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05/03/2025 | FRANCE | N°52500228

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 mars 2025, 52500228


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 5 mars 2025








Cassation partielle




Mme MONGE, conseiller
doyen faisant fonction de président






Arrêt n° 228 F-D


Pourvoi n° R 23-23.267






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_

________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 MARS 2025


M. [K] [C], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 23-23.267 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2023 par la cour d'appel de Versa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 5 mars 2025

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller
doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 228 F-D

Pourvoi n° R 23-23.267

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 5 MARS 2025

M. [K] [C], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 23-23.267 contre l'arrêt rendu le 31 mai 2023 par la cour d'appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l'opposant à la société ZF services France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La société ZF services France a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [C], de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de la société ZF services France, après débats en l'audience publique du 29 janvier 2025 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en l'application de l'article L. 431-3 alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 31 mai 2023), M. [C] a été engagé en qualité de directeur administratif et financier par la société ZF services France à compter du 1er juin 2012 avec reprise d'ancienneté au 1er octobre 2005, moyennant une rémunération comprenant une partie fixe et une partie variable sur objectifs fixés par l'employeur.

2. Placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 3 avril 2018, le salarié a, le 13 août 2018, saisi la juridiction prud'homale de demandes en résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement de diverses sommes, notamment pour harcèlement moral et au titre de la rémunération variable.

3. Le 11 août 2020, l'employeur a licencié le salarié pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est pas de nature à entraîner la cassation

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité, de sa demande tendant à déclarer son licenciement nul et de rejeter ses demandes en paiement subséquentes, alors «  que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, y compris les éléments médicaux, permettent de présumer un harcèlement moral ; qu'en excluant une telle présomption quand la cour d'appel avait constaté la réalité du retrait au salarié de la responsabilité du service des ressources humaines, de la coupure de ses accès informatiques en septembre 2018, de la privation injustifiée de la gratification de la médaille du travail, du défaut de paiement de sa rémunération variable à compter d'avril 2019 et de la dégradation de son état de santé lié à un syndrome anxio-dépressif sans examiner si, ensemble, ces éléments ne permettaient pas de présumer un harcèlement moral, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail :

6. Il résulte de ces textes que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

7. Pour débouter le salarié de ses demandes fondées sur le harcèlement moral, l'arrêt, examinant un à un les différents griefs articulés par l'intéressé, retient que l'organigramme versé aux débats démontre que le service des ressources humaines, composé d'une responsable et d'une assistante, n'a plus été rattaché hiérarchiquement au salarié à compter d'août 2017, que toutefois, celui-ci ne démontre pas que ce service constituait « une de ses plus importantes responsabilités d'encadrement », trois autres services composés d'une dizaine de salariés restant sous son autorité et qu'il ne conteste pas, par ailleurs, que ses responsabilités en matière notamment de contrôle de gestion se sont parallèlement accrues. Il conclut que le salarié ne démontre pas une perte globale de responsabilité constitutive d'une modification du contrat de travail.

8. L'arrêt ajoute que les courriels versés aux débats démontrent seulement que le salarié a demandé à son employeur le 3 juillet 2019, avant même d'avoir reçu la médaille d'honneur du travail, à percevoir la prime de 740 euros attachée, que les pièces qu'il verse ne montrent aucune relance de sa part auprès de l'employeur en vue du paiement de cette somme et qu'aucune intention de nuire n'est donc établie à ce titre, contrairement à ce qu'il prétend.

9. Il relève que la coupure des accès informatiques en septembre 2018 est la simple conséquence de l'arrêt de travail pour maladie commencé cinq mois plus tôt, le 3 avril 2018, et que le salarié ne fournit aucun élément sur les obligations de l'employeur dans le cadre du versement d'indemnités par un organisme de prévoyance pendant son arrêt de travail pour maladie et n'établit pas ainsi l'existence de manquements de l'employeur à l'origine d'un retard dans leur paiement.

10. Il retient enfin que les pièces médicales versées aux débats soit ne font état d'aucun lien entre la dégradation de l'état de santé (syndrome anxio-dépressif) et les conditions de travail du salarié au sein de l'entreprise, soit se bornent à reprendre ses dires quant à l'existence d'un tel lien, que l'avis d'inaptitude ne contient aucun élément sur l'existence d'un harcèlement moral et que « l'attestation » établie par un psychologue fait abusivement état d'un harcèlement moral en l'absence de constatation personnelle de son auteur quant aux conditions de travail du salarié dans l'entreprise.

11. En se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissaient supposer l'existence d'un harcèlement moral, n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

12. L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir et de le condamner à payer au salarié certaines sommes à titre de rappel de rémunération variable pour l'exercice 2018, outre congés payés afférents, et d'indemnité conventionnelle de licenciement, alors «  que sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, ce qui doit être mentionné dans la déclaration d'appel, l'effet dévolutif de l'appel n'opère que pour les chefs du jugement critiqués dans la déclaration d'appel ; qu'en infirmant les dispositions du jugement ayant condamné la société ZF Services France à payer les sommes de 967,50 euros et 96,75 euros au titre du rappel de rémunération variable de l'année 2018 et des congés payés afférents quand dans la déclaration d'appel, seuls étaient critiqués les chefs de jugement ayant jugé infondée la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, débouté M. [C] de ses autres demandes et dit que les intérêts au taux légal seraient calculés selon les dispositions de l'article 1231-7 du code civil, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige au regard de l'effet dévolutif de l'appel limité dont elle était saisie, a violé les articles 4, 562 et 901-4° du code de procédure civile dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

13. Le salarié conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que l'employeur se prévalait en appel de l'article 954 du code de procédure civile.

14. Cependant, l'employeur soutenait que dans la déclaration d'appel, le salarié n'avait pas mentionné parmi les chefs du jugement critiqués celui relatif au rappel de rémunération variable de l'année 2018 et aux congés payés afférents.

15. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 562 et 901-4° du code de procédure civile, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

16. Selon le premier de ces textes, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.

17. En application du second, la déclaration d'appel affectée d'une irrégularité, en ce qu'elle ne mentionne pas les chefs du jugement attaqués, peut être régularisée par une nouvelle déclaration d'appel, dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond.

18. Pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par l'employeur au titre de la condamnation au paiement d'un rappel de rémunération variable pour l'année 2018, outre congés payés afférents, infirmer le jugement sur les rappels de rémunération variable et statuer à nouveau, de ces chefs, y compris sur celui relatif à l'année 2018, l'arrêt retient que contrairement à ce que prétend l'employeur, la déclaration d'appel formée par le salarié mentionne une demande d'infirmation du jugement sur le rappel de rémunération variable pour l'année 2019 et les congés payés afférents alloués par les premiers juges, et que cet acte opère ainsi la dévolution sur ces deux chefs.

19. En statuant ainsi, alors que la déclaration d'appel ne mentionnait pas au titre des chefs du jugement expressément critiqués le rappel de rémunération variable allouée par les premiers juges pour l'année 2018 et les congés payés afférents, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

20. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. [C] en paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité et tendant à juger son licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ainsi que ses demandes subséquentes et en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société ZF services France, constate que la cour d'appel est saisie d'une demande d'infirmation du jugement attaqué sur le rappel de rémunération variable pour l'année 2019 et les congés payés afférents et condamne la société ZF services France à payer à M. [C] les sommes de 8 237,87 euros à titre de rappel de rémunération variable pour l'exercice 2018, 823,78 euros au titre des congés payés afférents, 35 438,57 euros à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 31 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500228
Date de la décision : 05/03/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 31 mai 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 mar. 2025, pourvoi n°52500228


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers

Origine de la décision
Date de l'import : 11/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500228
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