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26/02/2025 | FRANCE | N°52500175

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 février 2025, 52500175


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 26 février 2025








Rejet




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 175 F-D


Pourvoi n° R 23-18.460








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2025


La société ICTS France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° R 23-18.460 contre l'arrê...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 février 2025

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 175 F-D

Pourvoi n° R 23-18.460

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2025

La société ICTS France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° R 23-18.460 contre l'arrêt rendu le 2 mai 2023 par la cour d'appel de Riom (4e chambre civile (sociale)), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [E] [L], domicilié [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société ICTS France, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [L], après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société ICTS France du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre Pôle emploi.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 2 mai 2023), M. [L] a été engagé en qualité de chef de site par la société Serris. Son contrat a été transféré à la société Astriam Régions à compter du 1er septembre 2015. La convention collective applicable est celle des entreprises de prévention et de sécurité.

3. Par avenant du 1er janvier 2018, le salarié a été affecté au poste d'adjoint au directeur des opérations avec une période d'essai de six mois renouvelée jusqu'au 31 août 2018. Par lettre du 30 juillet 2018, la société Astriam Régions a informé le salarié que sa période d'essai probatoire n'était pas validée et qu'il retrouverait son poste de chef de site à compter du 1er septembre 2018.

4. Le 23 juillet 2018, la société ICTS France (l'entreprise entrante), nouvelle attributaire du marché « prestations de sûreté » à l'aéroport de [4] à compter du 1er septembre 2018, a demandé à la société Astriam Régions (l'entreprise sortante) de lui faire parvenir la liste de son personnel transférable, conformément à l'article 2.2 de l'avenant du 28 janvier 2011. Une liste comportant 42 salariés, dont M. [L], lui a été transmise le 31 juillet 2018.

5. L'entreprise entrante ayant refusé de reprendre son contrat de travail, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le transfert de son contrat de travail au sein de cette société et le paiement de dommages-intérêts.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses première, quatrième et cinquième branches et le second moyen réunis

Enoncé des moyens

7. Aux termes du premier moyen, la société fait grief à l'arrêt d'ordonner le transfert du contrat de travail du salarié en son sein à compter du 1er septembre 2018, de la condamner à payer au salarié diverses sommes à titre de dommages-intérêts et en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que, s'il n'incombe pas au salarié affecté à un marché repris et que les entreprises sortante et entrante refusent de conserver à son service, d'établir qu'il remplit les conditions prévues par l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité, il incombe en revanche au salarié de l'entreprise sortante, lorsque l'exécution de son contrat de travail se poursuit avec celle-ci, de démontrer qu'il remplissait ces conditions ; qu'en l'espèce, l'arrêt constate que M. [L] reconnaît dans ses conclusions d'appel être toujours rémunéré par la société Astriam depuis septembre 2018 ; qu'en outre, il est acquis aux débats que cette société n'a jamais rompu son contrat de travail, que M. [L] n'a engagé aucune action à son encontre et que d'ailleurs la société Lynx Evènement qui a succédé à la société Astriam a poursuivi ce contrat ; que dès lors, en retenant qu' ''il n'incombe pas au salarié affecté à un marché repris et que l'entreprise entrante refuse de conserver à son service d'établir qu'il remplit les conditions conventionnelles relatives à la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire'' et que ''la société ICTS France ne rapporte pas la preuve de ce que les conditions conventionnelles de transfert du contrat de travail de M. [L] n'étaient pas réunies'', cependant qu'il incombait à M. [L] qui, depuis la perte du marché par la société Astriam le 1er septembre 2018, continuait à travailler pour son compte, de rapporter la preuve qu'il réunissait les conditions pour être transféré au sein de la société ICTS, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et a violé l'article 1353 du code civil, ensemble l'article 2.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 ;

4°/ que, selon l'article 2.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, sont transférables les salariés remplissant les conditions suivantes à la date du transfert effectif : ''- effectuer plus de 50 % de son temps de travail sur le périmètre sortant - au service de celle-ci pour le personnel d'encadrement opérationnel - cette condition étant appréciée sur les 9 derniers mois qui précèdent le transfert - à la date du transfert, avoir effectivement accompli au moins 900 heures de vacation sur le périmètre sortant au cours des neuf mois précédents'' ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté, par motifs propres, que le périmètre sortant était le marché de prestations de sûreté de l'aéroport de [Localité 3], que par avenant du 1er janvier 2018, M. [L], jusqu'alors chef du site de [Localité 3], est devenu adjoint au directeur des opérations chargé de la stratégie opérationnelle afin de développer le chiffre d'affaires et la rentabilité dans le cadre de la politique globale de l'entreprise ; que peu importe le non-respect par l'entreprise sortante de l'interdiction de modifier le contrat de travail des salariés transférables à compter de la notification par l'entreprise entrante à l'entreprise sortante de la reprise du marché, que la société Astriam ait renouvelé la période d'essai de M. [L] le 1er juillet 2018 avant d'y mettre fin le 31 juillet 2018 ; qu'elle a constaté, par motifs adoptés, que l'avenant du 1er janvier 2018 prévoyait le retour de M. [L] dans ses fonctions précédentes au 1er septembre 2018 en cas d'échec de la période probatoire, ce qui s'est produit, M. [L] étant ''alors redevenu à cette date le chef du site de [Localité 3] et qu'il est évident et non contesté que dans cet emploi, M. [L] travaillait exclusivement et à temps complet sur le site de [Localité 3]'' ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles M. [L] n'avait retrouvé son poste de chef de site qu'au 1er septembre 2018, jour même de la perte du marché par la société Astriam, ce qui excluait qu'il remplisse les conditions prévues par l'article 2.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, la cour d'appel a violé le texte précité ;

5°/ que, selon l'article 2.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985, sont transférables les salariés remplissant les conditions suivantes à la date du transfert effectif : ''- effectuer plus de 50 % de son temps de travail sur le périmètre sortant - au service de celle-ci pour le personnel d'encadrement opérationnel - cette condition étant appréciée sur les 9 derniers mois qui précèdent le transfert - à la date du transfert, avoir effectivement accompli au moins 900 heures de vacation sur le périmètre sortant au cours des neuf mois précédents'' ; qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles M. [T], temporairement embauché par la société Astriam pour remplacer M. [L] sur son poste de chef de site jusqu'au 31 août 2018, avait finalement été repris par la société ITCS sur ce même poste à compter du 1er septembre 2018, dont il résultait que M. [L] n'y travaillait plus et n'était pas transférable au sein de la société ICTS, puisque selon avenant du 1er janvier 2018, adjoint au directeur des opérations, il suivait et contrôlait la stratégie opérationnelle dans le cadre de la politique globale de l'entreprise et n'effectuait pas ses tâches pour le site de [Localité 3] repris par la société ICTS, la cour d'appel a violé l'article 2.2 de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985. »

8. Aux termes du second moyen, la société fait le même grief à l'arrêt, alors : « que le transfert des contrats de travail qui ne s'opère pas de plein droit, est subordonné à l'accomplissement des diligences prescrites par l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 ; que lorsque l'entreprise entrante n'a pas rempli ses obligations au regard de cet accord, le transfert du contrat de travail n'a pas eu lieu et qu'il en résulte que le salarié dispose de deux actions, l'une à l'encontre de l'entrepreneur entrant qui a fait obstacle au transfert de son contrat de travail et l'autre à l'encontre de l'entreprise sortante qui est toujours son employeur, à charge pour cette dernière de se retourner contre l'entreprise entrante défaillante ; qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge, après avoir retenu que les conditions conventionnelles de transfert du contrat de travail étaient réunies, d'ordonner le transfert du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui, après avoir retenu ''que la société ICTS France ne rapporte pas la preuve de ce que les conditions conventionnelles de transfert du contrat de travail de M. [L] n'étaient pas réunies'' a décidé d' ''ordonner le transfert à la société ICTS France du contrat de travail de M. [E] [L] à compter du 1er septembre 2018'', a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'accord précité. »

Réponse de la Cour

9. Selon le préambule de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel pour les entreprises de prévention et de sécurité, le présent accord est conclu en vue de conserver les effectifs qualifiés et de préserver l'emploi des salariés dans la profession à l'occasion d'un changement de prestataire. À cet effet, les signataires ont élaboré ci-après les conditions de transfert du personnel qui s'imposent à l'entreprise entrante (nouveau titulaire du marché), à l'entreprise sortante (ancien titulaire du marché) et à l'ensemble du personnel concerné tel que défini par cet avenant.

10. Il résulte des articles 2 et 2.3.2 de l'avenant que le nouveau prestataire s'engage à reprendre, d'une part, 100 % des salariés figurant sur la liste fournie par l'entreprise sortante qui remplissent les conditions de transfert fixées à l'article 2.2 et notamment qui effectue plus de 50 % de leur temps de travail sur le périmètre sortant ¿ ou au service de celui-ci pour le personnel d'encadrement opérationnel ¿ cette condition étant appréciée sur les 13 derniers mois qui précèdent le transfert, et justifient en même temps d'une ancienneté contractuelle de 4 ans ou plus et, d'autre part, 85 %, arrondis à l'unité inférieure, des salariés transférables au sens de l'article 2.2 mais qui ne remplissent pas cette condition de 4 ans d'ancienneté contractuelle.

11. Il en résulte, d'une part, qu'il n'incombe pas au salarié affecté à un marché repris et que l'entreprise entrante refuse de conserver à son service d'établir qu'il remplit les conditions conventionnelles relatives à reprise du personnel en cas de changement de prestataire et, d'autre part, que l'entreprise entrante ne peut se prévaloir des manquements à ses propres obligations en soutenant qu'ils feraient obstacle à la poursuite du contrat de travail des salariés, alors que les dispositions conventionnelles lui font obligation de reprendre les salariés appartenant à la catégorie du personnel visé par la convention collective.

12. La cour d'appel a, d'abord, constaté que le périmètre sortant était constitué par le marché de prestations de sûreté de l'aéroport de [4] ; que le salarié occupait le poste d'adjoint au directeur des opérations et le lieu d'exécution de son activité était fixé à l'aéroport de [4] avec possibilité d'effectuer tous les déplacements temporaires nécessités par ses fonctions et qui n'entraînaient pas de changement de résidence et qu'il avait pour mission de suivre et de contrôler la mise en oeuvre de la stratégie opérationnelle afin de développer le chiffre d'affaires et la rentabilité dans le cadre de la politique globale de l'entreprise, l'entreprise entrante reconnaissant qu'il travaillait majoritairement sur le site de [Localité 3] et ne produisant aucun élément précis permettant de démontrer qu'il n'effectuait pas plus de 50 % de son temps de travail sur le périmètre sortant et qu'il n'avait effectivement pas accompli au moins 900 heures de vacation sur le périmètre sortant au cours des neuf mois précédents.

13. Elle a, ensuite, relevé que le fait que la société Astriam Régions continuât à rémunérer le salarié depuis le mois de septembre 2018 ne démontrait pas que les conditions conventionnelles du transfert n'étaient pas réunies dans la mesure où l'entreprise sortante était tenue de maintenir la rémunération des salariés concernés par le transfert tant que le contrat de travail n'avait pas été repris par le nouveau prestataire. Elle a ajouté que le fait que le salarié, temporairement embauché par l'entreprise entrante pour remplacer l'intéressé sur son poste de chef de site jusqu'au 31 août 2018 eût été repris par la société ICTS France sur ce même poste à compter du 1er septembre 2018 ne faisait pas obstacle au transfert du contrat de travail du salarié.

14. De ces constatations et énonciations, dont il ressortait que le salarié qui figurait sur la liste des salariés transférables remplissait les conditions conventionnelles relatives à la reprise du personnel, la cour d'appel a exactement déduit que l'entreprise entrante était tenue de le reprendre depuis le 1er septembre 2018 et a, sans excéder ses pouvoirs, ordonné le transfert du contrat de travail à l'entreprise entrante.

15. Les moyens ne sont donc pas fondés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société ICTS France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société ICTS France et la condamne à payer à M. [L] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500175
Date de la décision : 26/02/2025
Sens de l'arrêt : Rejet

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 02 mai 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 fév. 2025, pourvoi n°52500175


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Boutet et Hourdeaux

Origine de la décision
Date de l'import : 04/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500175
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