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02/04/2025 | FRANCE | N°52500349

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 avril 2025, 52500349


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


JL10






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 2 avril 2025








Cassation partielle




Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 349 F-B


Pourvoi n° U 24-11.728


Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [Z].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour

de cassation
en date du 14 décembre 2023.






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASS...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 avril 2025

Cassation partielle

Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 349 F-B

Pourvoi n° U 24-11.728

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [Z].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 14 décembre 2023.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 AVRIL 2025

Mme [J] [Z], anciennement dénommée [V], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 24-11.728 contre l'arrêt rendu le 31 mars 2023 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, prud'hommes), dans le litige l'opposant à la société WTG, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pecqueur, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [Z], de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société WTG, après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pecqueur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 31 mars 2023), Mme [V], désormais dénommée Mme [Z], a été engagée en qualité de conseillère client par la société WTG suivant contrat de travail à durée déterminée du 11 novembre 2018 au 18 mai 2019.

2. La salariée, reconnue travailleuse handicapée par la maison départementale des personnes handicapées du Nord depuis le 16 janvier 2018, a bénéficié de deux visites par le médecin du travail les 12 décembre 2018 et 29 janvier 2019, à l'issue desquelles des aménagements de son poste ont été préconisés.

3. Postérieurement à l'échéance de son contrat de travail, elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à l'exécution de celui-ci.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination, alors « que le juge, saisi d'une action au titre de la discrimination en raison du handicap, doit, en premier lieu, rechercher si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination, tels que le refus, même implicite, de l'employeur de prendre des mesures concrètes et appropriées d'aménagements raisonnables, le cas échéant sollicitées par le salarié ou préconisées par le médecin du travail ; qu'en second lieu, au juge de rechercher si l'employeur démontre que son refus de prendre ces mesures est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison du handicap, tenant à l'impossibilité matérielle de prendre les mesures sollicitées ou préconisées ou au caractère disproportionné pour l'entreprise des charges consécutives à leur mise en oeuvre ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué, de première part, qu'en dépit des préconisations du médecin du travail formulées dès le 12 décembre 2018, aucun siège ergonomique n'a été fourni à Mme [Z] [V] de sorte qu'elle ''a continué d'accomplir sa prestation de travail jusqu'au 18 mai 2019 sans disposer du matériel préconisé par le médecin du travail'', la société employeur ayant ''renoncé à fournir le siège compte tenu de la proximité de l'échéance du contrat'', de deuxième part, que la société WTG n'a fourni aucune justification ou explication valable à ce manquement, de troisième part, qu'elle a produit aux débats ''une facture d'un siège Positiv émise par la société Espace ergonomie le 25 septembre 2019 pour une salariée de l'entreprise, siège présentant les mêmes caractéristiques que celui qui devait être utilisé par l'appelante'' ; qu'en retenant cependant, pour débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination, ''qu'elle ne produit aucun élément de fait se limitant à se fonder sur le non-respect par la société des préconisations du médecin du travail'' quand les faits ainsi retenus laissaient supposer l'existence d'une telle discrimination en raison du handicap de la salariée la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1, L. 5213-6 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1134-1 et L. 5213-6 du code du travail, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1547 du 16 novembre 2016 et le second dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 :

5. Il résulte de ces textes que le juge, saisi d'une action au titre de la discrimination en raison du handicap, doit, en premier lieu, rechercher si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination, tels que le refus, même implicite, de l'employeur de prendre des mesures concrètes et appropriées d'aménagements raisonnables, le cas échéant sollicitées par le salarié ou préconisées par le médecin du travail ou son refus d'accéder à la demande du salarié de saisir un organisme d'aide à l'emploi des travailleurs handicapés pour la recherche de telles mesures. Il appartient, en second lieu, au juge de rechercher si l'employeur démontre que son refus de prendre ces mesures est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison du handicap, tenant à l'impossibilité matérielle de prendre les mesures sollicitées ou préconisées ou au caractère disproportionné pour l'entreprise des charges consécutives à leur mise en oeuvre.

6. Pour débouter la salariée de ses demandes au titre de la discrimination en raison de son handicap, l'arrêt retient qu'elle ne produit aucun élément de fait, se limitant à se fonder sur le non-respect par la société des préconisations du médecin du travail, qu'en l'absence d'autres éléments de fait, un tel manquement n'est constitutif que d'une violation du contrat de travail et qu'elle ne produit non plus aucun élément de fait de nature à faire présumer que le contrat de travail à durée déterminée n'a pas été reconduit du seul fait de son handicap.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le médecin du travail avait préconisé la mise à disposition de la salariée d'un fauteuil de type ergonomique pouvant être réglé en hauteur et doté d'un appui lombaire, d'accoudoirs et de repose-pieds et que l'employeur ne l'avait pas fourni, ce dont elle aurait dû déduire que la salariée fournissait des éléments de fait laissant supposer un refus de prendre des mesures appropriées d'aménagement raisonnable, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

8. La cassation du chef de dispositif déboutant la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination d'un travailleur handicapé n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination d'un travailleur handicapé, l'arrêt rendu le 31 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société WTG aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société WTG et la condamne à payer à la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500349
Date de la décision : 02/04/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Discrimination entre salariés - Discrimination fondée sur l'état de santé ou le handicap - Discrimination fondée sur le handicap - Existence - Caractérisation - Détermination - Office du juge - Portée

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Discrimination entre salariés - Discrimination fondée sur l'état de santé ou le handicap - Discrimination fondée sur le handicap - Existence - Caractérisation - Eléments de faits présentés par le salarié - Appréciation - Modalités - Office du juge - Portée CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Discrimination entre salariés - Discrimination fondée sur l'état de santé ou le handicap - Discrimination fondée sur le handicap - Exclusion - Cas - Eléments objectifs étrangers à toute discrimination - Preuve - Modalités - Office du juge - Portée CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Discrimination entre salariés - Discrimination fondée sur l'état de santé ou le handicap - Discrimination fondée sur le handicap - Cas - Mise en oeuvre des mesures prévues à l'article L. 5213-6 du code du travail - Employeur - Refus - Portée

Il résulte des articles L. 1134-1 et L. 5213-6 du code du travail que le juge, saisi d'une action au titre de la discrimination en raison du handicap, doit, en premier lieu, rechercher si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination, tels que le refus, même implicite, de l'employeur de prendre des mesures concrètes et appropriées d'aménagements raisonnables, le cas échéant sollicitées par le salarié ou préconisées par le médecin du travail ou son refus d'accéder à la demande du salarié de saisir un organisme d'aide à l'emploi des travailleurs handicapés pour la recherche de telles mesures. Il appartient, en second lieu, au juge de rechercher si l'employeur démontre que son refus de prendre ces mesures est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison du handicap, tenant à l'impossibilité matérielle de prendre les mesures sollicitées ou préconisées ou au caractère disproportionné pour l'entreprise des charges consécutives à leur mise en oeuvre. Doit être censuré l'arrêt, qui, pour rejeter la demande de dommages-intérêts du salarié au titre de la discrimination en raison de son handicap, retient que le non-respect par l'employeur des préconisations du médecin du travail n'est constitutif, en l'absence d'autres éléments de fait, que d'une violation du contrat de travail, alors qu'il constatait que le médecin du travail avait préconisé la mise à disposition du salarié d'un fauteuil de type ergonomique et que l'employeur ne l'a pas fourni, ce dont il aurait dû déduire que le salarié fournissait des éléments de fait laissant supposer un refus de prendre des mesures appropriées d'aménagement raisonnable


Références :

Articles L. 1134-1 et L. 5213-6 du code du travail, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1547 du 16 novembre 2016 et le second dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 31 mars 2023

Sur la caractérisation de la discrimination fondée sur le handicap, à rapprocher : Soc., 15 mai 2024, pourvoi n° 22-11652 (cassation partielle) et l'arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 avr. 2025, pourvoi n°52500349


Composition du Tribunal
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Françoise Fabiani - François Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 22/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500349
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