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12/12/2024 | FRANCE | N°32400686

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 décembre 2024, 32400686


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3


JL






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 12 décembre 2024








Cassation partielle




Mme TEILLER, président






Arrêt n° 686 FS-B


Pourvoi n° Z 23-20.354








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_______________

__________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 DÉCEMBRE 2024




Le groupement agricole d'exploitation en commun [Adresse 1], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 23-20.354 contre l'a...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 décembre 2024

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 686 FS-B

Pourvoi n° Z 23-20.354

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 DÉCEMBRE 2024

Le groupement agricole d'exploitation en commun [Adresse 1], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 23-20.354 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2023 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [J] [V], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Bosse-Platière, conseiller, les observations de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat du groupement agricole d'exploitation en commun [Adresse 1], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de Mme [V], et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Bosse-Platière, conseiller rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Mmes Grandjean, Grall, Pic, Oppelt, conseillers, Mme Schmitt, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 27 juin 2023), le 1er avril 1983, M. [G] a consenti à [B] [C] un bail verbal portant sur des parcelles agricoles.

2. Le 24 novembre 2008, [B] [C] et son fils, M. [F] [C], ont créé le groupement agricole d'exploitation en commun [Adresse 1] (le GAEC).

3. [B] [C] est décédé le 6 septembre 2011, laissant pour lui succéder ses deux enfants, M. [F] [C] et Mme [Y] [C].

4. Le 31 décembre 2012, Mme [Y] [C] est devenue membre du GAEC et a été désignée cogérante.

5. Par actes des 21 septembre 2012, 3 janvier 2013 et 9 novembre 2013, Mme [V] est devenue propriétaire des parcelles.

6. Par requête reçue le 26 avril 2021, Mme [V] a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux aux fins d'obtenir l'expulsion du GAEC, occupant sans droit ni titre, sollicitant, à titre additionnel, l'annulation de la cession du bail rural intervenue au profit du GAEC et la résiliation du bail du 1er avril 1983.

7. Le GAEC a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. Le GAEC fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription et, en conséquence, de déclarer recevables les demandes de Mme [V], alors « que lorsqu'elle est fondée sur l'apport irrégulier du droit au bail à une société civile d'exploitation, la prescription de l'action en résiliation court à compter du jour où le bailleur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'agir en justice ; qu'en considérant, pour rejeter la fin de non-recevoir du Gaec [Adresse 1], que la connaissance par la propriétaire des parcelles de la cession était sans effet sur le point de départ de la prescription, laquelle n'avait pu commencer à courir qu'à compter de la cessation du manquement imputé au preneur, de sorte qu'en saisissant le tribunal paritaire des baux ruraux à une date où le Gaec [Adresse 1] exploitait toujours les parcelles litigieuses, aucune prescription ne pouvait être acquise, quand elle devait rechercher, s'agissant de l'apport du droit au bail à une société civile d'exploitation, la date à laquelle Mme [V] avait connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

10. Il est jugé, au visa des articles L. 411-31, II, 1°, et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime et de l'article 2224 du code civil, que le point de départ de la prescription de l'action en résiliation du bail rural pour cession ou sous-location prohibées se situe au jour où ces infractions ont cessé (3e Civ., 1er février 2018, pourvoi n° 16-18.724, Bull. 2018, III, n° 11).

11. L'apport du droit au bail à une société sans l'agrément du bailleur, en violation de l'artilcle L. 411-38 du code rural et de la pêche maritime, s'analysant en une cession prohibée, le point de départ de la prescription de l'action en résiliation du bail rural se situe au jour où cette infraction a cessé.

12. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

13. Le GAEC fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la cession de bail faite à son profit par [B] [C], de prononcer la résiliation du bail verbal consenti le 1er avril 1983 par M. [G] à [B] [C] à titre de sanction, d'ordonner son expulsion et de le condamner à payer à Mme [V] une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors « que le preneur à ferme qui adhère à un groupement agricole d'exploitation en commun peut faire exploiter par ce groupement tout ou partie des biens dont il est locataire pour une durée, qui ne peut être supérieure à celle du bail dont il est titulaire, en en avisant alors, par lettre recommandée, le propriétaire ; qu'en toute hypothèse, en retenant l'absence de mise à disposition dès lors que la lecture des statuts du Gaec [Adresse 1] de novembre 2008 ne faisait apparaître aucun bail à ferme mis à disposition du Gaec alors que l'associé, [B] [C], était preneur à ferme depuis avril 1983 et que l'article 12 de ces statuts renvoyait à un document particulier pour lister les biens mis à disposition sans mentionner un bail à ferme mis à disposition, sans également rechercher si le Gaec, qui demandait le simple constat qu'il bénéficiait d'une mise à disposition des parcelles litigieuses, ne mentionnait pas l'ensemble des parcelles exploitées sur ses relevés d'exploitation à la MSA et s'il n'émettait pas des chèques de paiement des fermages, éléments caractéristiques de la mise à disposition, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 323-14 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 323-14, alinéa 1er, L. 411-31, II, 1°, et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime :

14. Selon le premier de ces textes, le preneur à ferme qui adhère à un groupement agricole d'exploitation en commun peut faire exploiter par ce groupement tout ou partie des biens dont il est locataire pour une durée qui ne peut être supérieure à celle du bail dont il est titulaire.

15. Selon le troisième, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur.

16. Selon le deuxième, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie d'une contravention aux dispositions de l'article L. 411-35.

17. Pour écarter l'existence d'une mise à la disposition du GAEC des biens loués par le preneur et retenir l'existence d'une cession illicite du bail, l'arrêt retient que ni ses statuts du 24 novembre 2008 ni leur annexe relative aux apports ne font apparaître un bail à ferme mis à sa disposition, alors que l'associé [B] [C] est preneur à ferme depuis avril 1983, ce dont il se déduit que ce dernier n'a pas mis les parcelles objets du litige à la disposition du GAEC créé avec son fils.

18. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à écarter une mise à disposition des parcelles agricoles, laquelle peut exister indépendamment des stipulations des statuts et de leurs annexes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription, l'arrêt rendu le 27 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne Mme [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [V] et la condamne à payer au groupement agricole d'exploitation en commun [Adresse 1] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 32400686
Date de la décision : 12/12/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

BAIL RURAL

Le point de départ de la prescription de l'action en résiliation du bail rural pour apport du droit au bail à une société sans l'agrément du bailleur, en violation de l'article L. 411-38 du code rural et de la pêche maritime, se situe au jour où cette infraction a cessé


Références :

Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 27 juin 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 déc. 2024, pourvoi n°32400686


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller
Avocat(s) : SCP Caston, SARL Le Prado - Gilbert

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:32400686
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