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14/05/2025 | FRANCE | N°C2500628

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 mai 2025, C2500628


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° C 24-85.888 F-D


N° 00628




GM
14 MAI 2025




CASSATION




M. BONNAL président,














R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 MAI 2025




La direction générale des doua

nes et des droits indirects, partie intervenante, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 29 août 2024, qui a relaxé M. [Y] [B] des chefs d'infractions à la législation sur les...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° C 24-85.888 F-D

N° 00628

GM
14 MAI 2025

CASSATION

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 MAI 2025

La direction générale des douanes et des droits indirects, partie intervenante, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 29 août 2024, qui a relaxé M. [Y] [B] des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, transport et détention de marchandises prohibées.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la société Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la direction générale des douanes et des droits indirects, et de la direction interrégionale des douanes et des droits indirects du Nord-Pas-de-Calias, et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 2 avril 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [Y] [B] a, le 20 mai 2023, fait l'objet d'un contrôle par des agents des douanes alors qu'il circulait à bord de son véhicule immatriculé aux Pays-Bas sur l'autoroute A22, à proximité de la frontière belge.

3. Le contrôle a révélé qu'il transportait divers produits stupéfiants.

4. M. [B] a été convoqué devant le tribunal correctionnel qui, par jugement du 5 juin 2023, a fait droit à la demande de nullité du procès-verbal de contrôle et des actes subséquents présentés par la défense, et a confisqué les produits saisis.

5. Le procureur de la République et l'administration des douanes ont interjeté appel de ce jugement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait reçu l'exception de nullité soulevée par le prévenu, a infirmé le jugement entrepris en ses autres dispositions, a constaté l'annulation de l'ensemble des actes d'enquête, tant en procédure douanière que policière et a renvoyé M. [B] des fins de la poursuite, alors :

« 1°/ qu'en considérant qu'il résulterait de la décision n° 2022-1010 QPC du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2022 ayant déclaré inconstitutionnel l'article 60 du code des douanes et reporté l'abrogation de cet article au 1er septembre 2023, que les effets de l'inconstitutionnalité du texte prendraient effet à compter de la date même de cette décision, ce qui permettrait d'annuler pour inconstitutionnalité des contrôles opérés sur le fondement de l'article 60 du code des douanes postérieurement au 22 septembre 2022 et avant l'abrogation du texte, quand il résulte clairement de la décision du Conseil constitutionnel du 22 septembre 2022 que l'article 60 du code des douanes doit être regardé comme conforme à la Constitution jusqu'à la date à laquelle son abrogation a été reportée ou celle à laquelle un nouveau dispositif législatif conforme à la Constitution a été mis en place, lequel est intervenu par la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023, de sorte que les contrôles réalisés sur le fondement de ce texte postérieurement à la décision du 22 septembre 2022 et avant l'entrée en vigueur de la loi du 18 juillet 2023 ne peuvent être contestés au motif qu'ils seraient inconstitutionnels, la cour d'appel a violé l'article 62 de la Constitution de 1958 ;

2°/ qu'en relevant que l'inconstitutionnalité de l'article 60 du code des douanes devait être constatée pour la période courant de la date à laquelle le Conseil constitutionnel a rendu sa décision QPC du 22 septembre 2022 jusqu'à la date de l'abrogation effective de ce texte, de sorte que le contrôle litigieux, qui a été opéré durant cette période, devait être annulé comme exercé sur le fondement d'un texte non conforme à la Constitution, quand les juges répressifs ne peuvent constater eux-mêmes l'inconstitutionnalité d'une loi, ce que seul le Conseil constitutionnel est en mesure de faire, soit sur saisine directe, soit sur renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité, la cour d'appel a violé le principe de la séparation des pouvoirs issu des lois des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor an III et les articles 61 et 61-1 de la Constitution de 1958. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 60 du code des douanes, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023, et la décision n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022 :

7. Selon ce texte, pour l'application des dispositions du code des douanes et en vue de la recherche de la fraude, les agents des douanes peuvent procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes.

8. Il résulte de la décision précitée que le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel ce même article, a reporté au 1er septembre 2023 la date de son abrogation et n'a pas assorti sa décision d'une réserve transitoire s'appliquant avant cette abrogation, une telle réserve ne pouvant être qu'explicite.

9. Par ailleurs, il ne saurait être déduit de ce que le Conseil constitutionnel a précisé dans sa décision que les mesures prises avant la publication de celle-ci ne peuvent être contestées sur le fondement de l'inconstitutionnalité retenue, que les contrôles douaniers effectués entre cette publication et l'abrogation de l'article 60 du code des douanes pourraient l'être.

10. Enfin, à la suite de cette décision, le législateur a réécrit cet article 60 par la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023, entrée en vigueur le 20 juillet 2023.

11. Il en résulte que l'article 60 du code des douanes était donc applicable jusqu'à cette date et que les contrôles opérés avant celle-ci sur le fondement de cet article ne peuvent être annulés en raison de son inconstitutionnalité.

12. Pour faire droit à l'exception de nullité du contrôle effectué sur le fondement de l'article 60 précité, l'arrêt attaqué relève qu'en l'espèce le contrôle est intervenu après la décision du Conseil constitutionnel mais avant la date fixée pour l'abrogation de cet article.

13. Les juges énoncent qu'il convient de distinguer l'abrogation de l'article 60 du code des douanes, qui a été reportée au 1er septembre 2023 et qui empêche tout contrôle douanier avant l'adoption d'une nouvelle loi, et les effets de l'inconstitutionnalité de ce texte, qui débute à compter du 22 septembre 2022 et permet d'annuler les contrôles opérés sur son fondement.

14. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.

15. La cassation est par conséquent encourue.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 29 août 2024, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mai deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2500628
Date de la décision : 14/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 29 août 2024


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 mai. 2025, pourvoi n°C2500628


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 20/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:C2500628
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