LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 novembre 2024
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 648 F-D
Pourvoi n° S 23-15.287
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 NOVEMBRE 2024
1°/ M. [L] [A],
2°/ Mme [E] [X], épouse [A],
tous deux domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° S 23-15.287 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2023 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 4), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [J] [K],
2°/ à Mme [O] [I], épouse [K],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de Me Ridoux, avocat de M. et Mme [A], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. et Mme [K], après débats en l'audience publique du 22 octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 19 janvier 2023), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 28 mai 2020, pourvoi n° 18-26.041), [B] [C], aux droits de laquelle sont venus M. et Mme [K] (les bailleurs), a donné à bail des parcelles à la société civile d'exploitation agricole Domaine agricole, aux droits de laquelle sont venus M. et Mme [A] (les preneurs).
2. Plusieurs procédures ont opposé bailleurs et preneurs, et une mesure d'expertise a été confiée à M. [F] par jugement du 14 mars 2013.
3. Après dépôt du rapport d'expertise, les preneurs ont sollicité la condamnation des bailleurs à leur payer diverses sommes au titre de fermages et taxes indus et à titre de dommages-intérêts.
4. Les bailleurs ont demandé la condamnation des preneurs au paiement d'un arriéré de fermages.
Examen des moyens
Sur les premier et quatrième moyens
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
6. Les preneurs font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en remboursement d'une certaine somme versée en avril 2019, alors :
« 1°/ que le juge est tenu d'analyser les éléments de preuve qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel, les époux [A] faisaient valoir que le chèque d'un montant de 7 083,08 euros, joint à leur lettre recommandée en date du 28 décembre 2017 adressée à Me [S], conseil des époux [K], avait effectivement été reçu par Me [S], comme l'établissaient la copie de la lettre visant ce chèque, la copie du chèque, et la copie de l'avis de réception, produits aux débats ; que dès lors, en affirmant que les époux [A] « ne justifient pas de ce que les époux [K] auraient effectivement reçu ce chèque », sans analyser, ne serait-ce que sommairement, la copie de la lettre, du chèque et de l'avis de réception susvisés, de nature à prouver cette réception du chèque, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que les présomptions qui ne sont pas établies par la loi, sont laissées à l'appréciation du juge, qui ne doit les admettre que si elles sont graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet la preuve par tout moyen ; qu'en l'espèce, en jugeant que les époux [A] « ne justifient pas davantage de l'encaissement de ce prétendu chèque par les époux [K] », sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'attitude des époux [K], qui révélait leur mauvaise foi en ce qu'ils niaient avoir réceptionné ce chèque pour continuer à réclamer un paiement en réalité déjà reçu, ne suffisait pas, sur le fondement des présomptions du fait de l'homme, à établir qu'ils avaient en outre encaissé le chèque litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil. »
Réponse de la Cour
7. La cour d'appel a, d'abord, constaté que, par lettres des 2 et 25 janvier 2019, les bailleurs avaient réclamé aux preneurs diverses sommes, leur avaient précisé n'avoir jamais reçu le chèque d'un montant de 7 083,08 euros, qu'ils soutenaient leur avoir envoyé, et leur avaient conseillé de faire opposition.
8. Elle a, ensuite, retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve fournis et sans être tenue de s'expliquer sur ceux qu'elle décidait d'écarter, que les preneurs ne justifiaient ni de la réception effective de ce chèque par les bailleurs ni de son encaissement.
9. Elle a ainsi légalement justifié sa décision de rejeter, après compensation entre les créances réciproques qu'elle avait déterminées, la demande en remboursement des preneurs.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
10. Les preneurs font grief à l'arrêt de les condamner à payer aux bailleurs une certaine somme au titre des arriérés de fermage, alors « que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; que réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; qu'en l'espèce, les époux [K] réclamaient la somme de 603,26 euros au titre d'un arriéré de fermage ; qu'il leur incombait de prouver l'existence de cette créance ; que dès lors, en se fondant sur la somme de 603,26 euros réclamée par les époux [K], dont elle a simplement retranché différentes sommes pour parvenir à un solde de 226,21 euros soit-disant dû par les époux [A], sans rechercher si les époux [K] établissaient la preuve de la créance d'origine de 603,26 euros qu'ils revendiquaient, la cour d'appel a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
11. La cour d'appel a, d'abord, relevé que la somme de 603,26 euros sollicitée par les bailleurs correspondait à un solde locatif débiteur figurant sur un tableau reprenant l'ensemble des sommes appelées au titre des fermages et taxes des années 2002 à 2010 et les règlements opérés par les locataires.
12. Après avoir, ensuite, statué sur chacune des contestations élevées par les preneurs, auxquelles elle a fait partiellement droit, elle a, sans inverser la charge de la preuve, réduit le montant de la dette locative, au paiement duquel elle les a condamnés, à la somme de 226,21 euros.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme [A] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [A] et les condamne à payer à M. et Mme [K] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille vingt-quatre.