LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 novembre 2024
Cassation partielle sans renvoi
M. SOMMER, président
Arrêt n° 1248 FS-B
Pourvoi n° T 23-10.550
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 20 NOVEMBRE 2024
La Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés-sécurité sociale, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 23-10.550 contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [S] [E], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Quellec, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés-sécurité sociale, de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel , avocat de M. [E], et l'avis de M. Halem, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 6 novembre 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Le Quellec, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller doyen, Mme Cavrois, M. Flores, Mme Deltort, conseillers, Mmes Thomas-Davost, Laplume, Rodrigues, Segond, conseillers référendaires, M. Halem, avocat général référendaire, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 septembre 2022), M. [E] a été engagé en qualité d'employé, à compter du 1er août 1982, par la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés-sécurité sociale, la relation de travail étant soumise à la convention collective nationale de travail du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957.
2. Le salarié a obtenu son diplôme des cours des cadres en juin 1994 et n'a pas bénéficié dans les deux ans d'une promotion.
3. Il a saisi la juridiction prud'homale le 13 mars 2017 d'une demande en paiement d'un rappel de salaire pour la période de 2014 à 2016.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaires pour la période de 2014 à 2016 et de congés payés afférents, de lui ordonner de reprendre le paiement à partir « de la présente saisine » et ce, jusqu'à la fin de carrière des 8 % acquis définitivement par le salarié au titre de l'article 32 de la convention collective du fait de l'obtention du diplôme de cadre et de sa non-affectation sur un poste de cadre dans les deux ans suivant cette obtention, et de le condamner à délivrer au salarié les bulletins de salaires et de les transmettre aux organismes de retraite compétents, alors « que l'article 32 de la convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale, dans sa rédaction issue du protocole d'accord du 14 mai 1992 et applicable jusqu'à l'entrée en vigueur du protocole d'accord du 30 novembre 2004 relatif au dispositif de rémunération et à la classification des emplois, disposait que ''Les agents diplômés au titre de l'une des options du cours des cadres organisé par l'Ucanss obtiennent deux échelons d'avancement conventionnel de 2 % à effet du premier jour du mois qui suit la fin des épreuves de l'examen. Si, malgré leur inscription au tableau de promotion dans les conditions prévues à l'article 34 ci-après, les agents diplômés du cours des cadres n'ont pas obtenu de promotion après 2 ans de présence soit au sein du même organisme, soit après mutation dans un autre organisme, il leur est attribué deux nouveaux échelons de 2 %. Dans le cas où l'agent a atteint 24 % d'avancement conventionnel, les échelons sont attribués par anticipation sur l'avancement restant à acquérir. Dans le cas où l'agent a atteint 40 % d'avancement conventionnel, tel qu'il est prévu à l'article 29, le surplus est attribué sous forme d'une prime provisoire'' ; qu'en application de ce texte, un agent ayant entre 24 et 40 % d'avancement conventionnel à l'époque de son diplôme, était rempli de ses droits par l'octroi de 4 % d'avancement après l'obtention du diplôme et à nouveau de 4 % d'avancement deux ans plus tard s'il n'avait pas été promu ; que, par la suite, son avancement continuait à progresser normalement dans les conditions de l'article 29 de la convention collective précitée, dans sa version applicable à la même époque, fixant un plafond global d'avancement à 40 % ; qu'il ne pouvait donc pas, une fois ce plafond atteint, prétendre à une seconde application de l'article 32 précité pour obtenir la prime provisoire reversée par ce texte aux salariés ayant atteint le plafond d'avancement de 40 % à l'époque de leur obtention du diplôme, ce qui les empêchait de bénéficier d'un avancement supplémentaire pour récompenser leur succès au diplôme du cours des cadres ; qu'en l'espèce, il était constant que M. [E] avait été rempli de ses droits à la suite de son obtention du diplôme du cours des cadres en 1994, dès lors qu'il avait reçu ''- les deux échelons d'avancement conventionnel de 2 % (soit 4 %) obtenus du fait de son diplôme (article 32 al. 1 CCN) ; - les deux échelons d'avancement conventionnel de 2 % (soit 4 %) obtenus du fait de l'absence de promotion en qualité de cadre dans les deux ans (article 32 al. 2 CCN)'' ; que son avancement ayant ensuite progressé jusqu'à atteindre en 2002 le plafond de 40 % qui s'imposait à lui comme à tous les autres salariés, il ne pouvait prétendre au paiement de la prime provisoire, réservée par l'article 32 précité aux salariés ayant atteint le plafond de 40 % d'avancement à l'époque de leur diplôme, et ayant le même objet que les avantages dont il avait déjà bénéficié en conséquence de son diplôme ; qu'en jugeant que le salarié était bien fondé à solliciter l'octroi d'une prime de 8 % par application de l'article 32 susvisé après avoir déjà bénéficié de l'avancement prévu par ce texte, la cour d'appel a violé les articles 29 et 32 susvisés. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 29 et 32 de la convention collective nationale de travail du personnel des organismes de sécurité sociale du 8 février 1957, dans leur rédaction issue du protocole d'accord du 14 mai 1992 :
6. Aux termes du premier de ces textes, le système d'avancement conventionnel comprend 20 échelons de 2 % du salaire résultant du produit du coefficient de l'emploi tenu, par la valeur du point.
L'avancement du personnel dans son emploi s'effectue dans la limite de 40 % du salaire tel que défini ci-dessus, dans les conditions suivantes :
a) L'avancement conventionnel est acquis à raison de 2 % par année (au sens de l'article 30). Ces échelons s'appliquent une fois révolue la deuxième année suivant l'entrée de l'agent dans l'Institution.
b) Toutefois jusqu'à 24 %, l'avancement conventionnel peut passer de 2 à 4 % par an, les 2 % supplémentaires résultant de l'appréciation portée annuellement par la hiérarchie. Ces échelons s'appliquent une fois révolue la troisième année suivant l'entrée de l'agent dans l'Institution.
c) Au-delà de 24 % et jusqu'à 40 % l'avancement conventionnel est acquis à raison de 2 % par an.
7. Selon le second, les agents diplômés au titre de l'une des options du cours des cadres organisé par l' Union des caisses nationales de sécurité sociale (UCANSS) obtiennent deux échelons d'avancement conventionnel de 2 % à effet du premier jour du mois qui suit la fin des épreuves de l'examen. Si, malgré leur inscription au tableau de promotion dans les conditions prévues à l'article 34, les agents diplômés du cours des cadres n'ont pas obtenu de promotion après deux ans de présence soit au sein du même organisme, soit après mutation dans un autre organisme, il leur est attribué deux nouveaux échelons de 2 %. Dans le cas où l'agent a atteint 24 % d'avancement conventionnel, les échelons sont attribués par anticipation sur l'avancement restant à acquérir. Dans le cas où l'agent a atteint 40 % d'avancement conventionnel, tel qu'il est prévu à l'article 29, le surplus est attribué sous forme d'une prime provisoire.
8. Il en résulte que l'avancement du personnel dans son emploi s'effectue dans la limite de 40 % du salaire et que ce n'est que dans l'hypothèse où l'agent a atteint ce plafond au jour où il est diplômé au titre de l'une des options du cours des cadres organisé par l'UCANSS, ou dans les deux ans qui suivent sans l'obtention d'une promotion, que le surplus d'échelon d'avancement conventionnel lui est attribué sous forme d'une prime provisoire.
9. Pour condamner l'employeur à payer au salarié des sommes à titre de rappel de salaire pour la période de 2014 à 2016 et lui ordonner de reprendre le paiement, jusqu'à la fin de carrière de l'intéressé, des 8 % que ce dernier a acquis définitivement au titre de l'article 32 de la convention collective applicable, l'arrêt constate d'abord que cette disposition, s'agissant des agents ayant atteint 40 % d'avancement conventionnel, ne fait pas mention d'une restriction du bénéfice de la prime provisoire à ceux pouvant se prévaloir au moment de l'obtention de leur diplôme d'un tel pourcentage d'avancement conventionnel. Il retient qu'en affirmant le contraire, l'employeur ajoute une condition supplémentaire non prévue par le texte dont les dispositions sont sur ce point claires et sans ambiguïté.
10. Il retient ensuite que le caractère provisoire de la prime prévue par l'article 32 n'est pas incompatible avec la notion d'avantages acquis, en ce que ledit caractère est seulement révélateur de l'existence d'une étape dans l'attente de la réalisation d'une promotion. Il ajoute que, si l'on adopte le raisonnement de l'employeur, à savoir l'attribution d'une telle prime aux seuls agents bénéficiant de 40 % d'avancement conventionnel au moment de l'obtention de leur diplôme, il n'en demeure pas moins qu'en l'absence de nomination sur un poste de cadre, l'employeur ne pourrait se prévaloir d'aucun fondement conventionnel pour remettre en cause le versement de cette prime, voire jusqu'à la fin de carrière du salarié.
11. Il relève que l'interprétation du salarié, selon laquelle trois types d'échelons peuvent être attribués, à savoir ceux l'étant au mérite, ceux liés à l'ancienneté, et ceux octroyés pour récompenser un effort de formation sanctionné par l'obtention d'un diplôme, s'inscrit dans l'appréciation qui doit être portée sur le devenir desdits échelons au regard des dispositions de l'article 33 de la convention collective. Il rappelle à ce titre que cet article opère une distinction dans l'hypothèse d'une promotion entre les échelons supplémentaires d'avancement conventionnel acquis dans l'emploi précédent, qui sont supprimés, et les autres échelons d'avancement conventionnel acquis qui sont maintenus. Il retient qu'au regard de la spécificité des échelons et de la prime provisoire quant au but poursuivi par leur attribution, à savoir la rétribution d'une action de formation et l'obtention d'un diplôme, ces éléments de rémunération doivent être assimilés à des échelons d'avancement conventionnel acquis ne pouvant être remis en cause par l'employeur que ce soit avant ou après la réalisation d'une promotion consécutive à la réussite aux épreuves permettant de devenir cadre. Il ajoute que cette interprétation, liée en fait à la spécificité des échelons acquis du fait de l'obtention du diplôme, a été adoptée par le directeur de l'UCANSS s'agissant de la situation des agents ayant obtenu une promotion, sans qu'il ne soit établi par l'employeur un revirement d'appréciation par l'établissement d'une autre note.
12. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
13. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
14. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
15. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés-sécurité sociale à verser à M. [E] la somme de 8 587,70 euros à titre de rappel de salaire pour la période de 2014 à 2016 et celle de 858,77 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 30 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute M. [E] de ses demandes en paiement de rappels de salaire outre congés payés afférents et de remise de bulletins de salaire rectifiés ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille vingt-quatre.