LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 mars 2025
Cassation
M. SOULARD, premier président
Arrêt n° 133 FS-B
Pourvoi n° P 23-20.390
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 MARS 2025
M. [S] [T], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 23-20.390 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2023 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [B] [R], domicilié [Adresse 2],
2°/ à la société du Moulin de la Berre, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4],
3°/ à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Auvergne Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Bosse-Platière, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [T], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [R], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société civile immobilière du Moulin de la Berre, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Auvergne Rhône-Alpes, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 février 2025 où étaient présents M. Soulard, premier président, Mme Teiller, président, M. Bosse-Platière, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, Pic, Oppelt, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 27 juin 2023), et les productions, le 22 décembre 2016 puis le 16 février 2017, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Rhône-Alpes, aux droits de laquelle est venue la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Auvergne Rhône-Alpes (la SAFER), a publié un appel à candidature en vue de l'attribution de diverses parcelles agricoles appartenant à M. [R], d'abord en un seul lot puis en trois lots.
2. Par courriers des 29 décembre 2016 et 24 février 2017, M. [T] a formalisé une fiche de candidature pour l'acquisition de l'ensemble des terres par moitié avec M. [P], au prix fixé par la SAFER et ce dernier a de même formalisé une fiche de candidature pour l'acquisition de l'ensemble des terres pour le même prix en précisant que l'offre était faite avec M. [T].
3. Le 22 janvier 2018, un avis d'attribution désignant la société civile immobilière du Moulin de la Berre (la SCI) a été affiché à la mairie du lieu de situation de l'immeuble.
4. Le 13 juillet 2018, M. [T] a assigné la SAFER en annulation de la décision de rétrocession publiée le 22 janvier précédent, puis, par acte du 10 janvier 2020, il a assigné M. [R] et la SCI en annulation de la vente des parcelles intervenue par acte authentique du 21 décembre 2017. Les instances ont été jointes.
5. La SAFER a soulevé une fin de non-recevoir tirée d'un défaut de qualité à agir.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
6. M. [T] fait grief à l'arrêt de le dire irrecevable en son action en annulation de la décision de rétrocession de la SAFER et des actes subséquents, alors « que le projet d'acquisition d'un ensemble de parcelles par moitié par deux candidats ayant répondu à l'offre de rétrocession d'une Safer, ne saurait priver un des candidats de la possibilité d'agir seul en annulation de la décision de rétrocession à un tiers et de ses actes subséquents ; qu'en se fondant, pour dire que M. [T] n'avait pas qualité à agir seul en contestation de la décision de rétrocession prise par la Safer, sur la circonstance qu'il avait formalisé une fiche de candidature pour l'acquisition des terres par moitié avec M. [P], la cour d'appel, qui a statué par un motif tiré d'une demande commune d'attribution des parcelles litigieuses, impropre à dénier à M. [T] la qualité pour agir seul en annulation, a violé les articles L. 143-14 et R. 142-1 du code rural et de la pêche maritime, ensemble les articles 31 et 122 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 143-14 et R. 142-1 du code rural et de la pêche maritime :
7. Il résulte de ces textes que la décision de rétrocession de parcelles acquises à l'amiable par une SAFER peut faire l'objet d'un recours par tout candidat à cette rétrocession.
8. Pour déclarer irrecevable l'action en annulation de la décision de rétrocession de la SAFER et des actes subséquents, l'arrêt retient que M. [T] n'a formalisé qu'une fiche de candidature pour l'acquisition des terres par moitié avec M. [P].
9. En statuant ainsi, alors que la mention que son projet d'acquisition de l'ensemble des parcelles au prix demandé est commun à celui d'un autre candidat ne prive pas un candidat de la qualité pour agir seul en annulation de la décision de rétrocession à un tiers et de ses actes subséquents, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Auvergne Rhône-Alpes, la société civile immobilière du Moulin de la Berre et M. [R] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Auvergne Rhône-Alpes, la société civile immobilière du Moulin de la Berre et M. [R] et condamne la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Auvergne Rhône-Alpes à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé, par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le premier président en son audience publique du treize mars deux mille vingt-cinq.