LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 décembre 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 658 F-D
Pourvoi n° J 23-15.487
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 DÉCEMBRE 2024
M. [R] [S], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 23-15.487 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2023 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société [Adresse 2], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à Mme [O] [Z], domiciliée [Adresse 3],
3°/ à la société ARVA, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], prise en la personne de Mme [U] [V] en sa qualité d'administrateur provisoire de la société civile immobilière [Adresse 2],
4°/ à la société AJRS, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], prise en la personne de Mme [T] [P] en sa qualité de mandataire ad hoc,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. [S], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [Z], après débats en l'audience publique du 5 novembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Déchéance partielle du pourvoi examinée d'office
1. Après avis donné aux parties conformément à l'article 16 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 978 du même code.
2. Il résulte de ce texte qu'à peine de déchéance, le mémoire en demande doit être signifié au défendeur n'ayant pas constitué avocat au plus tard dans le mois suivant l'expiration du délai de quatre mois à compter du pourvoi.
3. M. [S] ne justifie pas avoir signifié le mémoire ampliatif à la société AJRS, prise en sa qualité de mandataire ad hoc de la société civile immobilière [Adresse 2].
4. Il s'ensuit que la déchéance du pourvoi doit être constatée à l'égard de cette dernière.
Faits et procédure
5. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 mars 2023), rendu en référé, pendant leur mariage, M. [S] et Mme [Z] ont constitué, le 1er mars 1993, la société civile immobilière [Adresse 2] (la SCI), dont M. [S] est le gérant, les statuts précisant que Mme [Z] était titulaire des parts sociales numéros 1 à 80 et M. [S] des parts numéros 81 à 100. Le même jour, M. [S] et Mme [Z] ont conclu une convention aux termes de laquelle Mme [Z] reconnaissait qu'elle portait les parts sociales pour le compte de M. [S], celui-ci en étant le propriétaire.
6. Par ordonnance du 10 juin 2021, le président du tribunal judiciaire de Paris, saisi par Mme [Z], a désigné un mandataire ad hoc, avec mission de convoquer une assemblée générale ayant pour ordre du jour l'approbation des comptes de l'exercice 2020.
7. Par ordonnance du 22 décembre 2021, le président du tribunal judiciaire de Nanterre, saisi par Mme [Z], a désigné la société AJRS en qualité de mandataire ad hoc chargé de se constituer séquestre des quatre-vingt parts de la SCI appartenant à Mme [Z], dans l'attente d'une décision définitive tranchant les contestations relatives à la propriété de ces parts sociales.
8. Par acte du 21 janvier 2022, Mme [Z] a assigné en référé la SCI, la société AJRS, prise en sa qualité de mandataire ad hoc, et M. [S], aux fins de désignation d'un administrateur provisoire.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
10. M. [S] fait grief à l'arrêt de désigner un administrateur provisoire de la SCI, alors « que la désignation judiciaire d'un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle, d'une particulière gravité, qui ne peut être prononcée qu'à condition d'établir cumulativement l'existence de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menace d'un péril imminent ; que, pour caractériser l'existence d'un péril imminent, la cour d'appel a retenu que M. [S] faisait obstacle aux démarches de Mme [Z] en vue d'obtenir les renseignements sur la SCI du [Adresse 2] et que des irrégularités ont été constatées dans le cadre de la procédure de divorce dans les comptes de la SNC Sharel dont les époux [S] sont également associés pour moitié, société non-concernée par le litige ; qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne sont pas de nature à caractériser une quelconque urgence, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si les circonstances faisaient courir à la société un péril imminent, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1846 du code civil. »
Réponse de la Cour
11. La cour d'appel a relevé que M. [S] n'avait jamais fourni à Mme [Z] les éléments comptables et financiers de la société, malgré ses réclamations, ni convoqué aucune assemblée générale, y compris lorsque les relations entre les deux associés s'étaient dégradées, qu'il faisait obstacle à toutes démarches en vue d'obtenir des renseignements sur la société, de sorte que le mandataire ad hoc désigné aux fins de convoquer une assemblée générale en vue d'approuver les comptes 2020 n'avait pu obtenir de sa part les éléments permettant cette convocation, que, selon le professionnel désigné en application de l'article 255-9° du code civil à l'occasion de la procédure de divorce, des irrégularités avaient été commises par M. [S] dans la gestion d'une autre société dont il était associé à parts égales avec Mme [Z], de nature à étayer les allégations d'irrégularités de l'intimée, et que ce même professionnel avait relevé, s'agissant de la SCI, que l'absence d'établissement des comptes annuels ne permettait pas d'en apprécier la structure financière ni les composantes du compte de résultat.
12. Elle a pu en déduire, procédant à la recherche prétendument omise, que cette obstruction systématique de M. [S], qui empêchait Mme [Z] d'accéder à toute information relative à la société et alimentait ses soupçons sur l'existence d'éventuels détournements de biens sociaux, caractérisait un péril imminent justifiant la désignation d'un administrateur provisoire.
13. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société AJRS, prise en sa qualité de mandataire ad hoc de la société civile immobilière [Adresse 2] ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [S] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [S] et le condamne à payer à Mme [Z] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille vingt-quatre.