LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 mars 2025
Cassation partielle
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 307 F-D
Pourvoi n° Z 23-17.525
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 MARS 2025
Le groupement d'intérêt économique Pro Logics Atlantique, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 23-17.525 contre l'arrêt rendu le 6 mars 2023 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [Y] [Z], épouse [E], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à Pôle emploi [Localité 4], dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Douxami, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat du groupement d'intérêt économique Pro Logics Atlantique, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme [Z], après débats en l'audience publique du 25 février 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Douxami, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 6 mars 2023), Mme [Z] a été engagée en qualité de coursière pour la livraison de prélèvements à un laboratoire d'analyses médicales, à compter du 1er décembre 2006, par la société laboratoire de biologie médicale Poupard, reprise par la société Biolam. Son contrat de travail a été transféré, à compter du 1er juillet 2014, au groupement d'intérêt économique (GIE) Pro Logics Atlantique.
2. Elle a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire de quatre jours le 13 mars 2018 puis a été licenciée pour faute grave par lettre du 12 octobre 2018.
3. Soutenant notamment être victime de discrimination, elle avait, le 23 avril 2018, saisi la juridiction prud'homale de demandes pour obtenir la résiliation de son contrat de travail et le paiement de diverses sommes.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour discrimination, alors « que ne caractérise pas une discrimination en raison de l'état de santé des salariés l'avantage, octroyé par l'employeur, dont le bénéfice tient compte des absences, même motivées par la maladie, si toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution ; qu'en l'espèce, pour dire que la prime d'assiduité litigieuse laisse supposer l'existence d'une
discrimination en raison de l'état de santé du salarié, la cour d'appel a relevé que cette prime est réservée aux salariés ''n'ayant pas été absents, hors congés payés, pour le trimestre de référence'' et qu'en application de l'article L. 1132-1 du code du travail, les jours d'absence pour maladie ou accident du travail ne peuvent être déduits du temps de présence servant au calcul de la prime d'assiduité ; qu'en statuant ainsi, sans répondre au chef péremptoire des conclusions d'appel de l'employeur qui, sans se borner à soutenir que sa décision était appliquée de manière identique à tous ses salariés, soulignait que le refus de versement de la prime d'assiduité était applicable dans les mêmes conditions, à tous les salariés, quel que fut le motif de leur absence, hors congés payés, de sorte qu'une telle mesure n'avait ni pour objet ni pour effet d'assigner un régime particulier et discriminatoire aux salariés dont les absences étaient motivées par une cause en lien avec leur état de santé, la cour d'appel a violé l'article 455 du
code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
6. Pour condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour discrimination en raison de l'état de santé, l'arrêt relève d'abord, que l'employeur, par décision unilatérale du 1er juin 2017, entrée en vigueur à compter du 1er avril 2017, a prévu le versement d'une « prime d'assiduité » de 120 euros brut par trimestre pour les salariés à temps complet et d'un montant proratisé pour les salariés à temps partiel, réservée aux salariés « n'ayant pas été absents, hors congés payés, pour le trimestre de référence », l'article 3 précisant que cette prime est attribuée « après établissement d'un bilan de présence trimestrielle, sous réserve de n'avoir fait l'objet d'aucune absence hors congés payés ». Il ajoute que la salariée produit des pièces relatives à plusieurs arrêts de travail qui lui ont été prescrits à compter du mois de décembre 2017 ainsi que ses bulletins de paie des années 2017 et 2018, et en déduit que ces éléments laissent supposer l'existence d'une discrimination.
7. L'arrêt retient ensuite que l'employeur, qui se contente d'affirmer que sa décision unilatérale aurait été appliquée de manière identique à tous les salariés, ne fournit aucun élément de nature à établir que sa décision était justifiée par des éléments objectifs.
8. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'employeur qui faisait valoir que le refus de versement de la prime d'assiduité était applicable dans les mêmes conditions, à tous les salariés, quel que fut le motif de leur absence, hors congés payés, de sorte qu'une telle mesure n'avait ni pour objet ni pour effet d'assigner un régime particulier et discriminatoire aux salariés dont les absences étaient motivées par une cause en lien avec leur état de santé, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
9. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée à ses torts, alors « que la décision entreprise étant motivée par les manquements retenus à la charge de l'employeur, en ce que la salariée aurait été victime de discrimination en raison de son état de santé, d'une part, et aurait fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire finalement annulée, la cassation à intervenir sur les deux premiers moyens, qui remet en cause les chefs de dispositif de l'arrêt attaqué concernant d'une part la discrimination, d'autre part la validité de la mise à pied susvisée, entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure du chef de dispositif de la décision ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 624 du code de procédure civile :
10. En application de ce texte, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
11. La cassation prononcée du chef de dispositif condamnant l'employeur à payer à la salariée une somme au titre de dommages-intérêts pour discrimination entraîne la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif de l'arrêt ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur avec les conséquences d'un licenciement nul.
Portée et conséquences de la cassation
12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur avec les conséquences d'un licenciement nul entraîne la cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur à payer à la salariée différentes sommes à titre d'indemnité pour résiliation du contrat aux torts de l'employeur avec les effets d'un licenciement nul, d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et d'indemnité légale de licenciement et condamnant l'employeur à rembourser à Pôle emploi les indemnités versées à la salariée à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
13. La cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur à payer des dommages-intérêts pour discrimination, prononçant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur avec les conséquences d'un licenciement nul, condamnant l'employeur à payer à la salariée différentes sommes à titre d'indemnité pour résiliation du contrat aux torts de l'employeur avec les effets d'un licenciement nul, d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et d'indemnité légale de licenciement et condamnant l'employeur à rembourser à Pôle emploi les indemnités versées à la salariée à la suite de son licenciement, dans la limite de six mois, n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur avec les conséquences d'un licenciement nul à effet du 12 octobre 2018, condamne le GIE Pro Logics Atlantique à payer à Mme [Z] les sommes de 1 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour discrimination, 25 000 euros à titre d'indemnité pour résiliation du contrat aux torts de l'employeur avec les conséquences d'un licenciement nul, 3 241,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 324,11 euros brut au titre des congés payés afférents et 5 131,77 euros brut à titre d'indemnité légale de licenciement et condamnant le GIE Pro Logics Atlantique à rembourser à Pôle emploi les indemnités versées à Mme [Z] à la suite de son licenciement dans la limite de six mois, l'arrêt rendu le 6 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;
Condamne Mme [Z], épouse [E], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille vingt-cinq.