LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 novembre 2024
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 1214 FS-B
Pourvoi n° N 23-19.193
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 27 NOVEMBRE 2024
La société Elres, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 6], a formé le pourvoi n° N 23-19.193 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2023 par la cour d'appel d'Amiens (5e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Api restauration, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3],
2°/ à Mme [H] [B], domiciliée [Adresse 1], [Localité 4],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Maitral, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de la société Elres, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Api restauration, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 22 octobre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Maitral, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Barincou, Seguy, Mmes Douxami, Panetta, Brinet, conseillers, Mme Prieur, MM. Carillon, Redon, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 23 mai 2023), Mme [B], engagée en qualité d'employée polycompétente de restauration par la société Elres le 22 novembre 2004, a été affectée à l'EHPAD [7] avant d'être placée en arrêt de travail pour maladie professionnelle à compter du 19 avril 2019.
2. Le 7 avril 2022, le marché a été repris par la société Api restauration.
3. Par lettre du 11 avril 2022, la société entrante a informé la société sortante et la salariée qu'elle ne reprenait pas le contrat de travail de cette dernière.
4. La société sortante a remis à la salariée les documents de fin de contrat.
5. Contestant notamment, à titre principal, la rupture de son contrat de travail par la société sortante et, à titre subsidiaire, l'absence de transfert de son contrat de travail à la société entrante, la salariée a saisi la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en ses première, quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
7. La société sortante fait grief à l'arrêt de dire que le contrat de travail de la salariée n'a pas été transféré à la société entrante, de constater la nullité du licenciement, de la condamner à payer à la salariée les sommes de 1 393,80 euros au titre de la retenue sur le bulletin de paie d'avril 2022, de 1 650,18 euros au titre de la retenue sur le bulletin de paie de décembre 2021, de 9,03 euros au titre de la retenue sur le bulletin de paie de décembre 2020, de 17 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul, de lui ordonner de rembourser à Pôle emploi les indemnités versées dans la limite de six mois et de la condamner à payer à la société entrante et à la salariée 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors :
« 1°/ que selon l'article 3 a) de l'avenant n° 3 du 26 février 1986 relatif au changement de prestataires de services de la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités du 20 juin 1983, une entreprise entrant dans le champ d'application du présent avenant qui se voit attribuer un marché précédemment confié à une autre entreprise entrant également dans le champ d'application du présent avenant est tenue de poursuivre les contrats de travail des salariés de niveau I, II, III, IV et V, employés par son prédécesseur pour l'exécution exclusive du marché concerné, dans les mêmes conditions fondamentales d'exploitation ; que le contrat de travail du salarié affecté sur le site transféré, même suspendu pour cause de maladie, doit être repris par l'entreprise entrante ; qu'en l'espèce, l'arrêt constate que la société Elres a perdu le marché de l'EHPAD [7] au profit de la société Api restauration, "qu'au jour du transfert, Mme [B] était en arrêt de travail depuis le 19 avril 2019, son remplacement ayant été opéré temporairement jusqu'au 16 mai 2020 par le contrat à durée déterminée de Mme [J], elle-même en arrêt de travail à compter de cette date" et que les avenants au contrat de travail de Mme [B] des 1er janvier 2015 et 1er février 2018 stipulent un travail sur le site concerné ; qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses constatations selon lesquelles le contrat de travail de Mme [B], affectée sur le site, était seulement suspendu, ce dont il résultait qu'il devait être repris par la société Api restauration, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 3 a) de l'avenant n° 3 du 26 février 1986 ;
4°/ que la stipulation d'une clause de mobilité, dans le contrat de travail d'un salarié affecté sur le site repris, permettant de le faire travailler en dehors du site, ne s'oppose pas à la reprise, sur le fondement de l'article 3 a) de l'avenant n° 3 du 26 février 1986 relatif au changement de prestataires de services de la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités du 20 juin 1983, du contrat de travail par l'entreprise entrante, dès lors qu'au moment de la reprise du site, le salarié y travaillait ; qu'en se fondant sur la circonstance que si les avenants au contrat de travail de Mme [B] du 1er janvier 2015 et du 1er février 2018 stipulent un lieu de travail sur le site concerné, ils "prévoient expressément que le lieu initial d'affectation ne constitue pas un élément substantiel du contrat de travail, l'employeur se réservant le droit de muter la salariée dans les différents établissements de la société sur la zone géographique du département d'embauche et des départements limitrophes", inopérante pour en déduire que "Mme [B] n'était pas exclusivement affectée au site dont la société Elres a perdu le marché", dès lors qu'il n'était pas constaté que l'employeur aurait effectivement muté la salariée sur un autre site que celui sur lequel elle était contractuellement affectée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 a) de l'avenant n° 3 du 26 février 1986 ;
5°/ que selon l'article 3 a) de l'avenant n° 3 du 26 février 1986 relatif au changement de prestataires de services de la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités du 20 juin 1983, une entreprise entrant dans le champ d'application du présent avenant qui se voit attribuer un marché précédemment confié à une autre entreprise entrant également dans le champ d'application du présent avenant est tenue de poursuivre les contrats de travail des salariés de niveau I, II, III, IV et V, employés par le prédécesseur pour l'exécution exclusive du marché concerné, dans les mêmes conditions fondamentales d'exploitation ; qu'en retenant qu' "à la date du transfert, trois employés en contrat à durée indéterminée étaient affectés sur ce site, sans qu'il soit démontré que l'activité justifiait un effectif de quatre employés", ce qui était inopérant pour en déduire que les conditions de transfert du contrat de travail de Mme [B] prévues par la convention collective n'étaient pas remplies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 a) de l'avenant n° 3 du 26 février 1986. »
Réponse de la Cour
8. Aux termes de l'article 3 a) de l'avenant n° 3 du 26 février 1986 relatif au changement de prestataires de services de la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités du 20 juin 1983, une entreprise entrant dans le champ d'application du présent avenant, qui se voit attribuer un marché précédemment confié à une autre entreprise entrant également dans le champ d'application du présent avenant, est tenue de poursuivre les contrats de travail des salariés de niveau I, II, III, IV et V, employés par le prédécesseur pour l'exécution exclusive du marché concerné, dans les mêmes conditions fondamentales d'exploitation.
9. La cour d'appel a, d'abord, constaté qu'au jour du transfert, la salariée était en arrêt de travail, depuis le 19 avril 2019, son remplacement ayant été opéré temporairement jusqu'au 16 mai 2020 par le contrat à durée déterminée de Mme [J], elle-même en arrêt de travail à compter de cette date, sans qu'aucun élément soit fourni par les parties sur la suite de ce contrat.
10. Elle a, ensuite, relevé que par courriel du 5 mai 2022, la directrice de l'EHPAD [7] depuis décembre 2016, précisait que la société sortante avait toujours fonctionné avec quatre salariés sur le site, de sorte que le contrat de l'agent de maîtrise présent sur le site étant hors transfert, seuls trois salariés de la catégorie « employé » y étaient affectés.
11. Elle a enfin énoncé, d'une part, que si Mme [E] témoignait avoir été embauchée en janvier 2020, elle faisait état d'un contrat à durée déterminée, pour remplacer Mme [I], qui ne s'est poursuivi en contrat à durée indéterminée qu'à compter de septembre 2020, son bulletin de paie de janvier 2022 reprenant la même classification d'emploi que celle apparaissant sur les bulletins de paie de la salariée, d'autre part, que les avenants au contrat de travail de cette dernière, des 1er janvier 2015 et 1er février 2018, stipulaient que le lieu initial d'affectation ne constituait pas un élément substantiel du contrat de travail, l'employeur se réservant le droit de muter la salariée dans les différents établissements de la société sur la zone géographique du département d'embauche et des départements limitrophes.
12. De ces constatations et énonciations, dont il résultait que la salariée en arrêt de travail pour maladie professionnelle depuis le 19 avril 2019, avait été définitivement remplacée par une autre salariée en contrat à durée indéterminée, à compter du mois de septembre 2020, et qu'à la date du transfert, trois employés en contrat à durée indéterminée étaient affectés sur ce site, sans qu'il fût démontré que l'activité justifiait un effectif de quatre employés, la cour d'appel a exactement déduit que la salariée n'était pas employée pour l'exécution exclusive du marché concerné au moment de sa reprise par l'entreprise entrante.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Elres aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Elres et la condamne à payer à la société Api restauration la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille vingt-quatre.