LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 15 mai 2025
Cassation partielle partiellement sans renvoi
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 468 F-D
Pourvoi n° X 23-18.535
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 MAI 2025
La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Centre-Val de Loire, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 23-18.535 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2023 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Centre-Val de Loire, de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir, après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lerbret-Féréol, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles,11 mai 2023), par décision du 5 juillet 2021, la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir (la caisse) a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par l'un des salariés de la société [4] (l'employeur).
2. L'employeur a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale aux fins, à titre principal, d'inopposabilité de la décision de prise en charge et, à titre subsidiaire, d'inscription des dépenses afférentes à la maladie litigieuse au compte spécial.
3. La caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Centre-Val de Loire (la CARSAT) est intervenue volontairement à l'instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La CARSAT fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chartres déclarant le tribunal judiciaire de Paris compétent pour statuer sur le litige relatif à l'inscription des dépenses afférentes à la maladie sur le compte spécial, alors « que les demandes de l'employeur d'inscription des dépenses afférentes à une maladie professionnelle au compte spécial, même formées avant notification de son taux de cotisation, relèvent de la seule compétence de la juridiction du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles ; qu'en retenant, pour dire que le tribunal judiciaire était compétent pour connaître de la demande de l'employeur d'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à la maladie professionnelle en cause, qu'à la date de saisine du tribunal judiciaire de Chartres, la CARSAT n'avait pas pris de décision sur son taux de cotisation ni aucune décision d'imputation s'agissant des conséquences financières de cette maladie professionnelle, la cour d'appel a violé les articles L. 142-1, 7°, L. 242-5, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023, D. 242-6-4, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, et L. 311-16 du code de l'organisation judiciaire. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 142-1, 7°, du code de la sécurité sociale, L. 311-16 du code de l'organisation judiciaire, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, et les articles L. 242-5, D. 242-6-4, D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :
5. Il résulte de la combinaison des trois premiers de ces textes que la juridiction du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles connaît des litiges relatifs aux décisions des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail et des caisses de mutualité sociale agricole concernant, en matière d'accidents du travail agricoles et non agricoles, la fixation du taux de cotisation, l'octroi de ristournes, l'imposition de cotisations supplémentaires, et pour les accidents régis par le livre IV du code de la sécurité sociale, la détermination de la contribution prévue à l'article L. 437-1.
6. L'article D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire a maintenu une juridiction spécialement désignée ayant compétence exclusive pour connaître du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles.
7. Depuis un arrêt de la deuxième chambre civile du 28 septembre 2023, (pourvoi n° 21-25.719), la Cour de cassation décide que les demandes de l'employeur de retrait de son compte des dépenses afférentes à une maladie professionnelle ou d'inscription de ces dépenses au compte spécial, même formées avant notification de son taux de cotisation, relèvent de la seule compétence de la juridiction du contentieux de la tarification de l'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles.
8. Ayant relevé que l'employeur avait saisi, avant notification de son taux de cotisation, une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale d'une demande d'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à la maladie professionnelle litigieuse, la cour d'appel a confirmé le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chartres déclarant le tribunal judiciaire de Paris compétent pour statuer sur la demande.
9. En conséquence, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, tel que suggéré par la CARSAT, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
12. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 5, 6 et 7 qu'il convient d'infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Chartres en tant qu'il se dessaisit de l'affaire au profit du tribunal judiciaire de Paris, et de déclarer le tribunal judiciaire de Paris incompétent pour connaître de la demande aux fins d'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à la maladie litigieuse et de renvoyer sur ce point, l'affaire et les parties, devant la cour d'appel d'Amiens, spécialement désignée par l'article D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire, compétente pour connaître de ce litige.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Centre-Val de Loire recevable en son intervention volontaire , l'arrêt rendu le 11 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi sur l'exception d'incompétence ;
INFIRME le jugement du 14 octobre 2022 du tribunal judiciaire de Chartres en tant qu'il se dessaisit de l'affaire au profit du tribunal judiciaire de Paris ;
DÉCLARE le tribunal judiciaire de Paris incompétent pour connaître de la demande aux fins d'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à la maladie litigieuse ;
RENVOIE, pour connaître de la demande aux fins d'inscription au compte spécial des dépenses afférentes à la maladie litigieuse, l'affaire et les parties devant la cour d'appel d'Amiens, spécialement désignée par l'article D. 311-12 du code de l'organisation judiciaire, compétente pour connaître de ce litige ;
Dit que pour la transmission du dossier, il sera procédé dans les formes prévues à l'article 82 du code de procédure civile ;
Dit que pour le surplus du litige, relatif à la demande aux fins d'inopposabilité de la décision de prise en charge, l'instance se poursuivra devant le tribunal judiciaire de Paris ;
Condamne la société [4] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Versailles ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société [4] présentée devant la cour d'appel et la condamne à payer à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail du Centre-Val de Loire la somme de 3 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure-et-Loir la somme de 2 000 euros, au titre des frais exposés devant la Cour de cassation ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le quinze mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.