LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 décembre 2024
Cassation partielle
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 1152 F-D
Pourvoi n° A 22-22.490
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 DÉCEMBRE 2024
1°/ la société [3], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], agissant en la personne de M. [G] [T], en qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société [6],
2°/ la société [4], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], agissant en la personne de M. [X] [N], en qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la société [6],
ont formé le pourvoi n° A 22-22.490 contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2022 par la cour d'appel de Bastia (chambre sociale), dans le litige les opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de la Corse, dont le siège est contentieux, [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], agissant en la personne de M. [G] [T], et de la société [4], agissant en la personne de M. [X] [N], en qualité de mandataires liquidateurs judiciaires de la société [6], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de la Corse, et l'avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 23 octobre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Le Fischer, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 7 septembre 2022), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2012 à 2014 ayant donné lieu à une lettre d'observations, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de la Corse (l'URSSAF) a notifié, le 7 octobre 2015, à la société [6] (la société), une mise en demeure suivie, le 19 janvier 2016, d'une contrainte.
2. La société a, le 1er février 2016, formé opposition à la contrainte devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
3. La société a été mise en liquidation judiciaire le 5 septembre 2017. M. [T] et M. [N] (les mandataires liquidateurs), exerçant respectivement au sein des sociétés [3] et [4], ont été désignés en qualité de mandataires liquidateurs.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Les mandataires liquidateurs de la société font grief à l'arrêt de déclarer celle-ci irrecevable en sa contestation, de valider la contrainte et de fixer la créance de l'URSSAF à une certaine somme, alors « que selon l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale, si la mise en demeure reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, le directeur de l'organisme créancier peut décerner une contrainte à laquelle le débiteur peut former opposition auprès du tribunal compétent dans les quinze jours de sa signification ; qu'il résulte des articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale que la contestation formée à l'encontre de la mise en demeure doit être présentée, préalablement à la saisine de la juridiction de sécurité sociale, à la commission de recours amiable de l'organisme créancier dans un délai d'un mois à compter de sa notification ; que contrairement au cotisant qui a saisi la commission de recours amiable d'une contestation de la mise en demeure et qui, dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions chargées du contentieux de la sécurité sociale, n'a pas contesté en temps utile la décision de cette commission, le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant celle-ci, ne dispose d'un recours effectif devant une juridiction, pour contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des sommes qui font l'objet de la contrainte, que par la seule voie de l'opposition à contrainte ; que dès lors, le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable peut, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des causes de la contrainte (2e Civ., 22 septembre 2022, pourvoi n° 21-10.105) ; qu'en l'espèce en déclarant, sur le fondement d'une jurisprudence révolue, que la société était irrecevable à contester au stade judiciaire, par le biais de l'opposition à contrainte, les chefs de redressement qui lui avaient été préalablement notifiés, et les montants figurant à la mise en demeure qui lui a été délivrée, et en retenant que c'est à bon droit que l'URSSAF a opposé une fin de non-recevoir à l'opposition à contrainte dès lors que la société n'avait pas saisi préalablement la commission de recours amiable aux fins de contestation de la mise en demeure du 7 octobre 2015, cependant que dès lors que la société cotisante n'avait pas contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable elle pouvait, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des causes de la contrainte devant le tribunal des affaires de sécurité sociale sans se voir opposer une fin de non-recevoir, la cour d'appel a violé les articles R. 133-3, R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 133-3, R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :
5. Selon le premier de ces textes, si la mise en demeure reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, le directeur de l'organisme créancier peut décerner une contrainte à laquelle le débiteur peut former opposition auprès du tribunal compétent dans les quinze jours de sa signification.
6. Il résulte des deux derniers que la contestation formée à l'encontre de la mise en demeure doit être présentée, préalablement à la saisine de la juridiction de sécurité sociale, à la commission de recours amiable de l'organisme créancier dans un délai d'un mois à compter de sa notification.
7. Contrairement au cotisant qui a saisi la commission de recours amiable d'une contestation de la mise en demeure et qui, dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions chargées du contentieux de la sécurité sociale, n'a pas contesté en temps utile la décision de cette commission, le cotisant, qui n'a pas contesté la mise en demeure devant celle-ci, ne dispose d'un recours effectif devant une juridiction, pour contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des sommes qui font l'objet de la contrainte, que par la seule voie de l'opposition à contrainte.
8. Dès lors, le cotisant qui n'a pas contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable peut, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de cette mise en demeure, contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des causes de la contrainte.
9. Pour déclarer la société irrecevable à contester la régularité et le bien-fondé des chefs de redressement litigieux, l'arrêt relève que la société a été informée, par la mise en demeure qui lui a été régulièrement notifiée, des voies et délais de recours qui lui étaient ouverts pour contester la régularité de la procédure ou le bien-fondé du recouvrement des cotisations réclamées devant la commission de recours amiable. Il ajoute que c'est à bon droit que l'URSSAF lui oppose une fin de non-recevoir à l'opposition à la contrainte qu'elle a formée, dès lors qu'elle n'a pas saisi préalablement la commission de recours amiable aux fins de contestation de la mise en demeure.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquence de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt ayant déclaré la société irrecevable en ses contestations de la régularité et du bien-fondé des chefs de redressement critiqués entraîne la cassation des autres dispositions de l'arrêt qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'appel formé par l'URSSAF de la Corse et en ce qu'il confirme le jugement en tant qu'il a retenu la validité de l'opposition à contrainte, l'arrêt rendu le 7 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bastia autrement composée ;
Condamne l'URSSAF de la Corse aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de la Corse et la condamne à payer à la société [3], agissant en la personne de M. [T], et à la société [4], agissant en la personne de M. [N], en qualité de mandataires liquidateurs judiciaires de la société [6], la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille vingt-quatre.