LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 janvier 2025
Rejet
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 3 FS-B
Pourvoi n° S 22-15.766
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JANVIER 2025
La société [4], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société [5], a formé le pourvoi n° S 22-15.766 contre l'arrêt rendu le 16 mars 2022 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Languedoc-Roussillon, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pédron, conseiller, les observations écrites et orales de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société [4], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Languedoc-Roussillon, et l'avis de Mme Pieri-Gauthier, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 novembre 2024 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Pédron, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, Mme Lapasset, MM. Leblanc, Reveneau, Hénon, Mme Le Fischer, conseillers, Mme Dudit, MM. Labaune, Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, Mme Pieri-Gauthier, avocat général, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 16 mars 2022), à la suite d'un contrôle portant sur l'année 2003, suivi d'une lettre d'observations du 12 octobre 2006, l'URSSAF de [Localité 6], aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Languedoc-Roussillon (l'URSSAF), a notifié une mise en demeure du 15 décembre 2006 à la société [5], aux droits de laquelle vient la société [4] (la société cotisante), laquelle a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société cotisante fait grief à l'arrêt de valider le chef de redressement relatif à l'avantage en nature véhicules et de porter le montant de la condamnation à une certaine somme, alors « qu'il résulte de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations sociales, que revêt le caractère d'un avantage en nature, l'usage privé par un salarié du véhicule que son employeur met à sa disposition permanente et dont il assume entièrement la charge ; que, par motifs adoptés, la cour d'appel a relevé que des salariés de la société bénéficient de la mise à disposition permanente d'un véhicule automobile de tourisme fourni par l'Association des utilisateurs de véhicules dont ils sont membres et à laquelle ils versent une cotisation, que la société verse à l'association les indemnités kilométriques qui lui sont facturées pour les déplacements effectués à titre professionnel par les salariés, que la société n'a pas justifié du nombre de kilomètres parcourus à titre professionnel par chacun des salariés et du taux retenu alors qu'il lui incombe de démontrer que les sommes qu'elle verse au titre des indemnités kilométriques sont utilisées conformément à leur objet et qu'à défaut, les sommes remboursées à l'association au titre des indemnités kilométriques constituent un avantage en nature dans la mesure où elles diminuent d'autant le montant de la cotisation due par les utilisateurs adhérents de l'association en contrepartie de la mise à disposition de ces véhicules, que cette prise en charge par la société fait réaliser une économie à ses salariés qui constitue dès lors un complément de rémunération soumis à cotisations ; qu'en statuant ainsi par des motifs dont il ressort que la société n'a pas mis à la disposition permanente de ses salariés un véhicule dont elle assumait entièrement la charge, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé, dans son principe et son montant l'existence de l'avantage en nature litigieux, a violé les textes susvisés. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte de l'article L. 242-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, que les avantages en nature attribués en contrepartie ou à l'occasion du travail sont compris dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale.
5. En application de l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 modifié, relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations sociales, lorsque l'employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait annuel en pourcentage du coût d'achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule en location ou en location avec option d'achat, toutes taxes comprises.
6. Il résulte de ces textes que la mise à la disposition permanente, par l'employeur, au profit de ses salariés, d'un véhicule pouvant être utilisé pour leurs déplacements privés, permettant ainsi aux bénéficiaires de faire l'économie de frais de transport qu'ils devraient normalement assumer, constitue, en principe, un avantage en nature.
7. La circonstance selon laquelle le véhicule est mis à la disposition permanente de salariés par l'intermédiaire d'un tiers ne saurait faire obstacle à la constatation de l'existence d'un avantage en nature, lorsque l'attribution de cet avantage résulte de l'appartenance des salariés à l'entreprise.
8. L'administration de la preuve de cet avantage en nature doit être gouvernée par les règles générales applicables en cette matière.
9. Ainsi, s'il incombe d'abord à l'URSSAF d'établir, notamment par le procès-verbal des agents de contrôle qui fait foi jusqu'à preuve contraire, la mise à disposition permanente, par l'employeur, d'un véhicule au profit de ses salariés, il appartient ensuite à l'employeur de démontrer que cette mise à disposition, fût-ce par l'intermédiaire d'un tiers, est exclusive de tout avantage en nature.
10. L'employeur doit, par conséquent, rapporter la preuve qu'il prend exclusivement en charge le coût afférent aux kilomètres parcourus par ses salariés dans le cadre de leurs déplacements professionnels, sans aucune participation au coût de l'usage personnel du véhicule par ces derniers.
11. Si, conformément à l'article 1358 du code civil, cette preuve peut être rapportée par tout moyen, elle ne peut cependant résulter des seules facturations établies par le tiers qui met les véhicules à disposition des salariés, lesquelles doivent être corroborées par d'autres éléments de preuve.
12. L'arrêt relève, par motifs adoptés, qu'une partie du personnel de la société cotisante bénéficie de la mise à disposition permanente d'un véhicule automobile fourni par l'association des utilisateurs de véhicules, dont les adhérents sont les cadres et les employés, techniciens et agents de maîtrise du groupe [3]. Il constate que ceux-ci sont tenus de verser une cotisation à l'association qui perçoit de la société cotisante des indemnités kilométriques qu'elle lui facture au titre des déplacements professionnels de ses salariés. Il retient que la société cotisante, à laquelle il appartient de démontrer que les sommes qu'elle verse au titre des indemnités kilométriques sont utilisées conformément à leur objet, ne justifie pas du nombre de kilomètres parcourus par chacun des salariés à titre professionnel. Il en déduit que la prise en charge par la société cotisante, en contrepartie de la mise à disposition de ces véhicules, des sommes remboursées à l'association au titre des indemnités kilométriques fait réaliser une économie à ses salariés utilisateurs des véhicules et constitue dès lors un avantage en nature soumis à cotisations sociales.
13. De ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, la cour d'appel, ayant estimé que les éléments de preuve apportés par la société cotisante étaient insuffisants à démontrer qu'elle prenait exclusivement en charge les déplacements professionnels effectués par ses salariés, a exactement déduit que l'URSSAF était fondée à procéder au redressement de ce chef.
14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne la société [4] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [4] et la condamne à payer à l'URSSAF de Languedoc-Roussillon la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf janvier deux mille vingt-cinq.