Vu leur connexité, joint les pourvois n° 95-19.347 etn° 95-19.515 ;
Attendu que, le 5 juillet 1972, Alphonse X... est décédé laissant son fils unique Pierre ; que, par testament, il avait légué la quotité disponible à ses deux petits-enfants, Renaud, né le 21 mai 1961, et Diane, née le 14 février 1965, et confié à M. Sabatier l'administration légale des biens revenant à ces mineurs ; que les 9, 10 et 16 mai 1988, M. Pierre X... les a assignés en liquidation et partage de la succession ; que M. Renaud X... et Mlle Diane X..., soutenant être créanciers de leur père et de M. Sabatier pour leur gestion des biens légués, ont assigné ce dernier le 27 janvier 1992 ;
Sur l'unique moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi de M. Sabatier :
Vu l'article 475 du Code civil ;
Attendu que la prescription quinquennale de l'action en reddition de compte du mineur contre le tuteur a, en principe, pour point de départ la fin de la tutelle ; que toutefois, lorsque le tuteur a continué de gérer, en cette qualité, les biens de son pupille après la majorité de celui-ci, elle ne court qu'à partir du jour où cette administration a cessé ;
Attendu que, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par M. Sabatier et déclarer que M. Renaud X... et Mlle Diane X... sont recevables à lui réclamer des comptes pour toute la durée de la gestion, l'arrêt attaqué énonce que M. Pierre X... a poursuivi, au-delà de la majorité des enfants, la gestion tutélaire qu'il a exercée de fait au lieu et place de M. Sabatier, et que celle-ci n'a pas cessé depuis plus de cinq ans, de sorte que l'approbation du compte d'administration rendu par M. Sabatier aux légataires ne fait pas obstacle à leur demande ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans relever aucun acte personnel de M. Sabatier établissant qu'il avait prolongé sa gestion des biens légués au-delà de la majorité des légataires, et alors, qu'au contraire, elle avait constaté que les comptes de son administration avaient été approuvés par ceux-ci, ce qui avait mis fin à la mission que lui avait confiée le testateur, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé ;
Et sur l'unique moyen du pourvoi de M. Pierre X... :
Vu l'article 815-3, alinéa 2, du Code civil ;
Attendu que, selon ce texte, si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration ;
Attendu que, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'article 815-10, alinéa 2, du Code civil opposée par M. Pierre X... et déclarer que M. Renaud X... et Mlle Diane X... sont recevables à lui réclamer des comptes pour toute la durée de la gestion, l'arrêt attaqué retient que la gestion de M. Pierre X... ne procède pas d'un mandat général d'administration mais correspond à une gestion tutélaire de fait, exercée aux lieu et place de la tutelle de M. Sabatier ;
Attendu cependant que la cour d'appel a constaté qu'en pleine connaissance et sans s'y opposer, M. Sabatier s'en est totalement remis à M. Pierre X... pour la gestion des biens immobiliers indivis ; qu'elle a ainsi caractérisé le mandat tacite qu'aux termes du texte susvisé, les coïndivisaires de M. Pierre X..., représentés par l'administrateur légal que le testateur leur avait désigné pour le temps de leur minorité, étaient censés lui avoir donné ; que, dès lors, le mandat, dont M. Pierre X... était réputé investi, excluait que celui-ci ait agi en qualité de tuteur de fait des légataires ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit qu'aucune prescription fondée tant sur l'article 815-10, alinéa 2, que sur l'article 475 du Code civil ne peut être invoquée par M. Pierre X... et par M. Sabatier, l'arrêt rendu le 3 février 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.