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11/12/2024 | FRANCE | N°52401268

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 décembre 2024, 52401268


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CZ






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 11 décembre 2024








Cassation partielle




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 1268 F-D


Pourvoi n° Q 23-10.110








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPL

E FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 DÉCEMBRE 2024


Mme [V] [S], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 23-10.110 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2022 par la...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 décembre 2024

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1268 F-D

Pourvoi n° Q 23-10.110

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 DÉCEMBRE 2024

Mme [V] [S], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 23-10.110 contre l'arrêt rendu le 24 novembre 2022 par la cour d'appel d'Orléans (chambre sociale A, section 2), dans le litige l'opposant à la société Idverde, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La société Idverde a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [S], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Idverde, après débats en l'audience publique du 13 novembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, Mme Douxami, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 24 novembre 2022), Mme [S] a été engagée en qualité de comptable le 3 avril 1989 par la société Giraud. Elle occupait en dernier lieu les fonctions de responsable administrative.

2. Le contrat de travail de la salariée a été transféré à la société Idverde (la société) à la suite de la fusion-absorption de la société Giraud, à compter du 1er avril 2018.

3. Après avoir été convoquée par la société Giraud le 13 mars 2018 à un entretien préalable fixé le 21 mars suivant, la salariée a été licenciée par la société Idverde pour motif économique le 5 avril 2018.

4. Elle a saisi la juridiction prud'homale aux fins de contester son licenciement et d'obtenir diverses sommes en conséquence, ainsi que le paiement d'heures supplémentaires, un arriéré de salaire, un rappel de prime de vacances et le paiement de dommages-intérêts en raison d'une modification illicite de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

5. La salariée fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécie au niveau de l'entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude ; qu'il incombe à l'employeur de caractériser l'existence d'une menace sur sa compétitivité et que la réorganisation envisagée est nécessaire à cette sauvegarde ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que s'agissant de la situation financière de la société Idverde ou du groupe Idverde, l'employeur invoquait la nécessité de sauvegarder la compétitivité après l'achat de la société Giraud, déficitaire par le groupe en juin 2017 et l'absorption par la société Idverde en avril 2018 ; que les lourdes pertes de la société Giraud créaient un risque pour la société Idverde, que des mesures de redressement s'imposaient, dont la suppression du poste de cadre administratif de Mme [S] au sein de la société Giraud, rendu inutile après la fusion-absorption en avril 2018, compte tenu de l'existence de services centralisés en région parisienne, seul le maintien de postes d'assistantes sur l'agence de [Localité 3] demeurant nécessaire ; qu'en statuant ainsi sans avoir caractérisé en quoi la compétitivité de la société Idverde était atteinte, ni en quoi le licenciement de Mme [S] était indispensable pour sauvegarder la compétitivité de la société Idverde, ce qui ne résultait pas de la seule circonstance à la supposer établie que son poste n'aurait plus été nécessaire ou même utile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 :

6. Selon ce texte, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité. Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national.

7. Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt relève, s'agissant de la situation financière de la société Idverde ou du groupe Idverde, que ce ne sont pas leurs difficultés économiques contemporaines au licenciement qui sont invoquées par l'employeur, mais uniquement la nécessité de sauvegarder la compétitivité après que la société Giraud, en situation déficitaire, a été achetée par le groupe en juin 2017 puis absorbée par la société Idverde en avril 2018.

8. Il retient ensuite que les lourdes pertes de la société Giraud créaient de facto un risque pour la société Idverde et que des mesures de redressement s'imposaient, parmi lesquelles la suppression du poste de cadre administratif que la salariée occupait au sein de la société Giraud, toujours autonome depuis son rachat en juin 2017, mais rendu inutile après la fusion-absorption en avril 2018, compte tenu de l'existence de services centralisés en région parisienne, seul le maintien de postes d'assistantes sur l'agence de [Localité 3] demeurant nécessaire, de sorte qu'il est démontré que cette suppression de poste était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise.

9. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une menace pesant sur la compétitivité de la société ou du secteur d'activité du groupe dont elle relève et la nécessité de prévenir des difficultés économiques à venir et leurs conséquences sur l'emploi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le second moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

10. La société fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il la condamne à payer à la salariée une somme pour modification unilatérale du contrat de travail, alors « que le juge ne peut dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, pour retenir que Mme [S] avait subi un préjudice justifiant l'octroi de 2 000 euros de dommages-intérêts du fait d'une modification unilatérale de son contrat de travail, la cour d'appel a affirmé que l'employeur aurait appliqué unilatéralement un forfait en jours comme le précisent les bulletins de salaire, dès le mois de janvier 2018 alors que Mme [S] a fait l'objet d'un licenciement le 5 avril 2018" ; que cependant, les bulletins de salaire de 2018 mentionnaient horaire hebdo : 35,00", ce qui contredisait une application d'un forfait en jours ; qu'il en résulte que la cour d'appel a dénaturé les bulletins de 2018, et violé le principe susvisé. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

11. Pour allouer à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice du fait de la modification illicite du contrat de travail, l'arrêt retient que les nouvelles modalités ont été appliquées, comme le précisent les bulletins de salaire, dès le mois de janvier 2018, alors que la salariée a fait l'objet d'un licenciement le 5 avril 2018 et que, sur une période aussi courte, le préjudice qu'elle en aura ressenti n'aura été que limité, en sorte que le conseil de prud'hommes apparaît avoir fait une correcte appréciation du préjudice subi par la salariée.

12. En statuant ainsi, alors que les bulletins de salaire des mois de janvier à avril 2018, qui mentionnaient un horaire hebdomadaire de 35 heures, ne permettent pas d'établir que les nouvelles modalités ont été appliquées dès le mois de janvier 2018, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation du chef de dispositif condamnant la société Idverde à payer à la salariée une somme pour modification unilatérale du contrat de travail n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt la condamnant aux dépens, justifié par d'autres condamnations prononcées à son encontre.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que le licenciement de Mme [S] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, déboute Mme [S] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamne la société Idverde à payer à Mme [S] la somme de 2 000 euros pour modification unilatérale du contrat de travail, l'arrêt rendu le 24 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52401268
Date de la décision : 11/12/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 24 novembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 déc. 2024, pourvoi n°52401268


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Rousseau et Tapie, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 31/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52401268
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