LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° J 23-84.441 F-D
N° 01478
RB5
4 DÉCEMBRE 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 4 DÉCEMBRE 2024
M. [F] [T] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, en date du 29 juin 2023, qui, pour abus de biens sociaux et abus de confiance, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, cinq ans d'interdiction de gérer, cinq ans d'inéligibilité et une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Clément, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, avocat de M. [F] [T], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Clément, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le tribunal correctionnel a déclaré coupable M. [F] [T], en sa qualité de gérant de fait de la société [1], d'abus de biens sociaux et de banqueroute pour comptabilité incomplète ou irrégulière et détournement de tout ou partie de l'actif et, en sa qualité de président de l'Association de la jeunesse libyenne, d'abus de confiance, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, cinq ans d'interdiction de gérer, cinq ans d'inéligibilité, une confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils.
3. M. [T] a relevé appel de ce jugement ainsi que le procureur de la République à titre incident.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur les deuxième et troisième moyens
Enoncé des moyens
5. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [T] à un emprisonnement délictuel de six mois entièrement assorti du sursis simple, alors « que toute peine prononcée doit être individualisée, nécessaire et proportionnée ; que la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l'article 130-1 du code de procédure pénale ; qu'en prononçant une peine de six mois d'emprisonnement entièrement assorti du sursis simple à l'encontre de M. [F] [T] sans mieux s'expliquer sur les circonstances de l'infraction et sur la personnalité de son auteur ainsi que sur sa situation matérielle, familiale et sociale, la cour d'appel a méconnu les 130-1 et 132-1 du code pénal, 485-1 du code de procédure pénale, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »
6. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [T] à la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale prononcée pour une durée de cinq ans, alors « que toute peine prononcée doit être individualisée, nécessaire et proportionnée ; que la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l'article 130-1 du code de procédure pénale ; que ces principes s'appliquent autant aux peines principales qu'aux peines complémentaires ; que la cour d'appel de Besançon a prononcé une peine complémentaire d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle pour une durée de cinq ans sans prendre le soin de la motiver, peine qui n'était de surcroît ni nécessaire ni proportionnée par rapport au déroulement des faits, à la personnalité de M. [F] [T] ainsi qu'à sa situation personnelle ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 7, 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, 130-1 et 132-1 du code pénal, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
7. Les moyens sont réunis.
Vu l'article 485-1 du code de procédure pénale :
8. Selon ce texte, en matière correctionnelle, le choix de la peine doit être motivé au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction. Il en résulte qu'à l'exception de ces cas, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation matérielle, familiale et sociale.
9. Pour condamner M. [T] à six mois d'emprisonnement avec sursis et cinq ans d'interdiction de gérer, l'arrêt attaqué énonce qu'au regard de la nature et de l'étendue des infractions pour lesquelles sa culpabilité est établie, il y a lieu de confirmer la peine prononcée en première instance, soit une peine d'emprisonnement de six mois entièrement assortie du sursis, outre les peines complémentaires d'interdiction de gérer et de privation des droits d'éligibilité, chacune pour une durée de cinq ans.
10. En se déterminant ainsi, sans mieux s'expliquer sur la gravité des faits, la personnalité du prévenu et sa situation matérielle, familiale et sociale qu'elle devait prendre en considération pour prononcer les peines, la cour d'appel a violé le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
11. La cassation est dès lors encourue.
Portée et conséquences de la cassation
12. La cassation sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Besançon, en date du 23 juin 2023, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Dijon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Besançon, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille vingt-quatre.