LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 15 mai 2025
Cassation partielle sans renvoi
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 448 F-D
Pourvoi n° P 23-18.320
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 MAI 2025
La caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 23-18.320 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 12), dans le litige l'opposant à la société [3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 mai 2023), la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] (la caisse) a, le 9 août 2017, pris en charge au titre de la législation professionnelle, l'accident survenu, le 30 mai 2017, à l'un des salariés (la victime) de la société [3] (l'employeur).
2. Contestant l'imputabilité à l'accident des soins et arrêts prescrits jusqu'au 28 février 2018, date de guérison de la victime, l'employeur a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La caisse fait grief à l'arrêt de déclarer inopposable à l'employeur la prise en charge des arrêts de travail de la victime prescrits à compter du 6 juin 2017, alors « que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime ; que le versement d'indemnités journalières à compter de l'accident permet d'établir qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la caisse justifiait d'une attestation d'indemnités journalières établissant que la victime avait bénéficié de telles indemnités dès le lendemain de l'accident ; qu'en jugeant pourtant que faute, pour la caisse, de justifier par une pièce médicale le versement des indemnités journalières à compter de cette date, elle ne pouvait se prévaloir de la présomption d'imputabilité des arrêts et des soins à l'accident du travail, la cour d'appel a violé les articles L. 411-1 du code de la sécurité sociale et 1315, devenu 1353, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1353 du code civil et L. 411-1 du code de la sécurité sociale :
4. La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée
d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.
5. Pour déclarer les soins et arrêts de travail prescrits à la victime inopposables à l'employeur à compter du 6 juin 2017, l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que le certificat médical initial était assorti d'un arrêt de travail et que la caisse ne peut donc se prévaloir de la présomption d'imputabilité des soins et arrêts à l'accident du travail.
6. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la caisse justifiait que la victime avait bénéficié d'indemnités journalières à compter du 1er juin 2017, de sorte que les soins et arrêts prescrits étaient réputés imputables à l'accident du travail, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
9. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 4 et 6 qu'il convient de débouter l'employeur de son recours en inopposabilité de la décision de prise en charge des arrêts de travail de la victime prescrits à compter du 6 juin 2017.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce en ce qu'il confirme le jugement en tant qu'il déclare recevable le recours de la société [3] et met hors de cause la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis et sauf en ce qu'il infirme le jugement en tant qu'il constate que la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis ne justifie pas de la continuité des symptômes et des soins prescrits à M. [P] à compter du 6 juin 2017, l'arrêt rendu le 12 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Infirme le jugement en tant qu'il déclare inopposables à la société [3] les soins et arrêts de travail prescrits à M. [P] à compter du 6 juin 2017 ;
Déboute la société [3] de son recours en inopposabilité de la décision de prise en charge des arrêts de travail prescrits à M. [P] à compter du 6 juin 2017 ;
Condamne la société [3] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société [3] et la condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le quinze mai deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.