LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 novembre 2024
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1230 F-D
Pourvoi n° A 23-19.481
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 NOVEMBRE 2024
Mme [M] [X], épouse [E], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 23-19.481 contre l'arrêt rendu le 17 mai 2023 par la cour d'appel de Versailles (17e chambre), dans le litige l'opposant à la société Modulfroid service, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Arsac, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de Mme [X], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Modulfroid service, après débats en l'audience publique du 23 octobre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Arsac conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 mai 2023), Mme [X] a été engagée en qualité de téléprospectrice par la société Modulfroid service (la société) à compter du 13 octobre 2006 selon contrat de travail à durée indéterminée.
2. Par lettre du 5 avril 2017, elle a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 21 avril 2017, et mise à pied à titre conservatoire.
3. Elle a été licenciée pour faute grave par lettre du 25 avril suivant.
4. Le 5 juin 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement abusif ou sans cause réelle et sérieuse et de condamnation de l'employeur au paiement de dommages-intérêts au titre d'un harcèlement moral.
Examen des moyens
Sur le second moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes indemnitaires au titre du harcèlement moral, alors :
« 1°/ que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, les juges du fond doivent examiner chacun des faits invoqués par le salarié sans en négliger aucun pour apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en s'abstenant d'examiner si le fait que l'employeur, suite à son refus opposé à la demande de congé individuel de formation de Mme [X], n'avait pas proposé de nouvelle date pour la réalisation de cette formation, comme il lui incombait pourtant de le faire, pouvait laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, fait invoqué par la salariée au titre des éléments laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
2°/ que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que Mme [X] invoquait notamment, dans ses conclusions d'appel, au titre des tâches qu'elle effectuait auparavant et qui lui avaient été retirées au profit d'une autre salariée, Mme [K], la préparation des offres pour les commerciaux, tâche qui incombait aux termes même de son contrat de travail à Mme [X] et qui, ainsi que l'indiquait l'employeur lui-même dans un courriel, avait été confiée à Mme [K] ; que la cour d'appel, après avoir constaté que la réduction des tâches de Mme [X] était établie, a énoncé, pour considérer que ces éléments suffisaient à établir que la décision de l'employeur s'expliquait par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, que le fait, pour l'employeur d'avoir confié à d'autres l'exécution de tâches marginales anciennement confiées à la salariée - la réalisation de devis pour M. [U] et la communication média et hors média - s'expliquait par deux faits, soit, s'agissant de la communication, par le fait que Mme [K] avait spécialement été engagée pour traiter ce domaine de compétence et, s'agissant des devis, pour M. [U] ¿ dont il convient de relever qu'il s'agissait d'une tâche marginale ¿ par le fait qu'il n'entrait pas dans ses missions de la réaliser ; qu'en statuant ainsi par des motifs qui ne permettent pas d'établir que le retrait de la préparation des offres pour les commerciaux était justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;
3°/ qu'en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en retenant, pour débouter Mme [X] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, que Mme [M] [E] ne rapportant pas la preuve du harcèlement dont elle fait état, sera déboutée de sa demande au présent chef", la cour d'appel, qui a fait peser exclusivement la charge de la preuve du harcèlement moral sur la salariée, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
7. Le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de preuve et de faits dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit que, si la salariée établissait des faits qui permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement, l'employeur démontrait que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
8. Le moyen n'est, dès lors, par fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [X] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille vingt-quatre.