LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
AF1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 avril 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 316 F-D
Pourvoi n° C 23-19.276
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 AVRIL 2025
La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° C 23-19.276 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2023 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [Y] [U], domiciliée [Adresse 4],
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-d'Oise, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [U], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 février 2025 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 juin 2023), Mme [U] a été victime, le 20 mars 2001, d'un accident de la circulation, dans lequel était impliqué un bus appartenant à la société Stivo et assuré par la société Axa France IARD (l'assureur).
2. Le 2 avril 2013, une expertise amiable a, notamment, fixé au 7 janvier 2013 la consolidation de la victime.
3. L'intéressée a assigné l'assureur en indemnisation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. L'assureur fait grief à l'arrêt, après avoir confirmé le jugement entrepris en ses dispositions sur les frais divers, sur le préjudice scolaire et universitaire, les frais d'aménagement du véhicule et du logement, les souffrances endurées, le préjudice esthétique temporaire, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice esthétique permanent, le préjudice d'agrément, le préjudice sexuel, et en ce qu'il avait réservé les droits de Mme [U] au titre des pertes de gains professionnels futurs, et ordonné la capitalisation des intérêts, de dire n'y avoir lieu à réserves au sujet de la révision des prothèses et de l'état éventuel de grossesse, de le condamner à payer à Mme [U] les sommes suivantes, à titre de réparation de son préjudice corporel, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt : - 77 306 euros au titre de la tierce personne temporaire ; - 1 678 585,80 euros au titre des dépenses de santé futures ; - 120 000 euros au titre de l'incidence professionnelle à titre provisionnel ; - 65 114 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ; - 235 832,63 euros au titre de l'assistance par une tierce personne et de le condamner à payer à Mme [U] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité allouée, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 21 juin 2013 et jusqu'à l'arrêt définitif, alors « que l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident une offre d'indemnité à la victime qui a subi une atteinte à sa personne ; que cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime, l'offre définitive d'indemnisation devant alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation ; qu'en l'espèce, pour fixer au 21 juin 2013 le point de départ de la sanction du doublement des intérêts légaux qu'elle a appliquée sur l'indemnité allouée à Mme [U], la cour d'appel s'est bornée à retenir que « la date du 21 juin 2013 n'est pas discutée par les parties et sera confirmée par la cour » ; qu'en statuant de la sorte, quand le 21 juin 2013 correspondait à la date à laquelle la société Axa France IARD avait formulé une offre jugée insuffisante, et que le point de départ de la sanction du doublement du taux des intérêts légaux devait être fixé, en l'absence de connaissance par l'assureur de responsabilité du responsable de la consolidation de l'état de la victime dans les trois mois de l'accident, à l'expiration du délai de 5 mois l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident une offre d'indemnité à la victime qui a subi une atteinte à sa personne ; que cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime, l'offre définitive d'indemnisation devant alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation ; qu'en l'espèce, pour fixer au 21 juin 2013 le point de départ de la sanction du doublement des intérêts légaux qu'elle a appliquée sur l'indemnité allouée à Mme [U], la cour d'appel s'est bornée à retenir que « la date du 21 juin 2013 n'est pas discutée par les parties et sera confirmée par la cour » ; qu'en statuant de la sorte, quand le 21 juin 2013 correspondait à la date à laquelle la société Axa France IARD avait formulé une offre jugée insuffisante, et que le point de départ de la sanction du doublement du taux des intérêts légaux devait être fixé, en l'absence de connaissance par l'assureur de responsabilité du responsable de la consolidation de l'état de la victime dans les trois mois de l'accident, à l'expiration du délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation, la cour d'appel a violé les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances :
5. Il résulte de ces textes que l'assureur qui garantit la responsabilité du conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle il a été informé de la consolidation de la victime et que lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis par le premier texte, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit, au double du taux de l'intérêt légal, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.
6. Pour condamner l'assureur au paiement des intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité allouée, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 21 juin 2013, l'arrêt retient que l'offre d'indemnisation présentée par l'assureur à cette date était insuffisante, ce qui équivaut à une absence d'offre.
7. En statuant ainsi, alors que le point de départ du doublement du taux de l'intérêt légal devait être fixé à l'expiration du délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur avait été informé de la consolidation de la victime, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
8. L'assureur fait le même grief à l'arrêt, alors « que les juges du fond doivent motiver leurs décisions en fait et en droit ; qu'en infirmant le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il avait condamné la société Axa France IARD à payer à Mme [U] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité allouée, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 15 octobre 2013 et jusqu'au 8 juillet 2019, et en condamnant l'assureur à payer à la victime les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité allouée, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 21 juin 2013 et jusqu'à l'arrêt définitif, sans expliquer pour quelles raisons elle écartait l'offre formulée par la société Axa France IARD dans ses conclusions signifiées le 8 juillet 2019, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
9. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
10. L'arrêt condamne l'assureur au paiement des intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité allouée, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, jusqu'à l'arrêt définitif.
11. En statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'offre formulée par l'assureur le 8 juillet 2019 par voie de conclusions ne répondait pas aux exigences des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
12. D'une part, le moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de dire n'y avoir lieu à réserves au sujet de la révision des prothèses et de l'état éventuel de grossesse, de condamner l'assureur à payer à Mme [U] les sommes suivantes, à titre de réparation de son préjudice corporel, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt : 77 306 euros au titre de la tierce personne temporaire, 1 678 585,80 euros au titre des dépenses de santé futures, 120 000 euros au titre de l'incidence professionnelle à titre provisionnel, 65 114 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 235 832,63 euros au titre de l'assistance par une tierce personne, la cassation ne peut s'étendre à ces dispositions de l'arrêt qui ne sont pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.
13. D'autre part, la cassation du chef de dispositif condamnant l'assureur à payer à Mme [U] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité allouée, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des sommes versées, à compter du 21 juin 2013 et jusqu'à l'arrêt définitif n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'assureur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Axa France IARD à payer à Mme [U] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité allouée, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 15 octobre 2013 et jusqu'au 8 juillet 2019 et en ce qu'il condamne la société Axa France IARD à payer à Mme [U] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité allouée, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des sommes versées, à compter du 21 juin 2013 et jusqu'à l'arrêt définitif, l'arrêt rendu le 8 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne Mme [U] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille vingt-cinq.