LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 novembre 2024
Cassation partielle sans renvoi
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 722 F-B
Pourvoi n° N 23-18.572
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 NOVEMBRE 2024
1°/ M. [O] [P], domicilié [Adresse 5], [Localité 2],
2°/ M. [I] [V], domicilié [Adresse 4], [Localité 1],
ont formé le pourvoi n° N 23-18.572 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-1), dans le litige les opposant au responsable du pôle de recouvrement spécialisé des Alpes-Maritimes, comptable public, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 1], agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes et du directeur général des finances publiques, défendeur à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de MM. [P] et [V], de la SCP Foussard et Froger, avocat du responsable du pôle de recouvrement spécialisé des Alpes-Maritimes, comptable public, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes et du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 8 octobre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 mai 2023), la société Ceram Denture Process, dont MM. [P] et [V] étaient les dirigeants, a été mise en liquidation judiciaire le 26 septembre 2017. La procédure a été clôturée pour insuffisance d'actif le 21 août 2019.
2. Les 19 et 20 octobre 2020, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé des Alpes-Maritimes (le comptable public) a assigné MM. [P] et [V], sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, afin qu'ils soient déclarés solidairement responsables, avec la société Ceram Denture Process, de la dette fiscale de cette dernière.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa septième branche
Enoncé du moyen
4. MM. [P] et [V] font grief à l'arrêt de les condamner à payer au comptable public la somme de 379 318 euros, dont 365 168 euros en droits et 18 150 euros en pénalités, outre intérêts de retard, due par la société Ceram Denture Process, alors « que l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, d'application stricte, ne vise que les impositions et les pénalités dues par la société ; qu'en les condamnant néanmoins à payer, non seulement les droits et pénalités dus par la société, mais également des intérêts de retard, la cour d'appel a violé le texte précité. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 267 du livre des procédures fiscales :
5. Il résulte de ce texte que le dirigeant, qui ne peut être déclaré solidairement responsable que du paiement de la somme correspondant aux impositions et pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ne peut se voir condamner au paiement des intérêts au taux légal portant sur cette somme.
6. L'arrêt condamne MM. [P] et [V] à payer au comptable public la somme due par la société Ceram Denture Process en droits et pénalités, outre intérêts de retard.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
8. Tel que suggéré par le comptable public, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
10. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la demande du comptable public au titre des intérêts de retard et de déclarer MM. [P] et [V] solidairement responsables du paiement de la somme de 379 318 euros, dont 365 168 euros en droits et 18 150 euros en pénalités, due par la société Ceram Denture Process.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne MM. [P] et [V] à payer au comptable du pôle de recouvrement spécialisé des Alpes-Maritimes la somme de 379 318 euros, dont 365 168 euros en droits et 18 150 euros en pénalités, outre intérêts de retard, due par la société Ceram Denture Process, l'arrêt rendu le 16 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande du comptable du pôle de recouvrement spécialisé des Alpes-Maritimes au titre des intérêts de retard ;
Déclare MM. [P] et [V] solidairement responsables du paiement de la somme de 379 318 euros, dont 365 168 euros en droits et 18 150 euros en pénalités, due par la société Ceram Denture Process ;
Condamne le responsable du pôle de recouvrement spécialisé des Alpes-Maritimes, comptable public, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes et du directeur général des finances publiques, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne le responsable du pôle de recouvrement spécialisé des Alpes-Maritimes, comptable public, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques des Alpes-Maritimes et du directeur général des finances publiques, à payer à MM. [P] et [V] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille vingt-quatre.