LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 mars 2025
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 260 FS-B
Pourvoi n° E 23-14.011
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 MARS 2025
Mme [K] [E], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 23-14.011 contre l'arrêt rendu le 13 décembre 2022 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société UE[Localité 3], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et, Grévy, avocat de Mme [E], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société UEM, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 février 2025 où étaient présents M. Sommer, président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen MM. Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Panetta, Brinet, conseillers, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 13 décembre 2022), rendu sur renvoi après cassation (Soc. 8 septembre 2021, pourvoi n° 19-22.251), Mme [E] a été engagée en qualité de réceptionniste à compter du 3 mai 1982, par l'Usine d'électricité de [Localité 3] (UE[Localité 3]), régie municipale de la ville de [Localité 3] devenue société anonyme d'économie mixte locale (la société). Elle occupait en dernier lieu les fonctions de chef de division au service accueil et ventes.
2. La procédure disciplinaire résultant de la circulaire PERS 846 du 16 juillet 1985 a été mise en oeuvre par l'employeur qui, par décision du 7 mars 2013, notifiée le 9 mars 2013, a prononcé une mise à la retraite d'office, mesure s'analysant en un licenciement.
3. La salariée ayant formé le 30 mars 2013 un recours gracieux contre cette sanction, le directeur général a saisi la commission supérieure nationale du personnel (CSNP) en lui transmettant les pièces du dossier. Le recours gracieux a été examiné par la sous-commission de discipline le 7 octobre 2014 et, par lettre du 17 novembre 2014, le secrétaire de la CSNP a notifié au directeur général l'avis de la sous-commission de maintenir la sanction initiale de mise à la retraite d'office. Par lettre du 23 décembre 2014, le directeur général a notifié à la salariée le maintien de la sanction initiale.
4. La salariée a saisi la juridiction prud'homale pour contester la rupture de son contrat de travail et obtenir paiement de diverses sommes à ce titre.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement repose sur une faute grave et de rejeter l'ensemble de ses demandes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts, alors « qu'une sanction ne peut intervenir plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien ; que le défaut de notification du licenciement disciplinaire dans le délai d'un mois prive celui-ci de cause réelle et sérieuse ; que lorsque l'employeur est tenu de recueillir l'avis d'une instance disciplinaire, le délai d'un mois pour notifier la sanction court à compter de l'avis rendu par cette instance ; qu'il résulte des dispositions issues de la circulaire PERS 846 du 16 juillet 1985 que l'employeur qui, après avoir prononcé une sanction à l'issue de la procédure disciplinaire, statue de nouveau après un recours gracieux exercé par le salarié, prend une nouvelle décision ; qu'en l'espèce, la sous-commission de discipline a rendu son avis sur le recours gracieux formé par l'exposante le 7 octobre 2014 et l'a notifié le 17 novembre 2014 au directeur général de l'UE[Localité 3], lequel a ensuite notifié à Mme [E] la confirmation de la sanction initiale par courrier du 23 décembre 2014, soit plus d'un mois après l'avis rendu par la sous-commission ; qu'en disant néanmoins le licenciement de la salariée fondé sur une faute grave aux motifs inopérants que le recours gracieux n'avait pas pour effet de suspendre la sanction prononcée le 7 mars 2013 et qu'il n'était justifié d'aucune disposition imposant à l'employeur de respecter le nouveau délai d'un mois pour notifier la décision relative au recours gracieux, la cour d'appel a violé l'article L. 1332-2 du code du travail et le paragraphe 3 de la circulaire PERS 846 du 16 juillet 1985. »
Réponse de la Cour
6. Selon le paragraphe 25 « Notification de la sanction » de la circulaire PERS 846, la sanction ne peut intervenir moins d'un jour franc ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien et doit être motivée et notifiée à l'agent, le point de départ de ces délais se situant à la date de l'entretien qui suit le conseil de discipline.
7. Aux termes du paragraphe 3 de la circulaire PERS 846, le Statut National prévoit des voies de recours, mais leur exercice ne suspend pas l'exécution de la sanction dont les effets restent maintenus aussi longtemps qu'ils ne sont pas modifiés par une nouvelle décision.
8. Selon le paragraphe 32 de cette circulaire, le recours gracieux est la seule voie de recours offerte aux cadres et aux chefs d'unité et assimilés.
9. Les paragraphes suivants 321, 323 et 324 disposent que les demandes de recours gracieux doivent être adressées au directeur général, lequel transmet le dossier complet, comportant notamment la demande de l'intéressé et les pièces présentées au cours des procédures antérieures, au secrétariat de la Commission supérieure nationale du personnel (CSNP). La sous-commission de discipline et du contentieux procède à l'examen de ce dossier dans les mêmes conditions que pour une requête individuelle. Elle statue uniquement sur pièces, sauf dans le cas où elle estime nécessaire de procéder à une instruction complémentaire. L'avis émis par la sous-commission de discipline et du contentieux sur la suite à donner au recours gracieux est transmis au directeur général qui prend sa décision. Celle-ci est notifiée à l'intéressé.
10. Il résulte de ces dispositions qu'aucun délai n'est imposé au directeur général pour notifier la décision sur recours gracieux contre la sanction prononcée.
11. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel, après avoir constaté que la salariée avait été convoquée à un entretien préalable fixé le 14 février 2013 puis licenciée le 7 mars 2013, soit dans le délai d'un mois imparti par la circulaire PERS 846 et rappelé que le recours gracieux qu'elle avait exercé n'avait pas eu pour effet, en application du paragraphe 3 de ce texte, de suspendre cette sanction, a retenu qu'aucune disposition n'imposait à l'employeur de respecter un nouveau délai d'un mois à compter de l'avis de la sous-commission de discipline pour notifier sa décision sur le recours gracieux.
12. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
Enoncé du moyen
13. La salariée fait le même grief à l'arrêt, alors :
« 2°/ que lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception ; que cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; qu'il résulte des dispositions issues de la circulaire PERS 846 du 16 juillet 1985 que l'employeur qui, après avoir prononcé une sanction à l'issue de la procédure disciplinaire, statue de nouveau après le recours gracieux exercé par le salarié, prend une nouvelle décision ; que cette décision, qui doit être motivée, fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement de la salariée justifié par une faute grave, la cour d'appel s'est fondée sur les griefs énoncés à l'encontre de la salariée dans la lettre de licenciement du 7 mars 2013 et non dans le courrier adressé à la salariée le 23 décembre 2014 lui notifiant la sanction retenue suite à l'examen de son recours gracieux formé devant la sous-commission de discipline ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause et les paragraphes 25 et 31 de la circulaire PERS 846 du 16 juillet 1985 ;
3°/ que la lettre de licenciement comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; que la référence à des motifs énoncés dans une correspondance antérieure ne constitue pas l'énoncé des motifs exigé par la loi ; qu'en l'espèce, le courrier adressé à la salariée le 23 décembre 2014 en vue de lui notifier la sanction retenue suite à l'examen de son recours gracieux formé devant la sous-commission de discipline se bornait à énoncer que ''La sous-commission Discipline de cette instance ayant siégé le 7 octobre 2014, je dispose des avis émis par les diverses délégations présentes au sein de cette instance. Sur le vu du procès-verbal de séance et en particulier desdits avis, force m'est de constater que je ne dispose d'aucun élément nouveau en relation directe avec les faits fautifs (soustraction frauduleuse d'énergie?). En conséquence, j'ai pris la décision eu égard aux faits explicités dans mon courrier du 7 mars 2013 de maintenir ma sanction initiale relative à un licenciement (mise à la retraite d'office) prenant effet à compter du 9 mars 2013'' ; qu'en disant le licenciement de la salariée fondée sur une faute grave sans vérifier si le courrier du 23 décembre 2014 énonçait les motifs exigés par la loi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause et les paragraphes 25 et 31 de la circulaire PERS 846 du 16 juillet 1985. »
Réponse de la Cour
14. Selon les paragraphes 25 et 31 de la circulaire PERS 846, l'obligation de motivation ne vise que la lettre notifiant la sanction à l'issue de la seconde phase de la procédure disciplinaire et la lettre par laquelle l'employeur qui, après avoir prononcé une sanction à l'issue de la procédure disciplinaire, statue de nouveau sur la requête individuelle formalisée par un salarié appartenant au personnel d'exécution et de maîtrise (G.F. 1 à 11), cette voie de recours n'étant pas ouverte aux cadres et aux chefs d'unité et assimilés, auxquels seul est offert, en application de l'article 32 de la circulaire, le recours gracieux.
15. Il en résulte que l'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux que contre la décision initialement prise par l'employeur.
16. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a retenu qu'il n'était justifié d'aucune disposition imposant à l'employeur de reprendre dans sa décision relative au recours gracieux l'énoncé des motifs contenus dans la lettre de licenciement du 7 mars 2013, laquelle comportait le motif de la rupture invoqué par l'employeur, conformément au paragraphe 25 de la circulaire PERS 846.
17. Appréciant ensuite les faits reprochés à la salariée au regard des griefs invoqués dans la lettre de licenciement du 7 mars 2013, sans être tenue, compte tenu de l'absence d'obligation de motivation relative à la décision suivant le second avis de la sous-commission de discipline sur recours gracieux, de procéder à une recherche inopérante, elle a légalement justifié sa décision.
18. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [E] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt-cinq.