N° 3750
Conflit sur renvoi de la cour administrative d'appel de Bordeaux
Consorts
X...
c/ Etablissement français du sang
LE TRIBUNAL DES CONFLITS
Vu l'expédition de l'arrêt du 15 juillet 2009, par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, saisie d'une demande des consorts X... tendant à l'annulation du jugement du 30 juillet 2008 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux avait rejeté comme portée devant une juridiction incompétente leur demande tenant à la condamnation de l'Etablissement français du sang à leur verser des réparations, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;
Vu l'ordonnance du 4 avril 2006 par laquelle le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Bordeaux a déclaré la juridiction de l'ordre judiciaire incompétente pour connaître de ce litige ;
Vu le mémoire présenté pour l'Etablissement français de sang tendant à ce que les juridictions de l'ordre administratif soient déclarées compétentes pour connaître de l'action engagée le 22 septembre 2005 par les consorts X... contre l'Etablissement français du sang, en indemnisation du préjudice subi par leur mère Lucette X..., décédée le 9 octobre 2002, qui aurait, par suite d'une transfusion de plasma, été contaminée en 1984 par le virus de l'hépatite C, aux motifs que l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et au contentieux en matière de transfusion sanguine, dispose en son article 15 que les demandes tendant à l'indemnisation des dommages résultant de la fourniture de produits sanguins relèvent de la compétence des juridictions administratives, quelle que soit la date à laquelle est intervenu le fait générateur des dommages, et que les juridictions judiciaires ne demeurent compétentes que si elles ont été saisies d'une demande antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance ; que cette dérogation ne trouve pas à s'appliquer lorsque seul le juge des référés du tribunal de grande instance a été saisi de demandes aux fins d'expertise et de provision ;
Vu le mémoire de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales qui demande qu'il lui soit donné acte de son intervention volontaire, de ce qu'il se substitue à l'Etablissement français du sang dans ses rapports avec les consorts X... et de ce qu'il s'approprie les observations de l'Etablissement français du sang ;
Vu les observations de Mme le ministre de la santé et des sports tendant à ce que la compétence du juge de l'ordre administratif soit retenue pour statuer sur les demandes des consorts X..., le juge des référés du tribunal de grande instance ayant été saisi avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 1er septembre 2005 ;
Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des conflits a été notifiée aux consorts X... et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde qui n'ont pas produit de mémoire ;
Vu les autres pièces dossier,
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu le décret du 26 octobre 1849, modifié ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et au contentieux en matière de transfusion sanguine, notamment son article 15 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Franck Terrier, membre du Tribunal,- les observations de la SCP Piwnica-Molinié pour l'Etablissement français du sang,- les observations de la SCP Roger-Sevaux pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux,- les conclusions de M. Mattias Guyomar, commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'article 15 de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et au contentieux en matière de transfusion sanguine, publiée au Journal officiel de la République française le 2 septembre 2005, dispose que : " Les demandes tendant à l'indemnisation des dommages résultant de la fourniture de produits sanguins labiles ou de médicaments dérivés du sang élaborés par les personnes morales de droit public mentionnées à l'article 14 de la présente ordonnance ou par des organismes dont les droits et obligations ont été transférés à l'Etablissement français du sang en vertu d'une convention conclue en application de l'article 18 de la loi du 1er juillet 1998 visée ci-dessus ou dans les conditions fixées au I de l'article 60 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 2000 visée ci-dessus relèvent de la compétence des juridictions administratives quelle que soit la date à laquelle est intervenu le fait générateur des dommages dont il est demandé réparation. Les juridictions judiciaires saisies antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance de demandes pour lesquelles elles étaient compétentes le demeurent après cette entrée en vigueur " ;
Considérant que Mme Lucette X..., atteinte d'une hépatite C et imputant cette contamination à la transfusion, reçue le 7 septembre 1984, de plasma délivré par le Centre régional de transfusion sanguine de Bordeaux, a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux de demandes successives tendant, la première, à ce qu'un expert soit commis pour déterminer l'origine de sa contamination, la seconde, à ce qu'il lui soit alloué une provision sur l'indemnisation à laquelle elle pourrait prétendre ; que le juge des référés a, par ordonnance du 12 juillet 1993, désigné deux experts, et, par ordonnance du 25 mai 1994, rejeté la demande de provision ; que Mme Lucette X... étant décédée le 9 octobre 2002, les consorts
X...
, ses héritiers, ont, le 22 septembre 2005, assigné l'Etablissement français du sang devant le tribunal de grande instance de Bordeaux en indemnisation du préjudice subi par leur mère et de celui subi par eux-mêmes du fait de la contamination de leur mère ; que, par ordonnance du 4 avril 2006, le juge de la mise en état de cette juridiction a, en application de l'article 15 de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005, rejeté cette action comme portée devant une juridiction incompétente ; que les consorts
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ayant saisi la juridiction administrative, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, par arrêt du 15 juillet 2009, retenu, par application du même texte, que la juridiction de l'ordre judiciaire, saisie avant l'entrée en vigueur de cette ordonnance, demeurait seule compétente pour connaître du litige ;
Considérant qu'à la date de l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-1097 du 1er septembre 2005, le juge judiciaire, qui s'était prononcé par ordonnances de référé des 12 juillet 1993 et 25 mai 1994, n'était saisi d'aucune demande tendant à l'indemnisation des dommages résultant de la fourniture à Mme Lucette X... de produits sanguins ; que, dès lors, la juridiction de l'ordre administratif est seule compétente pour se prononcer sur l'action engagée au fond le 22 septembre 2005 par les consorts
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;
D E C I D E :
Article 1er : La juridiction de l'ordre administratif est compétente pour connaître du litige opposant les consorts
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à l'Etablissement français du sang.
Article 2 : L'arrêt de la cour administrative d'appel en date du 15 juillet 2009 est déclaré nul et non avenu. La cause et les parties sont renvoyées devant cette cour.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, qui est chargé d'en assurer l'exécution.