LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 10 juillet 2025
Cassation partielle
Mme PROUST, conseillère doyenne
faisant fonction de présidente
Arrêt n° 405 F-D
Pourvoi n° A 23-17.664
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUILLET 2025
1°/ Mme [F] [T], domiciliée [Adresse 2],
2°/ M. [E] [H], domicilié [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° A 23-17.664 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 2), dans le litige les opposant au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à [Localité 5], représenté par son syndic la société Egim, syndic, dont le siège est [Adresse 4], défendeur à la cassation.
Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à [Localité 5] a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt.
Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Schmitt, conseillère référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de Mme [T] et de M. [H], de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à [Localité 5], après débats en l'audience publique du 17 juin 2025 où étaient présentes Mme Proust, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, Mme Schmitt, conseillère référendaire rapporteure, Mme Grandjean, conseillère faisant fonction de doyenne, et Mme Letourneur, greffière de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 mai 2023) et les productions, le syndicat des copropriétaires d'un immeuble soumis au statut de la copropriété (le syndicat des copropriétaires) a assigné Mme [T] et M. [H], propriétaires de lots, en démolition de la véranda édifiée sur le jardin constituant le lot n° 303 dont ils ont la jouissance privative, et en indemnisation.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi principal
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande tendant à la condamnation in solidum de Mme [T] et M. [H] à lui payer la somme de 7 450 euros à titre de dommages-intérêts pour atteinte au style architectural de l'immeuble et dévoiement du système de chauffage, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en l'espèce, le syndicat des copropriétaires demandait à la cour d'appel la condamnation solidaire de Mme [T] et M. [H] à lui payer la somme de 7 450 euros correspondant, d'une part, à l'atteinte à la destination de l'immeuble causée par la véranda construite sans autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires, altérant le style architectural de la résidence, d'autre part, au dévoiement du système de chauffage de la copropriété engendré par le chauffage de ladite véranda ; que cependant, pour déclarer irrecevable cette demande indemnitaire, la cour d'appel a affirmé qu'elle tendait seulement à la réparation du surcoût du chauffage subi collectivement par les copropriétaires et qu'il ressort du jugement et des conclusions du syndicat des copropriétaires en première instance que le syndicat des copropriétaires n'avait pas formé une telle prétention en première instance ; qu'en statuant ainsi, tandis que la demande tendant à la réparation du préjudice né de l'atteinte au style architectural de l'immeuble avait déjà été soumise au premier juge et que les conclusions d'appel du syndicat des copropriétaires formulaient une telle demande la cour d'appel a dénaturé l'objet du litige dont elle était saisie, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
4. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
5. Pour déclarer irrecevable la demande du syndicat des copropriétaires en paiement d'une somme de 7 450 euros de dommages-intérêts, l'arrêt retient que, dans le corps de ses conclusions, le syndicat des copropriétaires exposait former cette demande au titre du préjudice résultant du surcoût de chauffage subi collectivement par les copropriétaires en conséquence du dévoiement du système de chauffage dans la véranda et qu'il ressortait du jugement et de ses conclusions en première instance que cette demande n'avait pas été formée devant les premiers juges.
6. En statuant ainsi, alors que cette demande indemnitaire était formée au titre d'un surcoût de chauffage chiffré à 2 450 euros et au titre du préjudice résultant de l'altération du style architectural de l'immeuble dont l'indemnisation avait été demandée en première instance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
7. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande tendant à la condamnation in solidum de Mme [T] et M. [H] à lui payer la somme de 3 380,42 euros à titre de dommages-intérêts pour frais supplémentaires de ravalement, alors « que l'obligation faite à l'appelant incident de solliciter l'infirmation ou l'annulation du jugement entrepris dans le dispositif de ses conclusions n'est pas applicable aux instances introduites par un appel formé antérieurement au 17 septembre 2020, sauf à priver l'appelant incident de son droit à un procès équitable en lui imposant une charge procédurale qui n'était pas prévisible à la date de l'appel ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable la demande du syndicat des copropriétaires tendant au paiement d'une somme de 3 380,42 euros à titre de dommages et intérêts pour frais supplémentaires de ravalement de la façade de la résidence, rejetée par les premiers juges, la cour d'appel a jugé que dans le dispositif de ses conclusions, le syndicat des copropriétaires ne sollicite ni l'infirmation ni l'annulation du jugement relativement à cette prétention ; qu'en statuant ainsi, tandis que Mme [T] et M. [H] avaient interjeté appel le 16 mai 2018, de sorte que le syndicat des copropriétaires n'était pas tenu de solliciter la réformation de ce chef de dispositif du jugement entrepris dans le dispositif de ses conclusions d'appel, la cour d'appel a violé les articles 542, 909 et 954 du code de procédure civile et 6 § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 542, 909 et 954 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
8. Il résulte du premier et du troisième de ces textes que, lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer la décision. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui a été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626) pour la première fois dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable (2e Civ., 1er juillet 2021, pourvoi n° 20-10.694, publié).
9. Pour déclarer irrecevable la demande du syndicat des copropriétaires en paiement d'une somme de 3 380,42 euros en indemnisation des frais supplémentaires de ravalement, l'arrêt retient que, dans le dispositif de ses conclusions en appel, le syndicat des copropriétaires ne sollicite ni l'infirmation ni l'annulation du jugement relativement à cette prétention.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 16 mai 2018, et a privé le syndicat des copropriétaires d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il y a lieu, dès lors, d'annuler l'arrêt de ce chef.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] en condamnation in solidum de Mme [T] et de M. [H] à lui payer les sommes de 7 450 euros à titre de dommages-intérêts et de 3 380,42 euros à titre de dommages-intérêts pour les frais supplémentaires de ravalement, l'arrêt rendu le 17 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme [T] et M. [H] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [T] et M. [H] et les condamne in solidum à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à [Localité 5] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le dix juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.