LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° F 24-84.120 F-B
N° 00335
SL2
18 MARS 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 MARS 2025
M. [I] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Riom, chambre correctionnelle, en date du 24 avril 2024, qui, pour infraction au code de l'environnement, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [I] [V], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 février 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [I] [V] a été poursuivi du chef d'exploitation sans autorisation d'une installation ou d'un ouvrage nuisible à l'eau ou au milieu aquatique, constatée le 14 juillet 2020.
3. Le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable de ce chef et l'a condamné à la remise en état des lieux sous astreinte.
4. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le moyen soulevé d'office et mis dans le débat
Vu les articles 131-11 du code pénal et L. 173-5, alinéa 1, 2°, du code de l'environnement :
6. Il résulte du premier de ces textes que seules les peines complémentaires peuvent être prononcées à titre de peine principale.
7. La remise en état prévue par le second est une mesure à caractère réel destinée à faire cesser une situation illicite, et non une sanction pénale.
8. En prononçant, à titre de peine principale, une mesure de remise en état sous astreinte, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus énoncés.
9. La cassation est dès lors encourue.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé sur la peine le jugement ayant condamné M. [V] à remettre en état les lieux avant le 30 juin 2022 et dit que M. [V] serait soumis à une astreinte journalière de 100 euros par jour de retard à compter du 1er juillet 2022, sauf à dire que le délai pour la remise en état des lieux était fixée à six mois à compter du prononcé de l'arrêt, alors :
« 1°/ que seuls les faits visés à la prévention peuvent fonder une remise en état des lieux ; qu'en ordonnant « la remise en état des lieux » (jugement confirmé, p. 16, § 10), quand M. [V] n'avait été déclaré coupable que du chef d'exploitation sans autorisation d'une installation ou d'un ouvrage nuisible à l'eau ou au milieu aquatique, et sans détailler les mesures à prendre au regard de ces faits, la cour d'appel a violé l'article L. 173-5 du code de l'environnement ;
2°/ que le délai imparti par le juge pour effectuer des travaux de remise en état ne court qu'à compter du jour où la décision, devenue définitive, est exécutoire ; qu'en ordonnant la remise en état des lieux sous astreinte à l'expiration d'un délai de six mois à compter du prononcé de l'arrêt, quand le délai d'exécution de la remise en état ne pouvait courir avant que la condamnation soit devenue définitive, la cour d'appel, qui a méconnu l'effet suspensif du pourvoi en cassation, a violé les articles L. 173-5 du code de l'environnement, 569 et 708 du code de procédure pénale ;
3°/ que l'injonction de remise en état peut être assortie d'une astreinte journalière pour une durée d'un an au plus ; qu'en s'abstenant de fixer la durée de l'astreinte dans la limite d'un an au plus, et en prononçant ainsi une astreinte perpétuelle, la cour d'appel a violé l'article L. 173-5 du code de l'environnement. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 173-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable aux faits :
11. Il résulte de ce texte que, lorsqu'elle ordonne des mesures destinées à remettre en état les lieux auxquels il a été porté atteinte par les faits incriminés ou à réparer les dommages causés à l'environnement, la juridiction correctionnelle doit détailler les mesures à prendre au regard des faits visés à la prévention et peut assortir sa décision d'une astreinte dont elle fixe le montant et la durée dans les limites déterminées par la loi.
12. Après avoir déclaré le prévenu coupable du délit d'exploitation sans autorisation d'une installation ou d'un ouvrage nuisible à l'eau ou au milieu aquatique, l'arrêt attaqué a confirmé la décision des premiers juges prononçant, à titre de peine principale, une mesure de remise en état sous astreinte de cent euros par jour de retard, à compter du 1er juillet 2022, sauf à dire que le délai pour la remise en état des lieux est fixé à six mois à compter du prononcé de l'arrêt.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent.
14. En premier lieu, elle n'a pas détaillé les mesures à prendre au regard des faits visés à la prévention.
15. En deuxième lieu, les faits poursuivis étant antérieurs à la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 autorisant le prononcé de l'exécution provisoire d'une remise en état sous astreinte, le délai d'exécution d'une telle mesure ne pouvait courir avant que la condamnation fût devenue définitive.
16. En troisième lieu, elle a omis de fixer la durée de l'astreinte dans la limite d'un an au plus.
17. La cassation est, par conséquent, également encourue.
Portée et conséquences de la cassation
18. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la peine et à la remise en état des lieux. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Riom, en date du 24 avril 2024, mais en ses seules dispositions relatives à la peine et à la remise en état des lieux, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bourges à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Riom et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille vingt-cinq.