LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 février 2025
Cassation
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 160 F-D
Pourvoi n° G 23-15.854
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 FÉVRIER 2025
M. [W] [D], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 23-15.854 contre l'arrêt rendu le 14 mars 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 11), dans le litige l'opposant à la Société d'exploitation Lucien Guiard, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Douxami, conseiller, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [D], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la Société d'exploitation Lucien Guiard, après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Douxami, conseiller rapporteur, M. Barincou, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 mars 2023), M. [D] a été engagé en qualité de chauffeur poids lourds par la Société d'exploitation Lucien Guiard à compter du 1er novembre 1990.
2. Licencié pour faute grave par lettre du 22 décembre 2015, il a saisi le 15 juin 2016, la juridiction prud'homale qui, par décision du 16 octobre 2017, a déclaré la citation caduque.
3. Le salarié a saisi, à nouveau, le 3 novembre 2017, la juridiction prud'homale de la même contestation de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que l'instance éteinte et de le débouter de ses demandes, alors « que la règle de l'unicité de l'instance prud'homale résultant de l'article R. 1452-6 du code du travail (dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016) n'est applicable que lorsque l'instance précédente s'est achevée par un jugement sur le fond ; qu'au cas d'espèce, dès lors que la précédente instance prud'homale s'était achevée par le jugement du 16 octobre 2017, qui était un jugement de caducité et non un jugement sur le fond, la règle de l'unicité de l'instance prud'homale ne pouvait s'opposer à l'introduction d'une nouvelle instance, peu important que son objet fût identique ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-6 du code du travail (dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016), ensemble les articles R. 1454-21 du même code, 468 et 385 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure au décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 :
5. La règle de l'unicité de l'instance résultant de ce texte n'est applicable que lorsque l'instance précédente s'est achevée par un jugement sur le fond.
6. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a dit l'instance éteinte, l'arrêt retient que l'instance introduite le 3 novembre 2017 portant sur les demandes identiques à celles objet de la requête déclarée caduque, à l'exclusion de toute demande de relevé de caducité, comme le reconnaît lui-même le salarié, qui qualifie son instance de nouvelle, se heurte au principe de l'unicité de l'instance comme découlant du même contrat de travail, l'abrogation de ce principe ne pouvant aboutir à rendre recevables des demandes qui, au jour de l'entrée en vigueur dudit décret du 20 mai 2016, étaient irrecevables.
7. En statuant ainsi, alors qu'aucune décision au fond n'avait été rendue, la cour d'appel, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la Société d'exploitation Lucien Guiard aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société d'exploitation Lucien Guiard et la condamne à payer à M. [D] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille vingt-cinq.