LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
FC
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 19 juin 2025
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 304 F-D
Pourvoi n° M 23-11.694
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 JUIN 2025
1°/ M. [N] [V],
2°/ Mme [C] [U],
tous deux domiciliés [Adresse 2], [Localité 4]
ont formé le pourvoi n° M 23-11.694 contre l'arrêt rendu le 6 décembre 2022 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [N] [E], domicilié [Adresse 1], [Localité 4],
2°/ au syndicat [Adresse 3], dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4], prise en la personne de ses syndics, M. [N] [E] et Mme [S] [R],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Schmitt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [V] et de Mme [U], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [E] et du syndicat [Adresse 3], après débats en l'audience publique du 6 mai 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Schmitt, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 6 décembre 2022), par délibération du 4 septembre 1825 approuvée par arrêté du préfet de la Drôme du 28 octobre suivant, huit propriétaires de chutes d'eau situées sur [Adresse 5] ont constitué le syndicat [Adresse 3] (le syndicat) afin de déterminer leurs droits et obligations en matière d'entretien de la prise d'eau sur le ruisseau de la Meyrosse et de réparations, de curage et de maintien de la largeur et de la profondeur du canal.
2. Cette délibération réservait un droit d'arrosage aux propriétaires du [Adresse 9].
3. M. [V] et Mme [U], propriétaires de parcelles en nature de jardin situées commune de [Localité 4], lieudit « [Localité 6] », s'étant plaints de l'assèchement du canal en raison du blocage en position haute d'une vanne permettant le maintien des eaux dans le ruisseau de la Meyrosse par M. [E], agissant comme syndic, l'ont assigné, ainsi que le syndicat, en constat de l'extinction de ce dernier par disparition de son objet, en constat de leur droit d'arrosage et en interdiction de toute intervention sur les vannes du canal pour couper son alimentation en eau.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. [V] et Mme [U] font grief à l'arrêt de constater que le syndicat est un syndicat de copropriété légal dont la personnalité juridique est certaine et de rejeter leurs demandes tendant à voir constater son extinction et à dire qu'il n'a pas capacité légale de gérer et de faire fonctionner [Adresse 5], alors « qu'il résulte de l'arrêté du préfet de la Drôme du 28 octobre 1825 approuvant le syndicat intervenu entre les propriétaires d'usines et moulins mus par [Adresse 5], et de la délibération du 4 septembre 1825, constitutive de ce syndicat, qu'il a été constitué entre dix propriétaires de moulins et usines qui se servent des eaux prises à la rivière de [Localité 8] et conduites dans le canal dont le cours s'étend depuis l'extrémité supérieure du [Adresse 7] jusqu'au bas de celui de l'Aube, et que le syndicat a été créé afin de déterminer les droits et obligations de chacun des usiniers relativement à l'établissement et à l'entretien de la prise d'eau, aux réparations et au curage du canal, au maintien régulier de sa largeur et sa profondeur, du cours et de l'usage légitime des eaux ; que les usiniers propriétaires de chutes d'eau - le terme désignant le mouvement mécanique des usines et moulins mus par l'eau du canal - ne sont en aucun cas propriétaires du canal proprement dit, creusé au travers des parcelles des propriétaires terriens du [Adresse 9], et appartenant exclusivement à ces derniers ; qu'il en résulte que le syndicat [Adresse 3] n'est en aucun cas un syndicat de copropriétaires du canal régi par la loi du 10 juillet 1965, comme retenu par le jugement de première instance qui a, dans son dispositif, constaté que le syndicat [Adresse 3] est un syndicat de copropriété légal dont la personnalité juridique est certaine ; qu'en déclarant confirmer le jugement en toutes ses dispositions, y compris en celle ayant jugé que ce syndicat était un syndicat de copropriété, la cour d'appel a dénaturé la délibération du 4 septembre 1825 et l'arrêté du préfet de la Drôme l'approuvant du 28 octobre 1825, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »
Réponse de la Cour
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :
5. Pour confirmer le jugement en ce qu'il constate que le syndicat est un syndicat de copropriété légal et rejeter, par voie de conséquence, la demande tendant à voir constater son extinction, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que l'article 14, alinéa 1er, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 édicte que la collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile et qu'il apparaît, à la lecture de la délibération du 4 septembre 1825 et notamment de son article 13, que les propriétaires des huit chutes d'eau employées pour faire tourner des moulins et usines ont entendu créer un syndicat de copropriété représenté par deux syndics chargés de faire exécuter le règlement pris le même jour.
6. En statuant ainsi, alors que la délibération du 4 septembre 1825, prise par l'assemblée des propriétaires des moulins et usines se servant des eaux conduites dans le canal, ne constate pas l'existence de parties communes conditionnant l'application du statut de la copropriété, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes de ces actes, a violé le principe susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. La détermination de la nature du syndicat emporte celle des règles de compétence et de fond s'appliquant à l'examen des demandes de M. [V] et de Mme [U] en constat de son extinction, en confirmation du droit d'arrosage, toute l'année et sans interruption, des jardiniers du [Adresse 9], et en interdiction, faite au syndicat et à M. [E], de gérer [Adresse 5] et d'intervenir sur ses vannes.
8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt en ce qu'il confirme le chef du jugement ayant constaté que le syndicat est un syndicat de copropriété légal entraîne la cassation du chef de dispositif de l'arrêt en ce qu'il confirme le jugement en ses autres dispositions, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 décembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. [E] et le syndicat [Adresse 3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [E] et le syndicat [Adresse 3] et les condamne à payer à M. [V] et Mme [U] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le dix-neuf juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Proust, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de Mme Teiller, président empêché, le conseiller rapporteur et le greffier conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.