LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
SH
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 18 décembre 2024
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 642 F-B
Pourvoi n° C 23-13.250
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 DÉCEMBRE 2024
La société Saint Louis sucre, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3], a formé le pourvoi n° C 23-13.250 contre l'arrêt n° RG 21/04185 rendu le 9 janvier 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), dont le siège est [Adresse 1], [Localité 4], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Saint Louis sucre, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de l'Etablissement FranceAgriMer, après débats en l'audience publique du 17 septembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 janvier 2023), les 19 janvier 2016 et 2 février 2017, FranceAgriMer a émis contre la société Saint Louis sucre des titres de perception de la taxe à la production sur le quota de sucre due au titre des campagnes de commercialisation sucrière 2015/2016 et 2016/2017.
2. Soutenant que l'article 128, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 (le règlement n° 1308/2013) et l'article 7 du règlement (UE) n° 1370/2013 du 16 décembre 2013 établissant les mesures relatives à la fixation de certaines aides et restitutions liées à l'organisation commune des marchés des produits agricoles (le règlement n° 1370/2013), prévoyant la taxe à la production sur le quota de sucre, dont le paiement lui était réclamé, étaient contraires à l'article 43, paragraphe 2, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et aux principes de proportionnalité et de non-discrimination, la société Saint Louis sucre a contesté ces titres de perception.
3. Après le rejet implicite de ses réclamations, la société Saint Louis sucre a assigné FranceAgriMer en annulation de la décision de rejet et des titres de perception, et en remboursement des sommes versées, outre intérêts.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
5. La société Saint Louis sucre fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes et notamment sa demande d'annulation des décisions implicites de rejet de ses réclamations prises par l'établissement FranceAgriMer le 27 mai 2019, sa demande d'annulation du titre de perception n° 2016-14 établi le 19 janvier 2016 en la forme et au fond (reçu le 2 février), sa demande d'annulation du titre de perception n° 2017-046 établi le 2 février 2017, sa demande en condamnation de l'établissement FranceAgriMer à lui rembourser les deux sommes de 7 383 597,96 euros perçues au titre des campagnes sucrières 2015/2016 et 2016/2017 et sa demande en condamnation de l'établissement FranceAgriMer à lui payer les intérêts moratoires sur la somme à rembourser, à compter du 29 février 2016 pour la campagne 2015/2016 et à compter du 28 février 2017 pour la campagne 2016/2017, alors « que l'autorité de la chose jugée des décisions rendues par la Cour de justice de l'Union européenne ne s'attache qu'aux points de fait ou de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision juridictionnelle en cause ; que cette autorité s'attache au dispositif de ces décisions éclairé par les motifs qui en constituent le soutien nécessaire et qui lui indissociables ; qu'en l'espèce, pour refuser de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles soulevées par la société Saint Louis sucre tirées de la contrariété à l'article 43, paragraphe 2, TFUE et au principe de proportionnalité de la taxe à la production instaurée par l'article 128, paragraphe 1, du règlement n° 1308/2013, en raison de ce que cette taxe ne présente plus aucune nécessité pour le financement du secteur sucrier depuis l'entrée en vigueur de ce règlement, la cour d'appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que, par sa décision Isera & Scaldis Sugar e.a. du 21 février 2013, la Cour de justice de l'Union européenne a déclaré conforme au droit de l'Union la taxe à la production instaurée par les règlements antérieurs n° 318/2006 et n° 1234/2007 au motif qu'elle contribuait à financer les différentes mesures dans le secteur du sucre, y compris l'aide directe découplée de la production sucrière qui représente la dépense la plus élevée, dont elle est la contrepartie et qui est destinée à soutenir les revenus agricoles ; que la cour d'appel en a déduit que cette décision de conformité avait été prise en considération du découplage des aides par rapport à la production, de sorte que ce découplage ne constituait pas une circonstance nouvelle de nature à justifier que soient posées de nouvelles questions préjudicielles et qu'il n'y avait donc pas lieu d'annuler les titres de perception émis contre la société Saint Louis sucre ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, depuis l'entrée en vigueur du règlement de 2013, c'est-à-dire depuis la campagne de commercialisation 2014/2015, le lien entre l'aide découplée, dont la taxe à la production était la contrepartie et qui la rendait conforme au droit primaire en vertu de l'ordonnance précitée du 21 février 2013, et la culture de la betterave sucrière (sous la forme de "références historiques"), n'avait pas totalement disparu de sorte que cette taxe n'entretenait plus aucun lien avec le secteur du sucre et avait perdu sa contrepartie sectorielle, et sans rechercher encore, ainsi qu'elle y était invitée, si, dans les faits, plus aucun paiement n'intervenait en faveur de l'industrie sucrière depuis l'entrée en vigueur du règlement de 2013 de sorte que la taxe à la production ne pouvait servir au financement de ce secteur, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance précitée du 21 février 2013 et l'article 267 TFUE, ensemble l'article 43, paragraphe 2, TFUE et le principe de proportionnalité. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article 267, alinéa 1er, TFUE, la Cour de justice est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur l'interprétation des traités et sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.
7. Selon l'alinéa 2 de ce texte, lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de justice de statuer sur cette question.
8. Selon l'alinéa 3, lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour de justice.
9. La Cour de justice juge que l'autorité de l'interprétation qu'elle donne en vertu de l'article 267 TFUE peut priver l'obligation prévue au troisième alinéa de ce texte de sa cause et la vider ainsi de son contenu, notamment lorsqu'une jurisprudence établie de la Cour de justice résout le point de droit en cause, quelle que soit la nature des procédures qui ont donné lieu à cette jurisprudence, même à défaut d'une stricte identité des questions en litige (arrêt du 6 octobre 2021, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi, C-561/19, point 36 et jurisprudence citée).
10. Elle précise que, si les juridictions nationales ne sont pas compétentes pour constater elles-mêmes l'invalidité des actes des institutions de l'Union (arrêts du 22 octobre 1987, Foto-Frost, C-314/85, points 15 à 20, et du 28 avril 2022, Gräfendorfer Geflügel und Tiefkühlfeinkost, C-415/20, point 66), ces juridictions peuvent, si elles n'estiment pas fondés les moyens d'invalidité relevés d'office ou soulevés par les parties, rejeter ces moyens en concluant que l'acte est pleinement valide (arrêt du 3 juillet 2019, Eurobolt, C-644/17, point 28 et jurisprudence citée).
11. Selon l'article 43, paragraphe 2, TFUE, le Parlement européen et le Conseil établissent l'organisation commune des marchés agricoles prévue à l'article 40, paragraphe 1, ainsi que les autres dispositions nécessaires à la poursuite des objectifs de la politique commune de l'agriculture et de la pêche.
12. Selon l'article 40, paragraphe 2, TFUE, l'organisation commune des marchés agricoles peut comporter toutes les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs définis à l'article 39, notamment des réglementations des prix, des subventions tant à la production qu'à la commercialisation des différents produits, des systèmes de stockage et de report, des mécanismes communs de stabilisation à l'importation ou à l'exportation. Elle doit se limiter à poursuivre les objectifs énoncés à l'article 39 et doit exclure toute discrimination entre producteurs ou consommateurs de l'Union.
13. L'article 39, paragraphe 1, TFUE dispose :
« La politique agricole commune a pour but :
a) d'accroître la productivité de l'agriculture en développant le progrès technique, en assurant le développement rationnel de la production agricole ainsi qu'un emploi optimum des facteurs de production, notamment de la main-d'oeuvre,
b) d'assurer ainsi un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par le relèvement du revenu individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture,
c) de stabiliser les marchés,
d) de garantir la sécurité des approvisionnements,
e) d'assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs. »
14. Par un arrêt Pfeifer & Langen GmbH & Co. KG du 11 juin 2015 (C-51/14, point 39), la Cour de justice a rappelé qu'ainsi qu'il ressort des troisième, dixième et quatorzième considérants du règlement (CEE) n° 1785/81 du 30 juin 1981, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, le régime des quotas constitue l'une des mesures de l'organisation commune des marchés du sucre ayant pour finalité ultime de stabiliser le marché de l'Union et, partant, d'assurer, notamment, le maintien des garanties nécessaires en ce qui concerne l'emploi et le niveau de vie des fabricants de l'Union et que les quotas nationaux garantissent aux fabricants les prix communautaires et l'écoulement de leur production.
15. La Cour de justice a, par ailleurs, jugé que la garantie d'un revenu stable ne figure pas parmi les objectifs énoncés de la politique agricole commune à l'article 33 CE, devenu article 39 TFUE, lequel mentionne l'objectif d'assurer un niveau de vie équitable à la population agricole et celui de stabiliser les marchés, et que les traités n'exigent pas qu'un niveau de vie équitable soit garanti par la culture sans relâche d'un seul et même produit (arrêt du 19 septembre 2013, Panellinios Syndesmos Viomichanion Metapoiisis Kapnou, C-373/11, points 54 et 55).
16. S'agissant du principe de proportionnalité, la Cour de justice juge que celui-ci exige que les actes des institutions de l'Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs, étant entendu que, lorsqu'un choix s'offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt du 14 juin 2017, TofuTown.com, C-422/16, point 45, et jurisprudence citée).
17. Elle indique que, le législateur de l'Union disposant, en matière de politique agricole commune, d'un large pouvoir d'appréciation, qui correspond aux responsabilités politiques que les articles 40 à 43 TFUE lui attribuent, seul le caractère manifestement inapproprié d'une mesure arrêtée dans ce domaine par rapport à l'objectif que l'institution compétente entend poursuivre peut affecter la légalité d'une telle mesure (arrêt TofuTown.com, précité, point 46, et jurisprudence citée).
18. Par une décision du 20 mai 2010, Agrana Zucker (C-365/08), la Cour de justice, saisie de la question de savoir si l'article 16 du règlement (CE) n° 318/2006 du 20 février 2006 portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre (le règlement n° 318/2006) était compatible avec le droit primaire et, en particulier, le principe de proportionnalité, a jugé que la taxe à la production contribuait à financer les différentes mesures dans le secteur du sucre, y compris l'aide directe découplée qui représentait la dépense la plus élevée (point 36).
19. Dans son ordonnance du 21 février 2013, Isera & Scaldis Sugar e.a. (C-154/12), saisie de la question de la validité des articles 16 du règlement n° 318/2006 et 51 du règlement (CE) n° 1234/2007 du 22 octobre 2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (le règlement n° 1234/2007), elle a jugé que, destinée à contribuer au financement des différentes mesures dans le secteur du sucre, la perception de la taxe à la production ne revêtait pas le caractère d'une charge fiscale, mais constituait une mesure de politique agricole commune régulièrement adoptée sur la base de l'article 37 CE (points 29 et 37).
20. Elle a précisé qu'il ressortait du considérant 14 du règlement n° 318/2006 que le régime des quotas constituait l'une des mesures ayant pour finalité ultime de stabiliser le marché de l'Union du sucre et, partant, d'assurer, notamment, le maintien des garanties nécessaires en ce qui concerne l'emploi et le niveau de vie des producteurs de l'Union (ordonnance Isera & Scaldis Sugar e.a., précitée, point 46).
21. Saisie du grief tiré de ce que l'article 16 du règlement n° 318/2006 serait contraire au principe de proportionnalité dès lors que la taxe à la production n'est ni appropriée, ni nécessaire, ni proportionnée par rapport aux dépenses réelles et aux perspectives de dépenses dans l'organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, telles qu'établies dès le départ, la Cour de justice a jugé qu'aucun indice ne permettait de considérer que la taxe à la production dans son ensemble serait manifestement inappropriée pour atteindre l'objectif poursuivi et que l'examen de la question n'avait révélé aucun élément de nature à affecter la validité des articles 16 du règlement n° 318/2006 et 51 du règlement n° 1234/2007 (ordonnance Isera & Scaldis Sugar e.a., précitée, points 55 et 56).
22. Le règlement n° 1308/2013 indique, à son considérant 115, que la réforme du régime du sucre, qui a été réalisée en 2006, a profondément modifié le secteur du sucre dans l'Union européenne et que, afin de permettre aux producteurs de betterave sucrière de s'adapter complètement à la nouvelle situation du marché et à l'orientation accrue du secteur vers le marché, il y a lieu de proroger le régime actuel des quotas pour le sucre jusqu'à ce qu'il soit aboli à la fin de la campagne de commercialisation 2016/2017. Ce règlement maintient, à son article 134, l'application d'un régime de quotas pour le sucre, l'isoglucose et le sirop d'inuline jusqu'à cette date et, à son article 128, l'application d'une taxe à la production sur le quota de sucre, le quota d'isoglucose et le quota de sirop d'inuline attribué aux entreprises productrices de sucre, d'isoglucose ou de sirop d'inuline, et ce, pour la même durée.
23. Le règlement n° 1370/2013, qui précise les règles relatives à la fixation des prix, des prélèvements, des aides, des restitutions et des quotas pour plusieurs produits agricoles, dont le sucre, indique, à son considérant 8, qu'il y a lieu de prévoir des mesures relatives à la fixation de la taxe à la production perçue sur le quota de sucre, le quota d'isoglucose et le quota de sirop d'inuline prévus dans le secteur du sucre, pour tenir compte de la prorogation du régime des quotas jusqu'au 30 septembre 2017. Il ajoute, à son considérant 10, qu'il convient de fixer un prix minimal pour la betterave sous quota, correspondant à une qualité type à définir, afin d'assurer un niveau de vie équitable aux producteurs de betteraves sucrières et de cannes à sucre de l'Union. Il dispose, à son article 7, dans des termes identiques à ceux des articles 16 du règlement n° 318/2006 et 51 du règlement n° 1234/2007, que la taxe à la production sur le quota de sucre, le quota d'isoglucose et les quotas de sirop d'inuline, prévue à l'article 128 du règlement n° 1308/2013, est fixée à 12,00 euros la tonne en ce qui concerne les quotas de sucre et de sirop d'inuline et que la taxe à la production applicable à l'isoglucose est fixée à 50 % de la taxe applicable au sucre.
24. Il s'ensuit que la taxe à la production dans le secteur du sucre instaurée à l'article 16 du règlement n° 318/2006 et reprise à l'article 51 du règlement n° 1234/2007, intrinsèquement liée à l'existence du régime de quotas, a été maintenue, pour la même durée que ces derniers, par les articles 128 du règlement n° 1308/2013 et 7 du règlement n° 1370/2013 sans modification ni de son régime ni de sa finalité.
25. La jurisprudence de la Cour de justice relative à la validité des articles 16 du règlement n° 318/2006 et 51 du règlement n° 1234/2007, issue de ses décisions Agrana Zucker et Isera & Scaldis Sugar e.a., est donc transposable aux articles 128 du règlement n° 1308/2013 et 7 du règlement n° 1370/2013.
26. Par motifs propres et adoptés, l'arrêt retient qu'il ressort de la similitude des articles 16 du règlement n° 318/2006, 51 du règlement n° 1234/2007 et 128 du règlement n° 1308/2013, ainsi que du considérant 115 de ce dernier règlement, que la taxe à la production sur le sucre instituée en 2006 a été prorogée jusqu'à la fin de la campagne de commercialisation 2016/2017 par les règlements n° 1308/2013 et n° 1370/2013.
27. Il relève qu'il ressort du considérant 19 du règlement n° 318/2006 et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qu'il n'y a plus d'adéquation entre les aides et la production et que la validité de la taxe à la production de sucre a été appréciée en considération expresse de ce découplage des aides par rapport à la production.
28. Il retient que la taxe à la production de sucre entretient un lien avec les dépenses du secteur du sucre et participe à la réalisation des objectifs poursuivis par la politique agricole commune.
29. Il en déduit qu'il n'y a pas de lieu de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne les questions posées par la société Saint Louis sucre et rejette les demandes de celle-ci.
30. En cet état, la cour d'appel, qui a énoncé à bon droit que la taxe à la production de sucre avait pour objectif de contribuer à financer les différentes mesures dans le secteur du sucre, dont le régime des quotas qui avait été maintenu au bénéfice des entreprises du secteur, et n'était pas tenue de procéder aux recherches prétendument omises, que ses énonciations rendaient inopérantes, a statué comme elle l'a fait sans encourir les griefs du moyen.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
31. La société Saint Louis sucre fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'autorité de la chose jugée des décisions rendues par la Cour de justice de l'Union européenne ne s'attache qu'aux points de fait ou de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision juridictionnelle en cause ; que cette autorité s'attache au dispositif de ces décisions éclairé par les motifs qui en constituent le soutien nécessaire et qui lui indissociables ; que dans sa décision Isera & Scaldis Sugar e.a. du 21 février 2013, la Cour de justice de l'Union européenne a déclaré conforme au droit de l'Union la taxe à la production instaurée par les règlements antérieurs n° 318/2006 et n° 1234/2007 au regard du principe de non-discrimination au motif que cette taxe est due par les entreprises auxquelles ont été alloués des quotas de sucre et que celles-ci bénéficient, de ce fait, de garanties que n'ont pas les entreprises qui ne bénéficient pas de ces quotas ; que cette décision a donc uniquement statué sur l'absence de discrimination résultant du paiement de cette taxe entre les entreprises bénéficiant des quotas de sucre et celles qui ne bénéficient pas de quotas ; qu'elle n'a en revanche pas statué, ni dans ses motifs ni dans son dispositif, sur l'existence d'une discrimination entre les entreprises bénéficiant des quotas de sucre et des entreprises bénéficiant d'autres quotas mais qui ne sont pas soumises au versement d'une taxe à la production ; qu'en retenant l'inverse, pour dire n'y avoir lieu à renvoi de la question préjudicielle tirée de la non-conformité de l'article 128, paragraphe 1, du règlement n° 1308/2013 au principe de non-discrimination résultant de ce qu'aucune taxe à la production n'est mise à la charge des producteurs de vin et de lait qui bénéficiaient pourtant également de quotas à la date d'entrée en vigueur de ce règlement, la cour d'appel, qui en a déduit n'y avoir lieu à annulation des titres de perception émis contre la société Saint Louis sucre, a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à la décision précitée du 21 février 2013 et les articles 40 et 267 TFUE, ensemble le principe de non-discrimination. »
Réponse de la Cour
32. La Cour de justice de l'Union européenne juge que le principe de non-discrimination, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union et trouve son expression dans le domaine de l'agriculture à l'article 40, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts du 14 mars 2013, Agrargenossenschaft Neuzelle, C-545/11, points 41 et 42, et du 14 juin 2017, TofuTown.com, C-422/16, point 49 et jurisprudence citée).
33. Elle juge en particulier que chaque secteur de l'organisation commune des marchés pour les produits agricoles établie par le règlement n° 1308/2013 comporte des spécificités qui lui sont propres, de sorte que la comparaison des mécanismes techniques utilisés pour la réglementation de différents secteurs de marché ne saurait constituer une base valable pour établir un grief d'inégalité de traitement entre des produits dissemblables soumis à des règles différentes (arrêt TofuTown.com, précité, point 51, et jurisprudence citée).
34. Le lait et le vin relèvent de secteurs différents de celui du sucre.
35. Il s'ensuit que le fait que les producteurs de lait ou de vin ne soient, selon la société Saint Louis sucre, pas soumis à une taxe à la production comparable à celle à laquelle sont soumis les producteurs de sucre en application des articles 128, paragraphe 1, du règlement n° 1308/2013 et 7 du règlement n° 1370/2013, ne saurait être considéré comme étant contraire au principe d'égalité de traitement.
36. En l'absence de doute en ce qui concerne la validité de ces dispositions au regard du principe de non-discrimination, il n'y a pas lieu de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question posée par la société Saint Louis sucre relative à la soumission des fabricants de sucre à une taxe à la production sans qu'une taxe similaire soit mise à la charge des producteurs de vin et de lait dont les productions étaient également enserrées dans des mécanismes de quotas lors de la réforme de 2013.
37. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Saint Louis sucre aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Saint Louis sucre et la condamne à payer à l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) la somme de 3 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille vingt-quatre.