Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que par une convention du 2 mai 1979, la société anonyme Clinique de l'Orangerie (la clinique) a concédé pour une durée de 30 ans, le droit exclusif de pratiquer l'électroradiologie et la radiothérapie dans ses locaux d'Aubervilliers à des médecins qui ont constitué entre eux la société civile de moyens Centre de radiologie et de traitement des tumeurs de l'Orangerie, Crtto ; que par actes des 1er juin et 19 septembre 1985, les docteurs X..., Y... et Ciupa ont, parallèlement à la renonciation des autres médecins associés de la société Crtto au droit d'exercer dans les lieux, acheté la totalité des parts de cette société ; que la société Paracelsus Klinik France (Paracelsus) a acquis tant les actions de la clinique que l'immeuble où elle était exploitée ; que, soutenant que des infiltrations se sont produites au deuxième sous-sol où était exercée la radiothérapie, rendant les locaux inutilisables, la société Crtto et MM. X..., Y... et Ciuppa ont assigné la clinique et la société Paracelsus Klinik pour faire juger que le contrat les liant était rompu par leur faute, et demander la réparation du préjudice subi ; que par un arrêt du 21 décembre 1990, la cour d'appel de Paris a déclaré la convention du 2 mai 1979 résiliée à la date du 15 juillet 1987 aux torts exclusifs de la clinique, et avant plus amplement dire droit, commis un expert ; qu'à la suite du dépôt du rapport de cet expert, l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'appel en garantie de l'Union des assurances de Paris (UAP) formé en cause d'appel par la clinique et la société Paracelsus, déclaré irrecevable le moyen de nullité de la convention du 2 mai 1979 soulevé par ces sociétés, déclaré irrecevables les demandes de la société Crtto, fixé le montant de restitutions et de la compensation des frais de déménagement dus aux trois médecins, et avant de statuer sur la perte d'exploitation, le supplément de charges, et le préjudice financier, commis trois experts ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal de la clinique et de la société Paracelsus :
Attendu que la clinique et la société Paracelsus font grief à l'arrêt de les avoir condamnées in solidum à payer diverses sommes à MM. X..., Y... et Ciupa alors selon le moyen que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer le principe de la contradiction, notamment au cours d'opérations d'expertise ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que l'expert commis a eu recours aux éléments du rapport d'un autre expert désigné dans une instance à laquelle la clinique et la société Paracelsus étaient étrangères, et qu'en refusant d'organiser une nouvelle réunion entre les parties après la communication de ce rapport, l'expert désigné a méconnu le " principe du contradictoire ", d'où il suit qu'en écartant le moyen tiré de la nullité du rapport de cet expert, la cour d'appel a violé les articles 16 et 160 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'expert a réuni les parties au cours de deux réunions qui ont porté sur le fond, qu'après la communication de nouvelles pièces, dont le rapport de l'autre expert, il a invité les parties à formuler leurs observations, et que l'avocat des cliniques a présenté celles-ci après avoir disposé d'un temps suffisant ; que de ces constatations souveraines, elle a pu déduire, après avoir exactement énoncé que l'expert n'avait pas l'obligation d'organiser une autre réunion, que le principe de contradiction avait été observé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal :
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable l'appel en garantie de l'UAP, alors selon le moyen, que la garantie due par l'assureur était véritablement en jeu dès l'instant où des condamnations étaient prononcées à l'encontre de l'assuré ; que le jugement ayant condamné la clinique et la société Paracelsus au paiement d'une indemnité provisionnelle, cette évolution du litige justifiait donc la mise en cause de l'assureur, d'où il suit qu'en déclarant irrecevable la mise en cause de la compagnie UAP, la cour d'appel a violé l'article 555 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la clinique et la société Paracelsus connaissaient les demandes formées contre elles devant le juge du premier degré ; que la condamnation prononcée en conséquence de celles-ci ne peut donc être considérée comme une évolution du litige au sens du texte précité ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Crtto, et de MM. Y..., X... et Ciupa :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevables les demandes de la société Crtto, alors selon le moyen, que la société civile de moyens a qualité pour agir en réparation du préjudice qu'elle a subi personnellement, qu'en l'espèce, la société est propriétaire du matériel dont le déménagement a dû être entrepris à la suite des infiltrations dont la clinique est responsable, que dès lors, en se bornant à énoncer que la société Crtto, qui n'était pas signataire de la convention du 2 mai 1979, était sans lien de droit avec la clinique, pour en déduire qu'elle n'avait pas qualité à agir contre cette dernière, sans rechercher si, en tout état de cause, les négligences imputables à la clinique n'avaient pas causé un préjudice au propriétaire du matériel installé dans l'établissement, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des considérations inopérantes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la société Crtto ayant, par des conclusions communes et dans des termes identiques à ceux de MM. Y..., X... et Ciupa, demandé aux juges du fond de l'indemniser d'un préjudice né de la rupture de relations contractuelles, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de modifier le fondement de la demande, a légalement justifié sa décision en retenant que cette société civile constituée entre les médecins bénéficiaires de la convention, étant elle-même étrangère à cette convention, était sans qualité pour agir ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches :
Vu l'article 1351 du Code civil :
Attendu que l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée, lorsque la demande a un autre objet ou est fondée sur une cause différente de celle qui a donné lieu au jugement ;
Attendu que pour rejeter la demande de nullité de la convention du 2 mai 1979, l'arrêt attaqué retient qu'en confirmant le jugement en ce qu'elle avait été déclarée résiliée, la cour d'appel a, par son arrêt du 21 décembre 1990, implicitement mais nécessairement admis la validité de cette convention ;
Attendu, d'abord, que l'objet de la demande était dans un cas la nullité, dans l'autre la résiliation, et qu'était invoquée, dans la première hypothèse, la violation de règles d'ordre public relatives aux conventions passées par une société avec l'un de ses administrateurs et à l'interdiction d'une cession de clientèle, et dans la seconde, la violation d'obligations contractuelles ;
Attendu, ensuite, que la décision ordonnant la résiliation de la convention n'impliquait pas nécessairement que la cour d'appel se fût préalablement prononcée sur la question de la validité, qui ne lui était pas soumise ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 février 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.