AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mars 2004), qu'à l'occasion de travaux d'extension d'un bâtiment, la commune de Montmagny (la commune) a souscrit une police dommages-ouvrage auprès de la société La Bâloise, aux droits de laquelle vient la société Swiss Life assurances ; que des fissures étant apparues sur la façade du bâtiment, à la fin de l'année 1993, la commune a déclaré ce sinistre à l'assureur, par l'intermédiaire de son courtier, suivant lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 février 1994 ; que l'assureur, ayant réceptionné la déclaration le 30 mai 1994, a notifié son refus de garantir le sinistre, le 26 juillet 1994 ; que, saisi le 1er mars 1996 par la commune de demandes d'expertise et de provision, le juge des référés d'un tribunal de grande instance a désigné un expert le 15 mai 1996 qui a remis son rapport le 28 juin 2002, mais a rejeté la demande de provision ; que, par acte du 21 mars 2003, la commune a assigné l'assureur en paiement de diverses provisions devant le juge des référés, qui a déclaré ses demandes prescrites ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la commune fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé la décision du juge des référés, alors, selon le moyen, qu'en application de l'article R. 112-1 du Code des assurances, les modes d'interruption de la prescription biennale, énoncés à l'article L. 114-2 de ce Code, doivent, sous peine d'empêcher l'assureur de se prévaloir de cette prescription abrégée, être mentionnés dans la police d'assurance ; que dès lors en permettant à la société La Bâloise de se prévaloir d'une fin de non-recevoir tirée de l'acquisition de la prescription biennale, après avoir pourtant constaté que celle-ci s'était bornée, dans l'article 21 des conditions générales de sa police dommages-ouvrage, à renvoyer aux article L. 114-1 et L. 114-2 du Code des assurances sans mentionner explicitement les modes d'interruption de la prescription, la cour d'appel a violé l'article R. 112-1 du Code des assurances ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'article 21 des conditions générales de la police dommages-ouvrage souscrite par la commune auprès de la société La Bâloise stipule que "toutes actions dérivant du présent contrat sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y a donné naissance dans les termes des articles L. 114-1 et L. 114-2 du Code des assurances" ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que les dispositions relatives à la prescription biennale avaient été rappelées dans la police, de sorte que les dispositions de l'article R. 112-1, alinéa 2, du même Code selon lequel les polices d'assurances doivent... rappeler la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance avaient été respectées et que l'assureur était fondé à opposer la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Attendu que la commune fait également grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen, qu'à la suite des actes interruptifs de prescription donnant naissance à une procédure, le délai de prescription ne recommence à courir qu'à compter de l'achèvement de celle-ci ; que, dès lors en considérant, pour déclarer la prescription acquise au jour de l'assignation devant le juge du fond, que le délai, interrompu par l'assignation devant le juge des référés, avait recommencé à courir dès la désignation de l'expert, quand bien même celui-ci n'a rendu son rapport que le 28 juin 2002, soit plus de six ans après l'ordonnance l'ayant désigné, la cour d'appel a violé l'article L. 114-2 du Code des assurances ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 114-2 du Code des assurances que la désignation de l'expert a pour seul effet d'interrompre le délai biennal de prescription qui recommence à courir à compter de cette désignation, et non d'en suspendre les effets pendant la durée des opérations d'expertise ;
Et attendu qu'ayant constaté que, postérieurement à l'ordonnance de référé du 15 mai 1996 ayant désigné l'expert judiciaire, aucune cause utile d'interruption ou de suspension de la prescription acquise au 15 mai 1998 n'était intervenue avant que la commune n'engage, le 21 mars 2003, son action en référé-provision, la cour d'appel a exactement décidé que cette action dirigée contre l'assureur était prescrite ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la commune de Montmagny aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la commune de Montmagny à payer à la société Swiss Life accidents la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix novembre deux mille cinq.