LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 mars 2025
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 249 F-B
Pourvoi n° M 23-10.061
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MARS 2025
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Bretagne, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° 23-10.061 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2022 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la société [4], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Bretagne, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société [4], et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 5 février 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 novembre 2022), la société [4] (la société) a fait l'objet d'un contrôle de l'application de la législation de la sécurité sociale portant sur les années 2013 à 2015. A l'issue du contrôle, l'URSSAF de Bretagne (l'URSSAF) a adressé à la société une lettre d'observations du 30 septembre 2016 suivie d'une mise en demeure.
2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
3. L'URSSAF fait grief à l'arrêt d'annuler le redressement, alors « qu'en tout état de cause, ce n'est que lorsque plusieurs inspecteurs participent conjointement aux opérations de contrôle d'un cotisant que la lettre d'observations doit comporter la signature de chacun d'entre eux ; que ne participent aux opérations de contrôle que les inspecteurs qui procèdent à des vérifications effectives de la situation du cotisant, pendant la durée du contrôle ; que pour retenir l'existence d'un contrôle conjoint, la cour d'appel a relevé que des courriels communs aux fins de demande de pièces, avec utilisation du pronom "nous", avaient été adressés au groupe, sans précision de ce que chaque société devait transmettre les documents la concernant à son inspecteur, qu'une lettre commune signée des quatre inspecteurs avait été adressée le 23 septembre 2016 à destination du groupe [3] rappelant l'accord des différentes sociétés pour que l'ensemble des redressements soit porté au compte principal de chaque URSSAF, et qu'un seul entretien de clôture avait été tenu, commun à tous les inspecteurs et à toutes les sociétés du groupe ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser que les quatre inspecteurs avaient participé à la vérification effective de la situation de la société, pendant la durée du contrôle, et donc qu'ils avaient conjointement réalisé le contrôle de cette société, peu important qu'il s'agisse d'un contrôle concerté au niveau du groupe, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige :
4. Selon ce texte, à l'issue du contrôle, les agents chargés du contrôle communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant contrôlé une lettre d'observations datée et signée par eux.
5. Il en résulte que lorsque plusieurs inspecteurs participent aux opérations de contrôle, la lettre d'observations doit être revêtue de la signature de chacun d'eux, à peine de nullité.
6. En cas de contrôles concertés et simultanés de plusieurs sociétés d'un même groupe, la lettre d'observations adressée à chaque société doit être signée par l'inspecteur ayant personnellement procédé à la vérification de la situation individuelle de chacune.
7. Pour annuler le redressement notifié à la société, l'arrêt relève qu'au cours des opérations de contrôle, les inspecteurs ont procédé à l'envoi de courriels communs pour demander des pièces, qu'une lettre commune a prévenu que l'ensemble des redressements sera porté sur la lettre d'observations au compte principal de chaque URSSAF et qu'il n'a été proposé qu'un seul entretien de clôture commun à tous les inspecteurs et à toutes les sociétés du groupe. Il considère que ces éléments démontrent que le contrôle a fait l'objet d'une appréhension globale au niveau du groupe de sociétés et qu'il n'a pas été opéré de traitement différencié par entité juridique des documents et informations. Il en déduit que le contrôle a été conduit de manière conjointe par les quatre inspecteurs qui se sont présentés aux sièges des différentes sociétés regroupées en un lieu unique et qu'à défaut de leur signature sur la lettre d'observations, les opérations de contrôle sont entachées d'irrégularité.
8. En se déterminant ainsi, alors qu'il lui appartenait de vérifier si d'autres inspecteurs que le signataire de la lettre d'observations avaient effectivement participé au contrôle de la situation individuelle de la société, la cour d'appel, a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.
Condamne la société [4] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société [4] et la condamne à payer à l'URSSAF de Bretagne la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille vingt-cinq.