LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 février 2025
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 196 F-D
Pourvoi n° W 23-15.889
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2025
La Caisse d'épargne et de prévoyance Loire-Centre, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° W 23-15.889 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2023 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale A, section 2), dans le litige l'opposant à Mme [U] [C], épouse [O], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Caisse d'épargne et de prévoyance Loire-Centre, de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de Mme [C], épouse [O], après débats en l'audience publique du 22 janvier 2025 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 23 mars 2023), Mme [C] épouse [O] a été engagée en qualité d'attachée commerciale à compter du 16 septembre 1996 par la Caisse d'épargne et de prévoyance Centre-Val-de-Loire, aux droits de laquelle est venue la Caisse d'épargne et de prévoyance Loire-Centre (la caisse). En dernier lieu la salariée exerçait les fonctions de chargé d'affaires gestion privée.
2. Les parties ont signé une rupture conventionnelle qui a pris effet le 2 décembre 2017.
3. Le 15 novembre 2018, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes tendant notamment au paiement d'un solde d'indemnité de rupture conventionnelle.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La caisse fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée un solde d'indemnité de rupture conventionnelle, alors « que les juges du fond sont tenus, en application de l'article 12 du code de procédure civile, de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; que l'avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l'ANI du 11 janvier 2008 ne s'applique qu'aux entreprises qui sont membres d'une des organisations signataires de cet accord et dont l'activité relève du champ d'application d'une convention collective de branche signée par une fédération patronale adhérente du Mouvement des entreprises de France (le MEDEF), de l'Union professionnelle artisanale (l'UPA) ou de la Confédération des petites et moyennes entreprises (la CGPME) ; que ces deux conditions étant cumulatives, la seule adhésion à l'une des organisations patronales signataires de l'ANI du 11 janvier 2008 ne suffit pas à entraîner l'application de l'avenant n° 4 du 18 mai 2009 ; qu'au cas présent, pour s'opposer à la demande de reliquat d'indemnité spécifique de rupture de conventionnelle formulée par Mme [C] épouse [O], la Caisse d'épargne et de prévoyance Loire-Centre faisait expressément valoir que les deux critères d'application de l'avenant du 18 mai 2009 n'étaient pas réunis, dès lors que l'activité de l'exposante ne relevait pas du champ d'application de la convention collective de la Banque ni d'aucune convention collective de branche signée par une fédération patronale adhérente du MEDEF, de l'UPA ou de la CGPME ; que pour faire droit à la demande de Mme [C] épouse [O], la cour d'appel s'est néanmoins bornée à retenir que "la Caisse d'Epargne Loire Centre ne conteste pas être adhérente au MEDEF" et en a déduit, "au regard de cette seule circonstance", que l'avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l'ANI du 11 janvier 2008 était applicable à la Caisse d'épargne et de prévoyance Loire-Centre ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-13 du code du travail et l'avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l'accord national interprofessionnel sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008 étendu par arrêté du 26 novembre 2009, ensemble les articles L. 1237-13, L. 1234-9, R. 1234 2, L. 2261-2 et L. 2261-17 du code du travail et l'article 12 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Selon l'article L. 2261-15 du code du travail, les dispositions d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de cette convention ou de cet accord par arrêté du ministre du travail.
6. Aux termes de l'article L. 2261-16 du même code, le ministre chargé du travail peut également, conformément à la procédure d'extension prévue à la sous-section 3, rendre obligatoires, par arrêté, les avenants ou annexes à une convention ou à un accord étendu. L'extension des avenants ou annexes à une convention ou à un accord étendu porte effet dans le champ d'application de la convention ou de l'accord de référence, sauf dispositions expresses déterminant un champ d'application différent.
7. Il appartient au juge judiciaire de statuer sur les contestations pouvant être élevées par une ou plusieurs entreprises déterminées sur le champ d'application sectoriel d'un accord interprofessionnel étendu, dès lors que ce dernier ne précise pas ce champ.
8. Dans le cadre d'un accord interprofessionnel étendu, le juge judiciaire doit vérifier si les employeurs compris dans le champ d'application professionnel et territorial auxquels il est demandé l'application de l'accord sont signataires de l'accord ou relèvent d'une organisation patronale représentative dans le champ de l'accord et signataire de l'accord.
9. Il appartient à l'employeur qui conteste qu'un accord interprofessionnel étendu conclu antérieurement à la première mesure de la représentativité patronale au niveau interprofessionnel, effectuée en application des dispositions de l'article L. 2152-4 du code du travail, issues de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, soit applicable à la branche professionnelle dont il relève, compte tenu de son activité, de démontrer que l'organisation patronale représentative de cette branche n'est pas adhérente d'une des organisations patronales interprofessionnelles ayant signé l'accord interprofessionnel.
10. Selon l'avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle prévue par l'article L. 1237-13 du code du travail ne peut pas être d'un montant inférieur à celui de l'indemnité conventionnelle de licenciement, lorsque celle-ci est supérieure à l'indemnité légale de licenciement.
11. Cet avenant, dont le champ d'application professionnel n'est pas précisé, a été signé par trois organisations professionnelles d'employeurs (le MEDEF, la CGPME et l'UPA) le 18 mai 2009, soit antérieurement à la première mesure de la représentativité patronale au niveau interprofessionnel effectuée en application des dispositions de l'article L. 2152-4 du code du travail, issues de la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014, qui disposent désormais que sont représentatives au niveau interprofessionnel les organisations professionnelles d'employeurs dont les organisations adhérentes sont représentatives à la fois dans des branches de l'industrie, de la construction, du commerce et des services.
12. D'abord, il ne ressort ni des énonciations de l'arrêt, ni des conclusions d'appel de la caisse, que celle-ci ait offert de prouver que l'organisation patronale représentative de la branche professionnelle à laquelle elle appartient n'était pas adhérente de l'une des organisations patronales signataires de l'avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008.
13. Ensuite, ayant constaté que les dispositions conventionnelles applicables au sein de la caisse prévoyaient une indemnité conventionnelle de licenciement plus favorable que l'indemnité légale de licenciement prévue par l'article L. 1237-13 du code du travail, la cour d'appel a exactement retenu qu'en application de l'avenant n° 4 du 18 mai 2009 à l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 la salariée était en droit de prétendre à une indemnité spécifique de rupture dont le montant ne pouvait pas être inférieur à l'indemnité conventionnelle de licenciement.
14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Caisse d'épargne et de prévoyance Loire-Centre aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Caisse d'épargne et de prévoyance Loire-Centre et la condamne à payer à Mme [C], épouse [O], la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt-cinq.