justifiait la compétence de la juridiction judiciaire, et alors, enfin, qu'il n'aurait pas été répondu aux conclusions prises sur ce point par les sociétés Télétota, PHP et DDAMGTB ;
Mais attendu que la cour d'appel a retenu que le contrôle exercé par la RFP sur les messages publicitaires destinés à la télédiffusion procédait d'une délégation de la CNCL, autorité administrative indépendante chargée par la loi du 30 septembre 1986 de la mission générale de veiller au principe de la liberté de communication, notamment par le contrôle de la programmation des émissions publicitaires ; que la cour d'appel en a justement déduit que le litige mettant en cause la responsabilité de la RFP dans l'exécution de cette mission de service public administratif relevait, comme tel, de la juridiction administrative ; qu'elle a ainsi, sur ce point encore, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incidents.