N° 3849
Conflit sur renvoi de la cour administrative d'appel de Lyon
Sté GTM Génie civil et services c/ Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions
Séance du 14 mai 2012Lecture du 11 juin 2012
LE TRIBUNAL DES CONFLITS
Vu l'expédition de l'arrêt du 23 juin 2011, par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, saisie d'un appel du jugement du 24 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Lyon a condamné la société Dumez à verser au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, subrogé dans les droits de M. X..., la somme de 491 150 euros, ainsi qu'une rente de 6 000 euros, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu le jugement du 29 juin 2004 par lequel le tribunal correctionnel de Villefranche-sur-Saône a rejeté l'action civile de M. X... ;
Vu le mémoire présenté pour la société GTM Génie civil et services, venant aux droits de la société Dumez, et tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente par le motif que les rapports entre les détenus et le groupement privé chargé par l'Etat d'assurer le service médical d'un établissement pénitentiaire sont des rapports de droit public ;
Vu le mémoire présenté par le ministre du travail de l'emploi et de la santé et tendant à ce que la juridiction administrative soit déclarée compétente par le même motif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jacques Arrighi de Casanova, membre du Tribunal,- les observations de la SCP Odent-Poulet pour la Sté GTM Génie civil et services, - les conclusions de M. Didier Boccon-Gibod, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Amari X... a été victime, le 2 juillet 1997, d'un arrêt cardio-respiratoire, puis d'un coma anoxique, alors qu'il était incarcéré à la maison d'arrêt de Villefranche-sur-Saône ; que, par jugement du 29 juin 2004, le tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône, statuant en matière correctionnelle, a retenu la culpabilité des médecins qui avaient prescrit et administré à l'intéressé les substances à l'origine de cet accident mais a rejeté, comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, la constitution de partie civile de M. X..., estimant que les fautes retenues à l'encontre des praticiens n'étaient pas détachables du service ; que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, subrogé dans les droits de M. X... après l'avoir indemnisé, a recherché la responsabilité de la société Dumez, devenue la société GTM Génie civil et services, chargée du service médical de l'établissement pénitentiaire en vertu d'un marché passé avec l'Etat ; que, si le tribunal administratif de Lyon a fait droit aux demandes du fonds, la cour administrative d'appel de Lyon a estimé que le litige ne relevait pas de la juridiction administrative et a, en conséquence, renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849, le soin de décider sur la question de compétence ; que ces demandes ayant le même objet et le même fondement, il y a identité de litige au sens des articles 17 et 34 du décret du 26 octobre 1849 ;
Considérant que, selon le troisième alinéa de l'article 2 de la loi du 22 juin 1987, alors en vigueur : "Dans les établissements pénitentiaires, les fonctions autres que celles de direction, du greffe et de surveillance peuvent être confiées à des personnes de droit public ou privé selon une habilitation définie par décret en Conseil d'Etat. Ces personnes peuvent être choisies dans le cadre de l'appel d'offres avec concours prévu à l'alinéa précédent", lequel porte sur la procédure de conclusions de la convention par laquelle l'Etat confie à un tiers une mission portant à la fois sur la conception, la construction et l'aménagement d'établissements pénitentiaires ;
Considérant que le marché par lequel l'Etat a confié à la société Dumez, spécialement habilitée à cet effet, la responsabilité du service médical de la maison d'arrêt de Villefranche-sur-Saône a été conclu sur le fondement de ces dispositions ; qu'aux termes de l'article 25 du cahier des clauses administratives et techniques particulières applicable au marché conclu entre l'Etat et cette société : "le cocontractant met en œuvre les moyens susceptibles de préserver la santé des détenus qui lui sont confiés. A ce titre, il assure les actions de prévention, de diagnostic et de soins conformément à la réglementation en vigueur, sous le contrôle de l'inspection générale des affaires sociales et des services extérieurs du ministère de la santé (...)" ;
Considérant que le dommage subi par M. X... a pour origine des fautes qui n'étaient pas détachables du service médical assuré par la société Dumez, pour le compte de l'Etat et sous son contrôle ; que, eu égard tant à la nature particulière que revêtait cette mission de service public administratif qu'aux conditions dans lesquelles elle était alors assurée, le détenu auquel des soins étaient dispensés dans le cadre qui était ainsi défini se trouvait, à l'égard de la personne, même de droit privé, chargée de cette mission, dans une relation de droit public ; qu'il suit de là que le litige né de l'action en responsabilité engagée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, subrogé dans les droits de M. X... à l'encontre de la société Dumez, devenue la société GTM Génie civil et services, relève de la juridiction administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La juridiction de l'ordre administratif est compétente pour connaître du litige opposant le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions à la société GTM Génie civil et services.
Article 2 : L'arrêt du 23 juin 2011 de la cour administrative d'appel de Lyon est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant cette cour.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.