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19/12/2024 | FRANCE | N°22401213

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 19 décembre 2024, 22401213


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


FD






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 19 décembre 2024








Cassation




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 1213 F-B


Pourvoi n° X 23-19.110








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
________________________

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 DÉCEMBRE 2024


L'association Ligue nationale contre le cancer, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 23-19.110 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2023...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 décembre 2024

Cassation

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 1213 F-B

Pourvoi n° X 23-19.110

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 DÉCEMBRE 2024

L'association Ligue nationale contre le cancer, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 23-19.110 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2023 par la cour d'appel de Metz (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Sogecap, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à Mme [X] [U], épouse [Y], domiciliée [Adresse 1],

3°/ à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de l'association Ligue nationale contre le cancer, de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de la Société générale, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Sogecap, de Me Guermonprez, avocat de Mme [U], et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Cathala, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 23 mai 2023), [B] [G] est décédée à l'âge de 83 ans le 3 octobre 2019, laissant pour lui succéder sa fille, Mme [Y].

2. En 2009, par l'intermédiaire de la Société générale, [B] [G] avait adhéré à un contrat d'assurance sur la vie, souscrit auprès de la société Sogecap (l'assureur), sur lequel elle avait effectué plusieurs versements jusqu'en mai 2011 pour un total de 274 800 euros et dont le bénéficiaire était la Ligue nationale contre le cancer.

3. Mme [Y] a saisi un tribunal de grande instance afin d'obtenir la réintégration d'une partie des primes dans la succession de sa mère.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

4. La Ligue nationale contre le cancer fait grief à l'arrêt d'ordonner la réduction des primes versées sur le contrat d'assurance sur la vie souscrit par [B] [G] à hauteur de 130 000 euros, d'ordonner la réintégration à la succession de [B] [G] de cette somme et d'enjoindre à l'assureur de verser cette somme à la succession de [B] [G], alors :

« 2°/ que les règles du rapport à succession et celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers ne s'appliquent pas aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ; qu'un tel caractère s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge, des situations patrimoniale et familiale du souscripteur et de l'utilité du contrat pour ce dernier ; que la cour d'appel a constaté que le versement par [B] [G] des primes sur le contrat d'assurance-vie n'avait pas obéré son train de vie et que ce contrat lui était utile ; qu'en ordonnant pourtant la réduction des primes versées sur le contrat d'assurance-vie de [B] [G] désignant la Ligue contre le cancer comme bénéficiaire et la réintégration à sa succession de la somme de 130 000 euros motif pris que le versement de cette prime avait abouti à placer plus de 75 % de son patrimoine sur ce contrat quand elle avait auparavant disposé de placements diversifiés, motif impuissant à caractériser le caractère excessif de cette prime au regard de ses facultés au moment du versement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-13 du code des assurances ;

3°/ que les règles du rapport à succession et celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers ne s'appliquent pas aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ; qu'un tel caractère s'apprécie au moment du versement, au regard de l'âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale du souscripteur et de l'utilité du contrat pour ce dernier ; que l'intérêt des héritiers ne constitue pas un critère d'appréciation du caractère manifestement exagéré des primes ; qu'en ordonnant pourtant la réduction des primes versées sur le contrat d'assurance-vie de [B] [G] et la réintégration à sa succession de la somme de 130 000 euros, motif pris que le versement de cette somme apparaissait manifestement excessif au regard de la situation familiale de [B] [G] dès lors qu'elle ne pouvait ignorer qu'il aboutissait à exhéréder sa fille, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-13 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 132-13 du code des assurances :

5. Selon ce texte, les primes versées par le souscripteur d'un contrat d'assurance sur la vie ne sont rapportables à la succession que si elles présentent un caractère manifestement exagéré eu égard aux facultés du souscripteur, un tel caractère s'appréciant au moment du versement, au regard de l'âge, des situations patrimoniale et familiale du souscripteur ainsi que de l'utilité du contrat pour celui-ci.

6. Pour juger manifestement exagérée la dernière prime versée par [B] [G] sur le contrat d'assurance sur la vie en cause, après avoir retenu que le total des primes versées en 2009 et 2010 restait proportionné au patrimoine de la souscriptrice, l'arrêt énonce que, s'agissant de primes ayant bénéficié, non pas à un héritier mais à un tiers à la succession, il convient de vérifier si ces versements ont porté atteinte à la réserve héréditaire.

7. Il constate que le dernier versement a eu pour conséquence que la quasi-totalité du patrimoine de la souscriptrice s'est trouvée placée sur un unique contrat d'assurance sur la vie dont le bénéficiaire était la Ligue contre le cancer, alors que, disposant par le passé d'une épargne répartie sur différents supports, elle ne pouvait ignorer qu'en agissant de la sorte, elle privait sa fille d'une part très importante de sa succession, excédant la réserve héréditaire. Il constate que cette conséquence est d'ailleurs en accord avec les termes du testament rédigé en 2019, par lequel [B] [G] instituait la Ligue contre le cancer comme légataire universel. L'arrêt expose encore que, compte tenu d'un actif successoral total de 299 441,90 euros, la dernière prime versée a eu pour conséquence de priver Mme [Y] de sa réserve héréditaire, qui se serait théoriquement élevée à la somme de 149 720,95 euros.

8. Il en déduit que, quelle qu'ait pu être l'utilité d'un tel placement pour [B] [G], ce dernier versement apparaît manifestement exagéré au regard de la situation familiale et patrimoniale de celle-ci.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un critère étranger à l'appréciation du caractère manifestement exagéré des primes versées, a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

10. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause, à sa demande, la Société générale, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Met hors de cause la Société générale.

Condamne Mme [Y] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22401213
Date de la décision : 19/12/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Analyses

ASSURANCE (règles générales)


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 23 mai 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 19 déc. 2024, pourvoi n°22401213


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel
Avocat(s) : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, SCP Célice, Texidor, Périer, Me Guermonprez

Origine de la décision
Date de l'import : 31/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22401213
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