LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
EN1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 février 2025
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 142 F-D
Pourvoi n° W 23-15.912
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 FÉVRIER 2025
La société CLF Satrem, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° W 23-15.912 contre l'arrêt rendu le 31 janvier 2023 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant à la société MMA IARD, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ittah, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gury & Maitre, avocat de la société CLF Satrem, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société MMA IARD, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 janvier 2025 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Ittah, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 31 janvier 2023), et les productions, la société Scapest, assurée auprès de la société Covea Risks jusqu'à la fusion-absorption de cette dernière, le 16 décembre 2015, par la société MMA IARD (l'assureur), a protégé un bâtiment frigorifique contre les risques d'incendie par un réseau d'extincteurs automatiques à eau mis en place par la société CLF Satrem (la société CLF), qui s'est vue confier la charge de vérifier semestriellement ces extincteurs et d'entretenir annuellement les postes de contrôle et dispositif antigel.
2. Le 15 octobre 2013, une canalisation d'alimentation des extincteurs s'est rompue et il a été constaté qu'un tronçon de celle-ci était pris dans la glace.
3. Après une expertise amiable et la désignation d'un expert judiciaire, l'assureur, agissant en qualité de subrogé dans les droits de la société Covea Risks et de la société Scapest, qui avait signé deux quittances subrogatives, a assigné la société CLF devant un tribunal de commerce afin d'obtenir sa condamnation à lui payer une certaine somme au titre de la réparation du sinistre subi par la société Scapest.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société CLF fait grief à l'arrêt de déclarer l'assureur recevable en ses demandes après avoir jugé qu'il était subrogé dans les droits de la société Scapest et de la société Covea Risks, avant de la condamner, en conséquence, à payer à l'assureur subrogé dans les droits de la société Scapest, la somme de 806 945,12 euros hors taxes, alors « que la subrogation conventionnelle de l'assureur dans les droits de l'assuré ne peut résulter que de la volonté expresse de ce dernier manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement reçu de l'assureur ; que la quittance subrogative ne fait pas, par elle-même, preuve de la concomitance de la subrogation et du paiement ; qu'en l'espèce, pour juger que l'assureur était subrogée dans les droits des sociétés Scapest et Covea Risks, la cour a énoncé que les quittances subrogatives en date du 7 janvier 2016 et du 13 juin 2018 attestaient par la société Scapest du versement d'indemnités d'un montant respectif de 937 252 euros par Covea Risks et de 71 429,40 euros par l'assureur dans le cadre de sinistre portant l'intitulé Scapest / CLF Satrem et que dans le corps de ces deux documents, il est écrit " Je subroge Covea Risks / MMA IARD dans tous les droits et actions contre tout responsable à concurrence des sommes indiquées dans la quittance " ; qu'en statuant ainsi, sans préciser la date à laquelle la société Covea Risks avait payé la somme de 937 252 euros à la société Scapest ni celle à laquelle l'assureur lui avait payé celle de 71 429,40 euros, tandis que la société CLF faisait expressément valoir que la preuve de la concomitance du paiement n'était pas rapportée par la seule production des quittances la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur la concomitance du paiement et de la subrogation, en violation de l'article 1250 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1250 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
5. Selon ce texte, la subrogation conventionnelle doit résulter de la volonté expresse de subroger, manifestée concomitamment ou antérieurement au paiement.
6. Il en résulte que la concomitance de la subrogation et du paiement doit être spécialement établie par le subrogé, la quittance subrogative ne faisant pas preuve, par elle-même, de cette concomitance.
7. Pour condamner la société CLF à payer à l'assureur, en qualité de subrogé dans les droits de la société Scapest, la somme de 806 945,12 euros HT, l'arrêt relève que les quittances subrogatives du 7 janvier 2016, au nom de la société Covea Risks, et du 13 juin 2018, au nom de l'assureur, attestent du versement, à la société Scapest, d'indemnités pour des montants de 937 252 euros et 71 429,40 euros respectivement, au titre de sinistres portant l'intitulé « Scapest / CLF Satrem ».
8. L'arrêt ajoute que l'assureur, ayant repris les droits de la société Covea Risks par l'effet de la fusion-absorption, bénéficie de la quittance du 7 janvier 2016 qui mentionne que l'indemnité immédiate a été réglée conformément à la lettre d'acceptation signée par la société Scapest le 9 décembre 2015.
9. Il relève encore que dans le corps des deux quittances, la société Scapest a manifesté son intention de subroger la société Covea Risks et l'assureur dans tous ses droits et actions contre tout responsable à concurrence des sommes y figurant, et en déduit que, dans ces conditions, l'assureur est subrogé dans les droits de la société Scapest et de la société Covea Risks.
10. En se déterminant ainsi, sans préciser les dates auxquelles la société Covea Risks et l'assureur avaient payé à la société Scapest les indemnités dont il était fait état dans les quittances, alors que ces dernières ne rendaient compte que de l'intention de subroger, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en tant qu'il a déclaré la société MMA IARD recevable en ses demandes, l'arrêt rendu le 31 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société MMA IARD aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société MMA IARD et la condamne à payer à la société CLF Satrem la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize février deux mille vingt-cinq.