LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 23-85.206 F-D
N° 00218
SL2
26 FÉVRIER 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 26 FÉVRIER 2025
Mme [R] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 5 juillet 2023, qui, pour non-représentation d'enfant, non-représentation d'enfant en récidive et soustraction d'enfant aggravée, l'a condamnée à deux ans d'emprisonnement, cinq ans de privation des droits civiques, civils et de famille, et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [R] [Z], les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [J] [L], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 janvier 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par jugement du 1er décembre 2022, le tribunal correctionnel a déclaré Mme [R] [Z] coupable de non-représentation d'enfant à M. [J] [L], non-représentation d'enfant en récidive et soustraction d'enfant entre les mains du conseil départemental du Calvados, avec rétention hors du territoire de la République.
3. La prévenue a été condamnée à un an d'emprisonnement, quatre ans de privation des droits civiques, civils et de famille et le tribunal a prononcé sur les intérêts civils.
4. Mme [Z] a relevé appel et le ministère public a formé appel incident.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [Z] à la peine de deux ans d'emprisonnement, alors « que selon l'article 132-19 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, entrée en vigueur le 24 mars 2020 et d'application immédiate, toute peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en ne recherchant pas si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendaient cette peine indispensable et si toute autre sanction était manifestement inadéquate, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 485 et 485-1 du code de procédure pénale, ensemble l'article 132-19 du code pénal. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 132-19 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
7. Il résulte du premier de ces textes qu'en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction.
8. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
9. Pour prononcer à l'encontre de la prévenue une peine d'emprisonnement ferme, l'arrêt attaqué retient, après avoir évoqué sa personnalité, qu'elle n'est plus accessible au sursis simple et qu'il s'agit d'une troisième procédure pour non-représentation d'enfant, aggravée par la soustraction de celui-ci hors du territoire français.
10. Les juges ajoutent que l'intéressée réitère sa volonté de ne pas respecter les décisions de justice qui ne lui sont pas favorables, excipe de motifs fallacieux pour interdire tout contact entre son ancien compagnon et leur fille, n'hésitant pas à s'installer à l'étranger pour parvenir à ses fins.
11. Ils soulignent que l'enfant demeure en danger en raison du comportement de sa mère.
12. Ils en concluent que les faits nécessitent une réponse pénale d'une sévérité à la hauteur de leurs enjeux.
13. En se déterminant ainsi, sans s'expliquer sur le caractère indispensable de l'emprisonnement et sur celui, inadéquat, de toute autre sanction, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
14. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
15. La cassation sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure. Les autres dispositions seront donc maintenues.
Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale
16. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de Mme [Z] étant devenue définitive par suite de la non-admission de son premier moyen, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Caen, en date du 5 juillet 2023, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 500 euros la somme que Mme [Z] devra payer à M. [L] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Caen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt-cinq.