LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° D 23-81.584 FS-B
N° 01320
ODVS
19 NOVEMBRE 2024
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 19 NOVEMBRE 2024
M. [K] [P], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 2 mars 2023, qui, dans la procédure suivie contre M. [J] [M] et Mme [F] [D] du chef, notamment, de faux, a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Goanvic, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [K] [P], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Goanvic, conseiller rapporteur, MM. Sottet, Samuel, Mme Goanvic, M. Coirre, Mme Hairon, M. Busché, conseillers de la chambre, MM. Joly, Leblanc, Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Aubert, avocat général référendaire, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A la suite d'un incident ayant opposé M. [K] [P], personne détenue, et M. [J] [M], surveillant, au sein d'un établissement pénitentiaire, les deux protagonistes ont été poursuivis des chefs de violences aggravées réciproques, le second et Mme [F] [D], également agent pénitentiaire, du chef de faux affectant le compte-rendu d'incident.
3. Par jugement avant dire droit du 29 avril 2022, le tribunal correctionnel a rejeté l'exception d'incompétence présentée par M. [P], agissant en qualité de partie civile, qui sollicitait la requalification criminelle des faits de faux en faux en écriture publique, et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure.
4. M. [P] a relevé appel de ce jugement et saisi le président de la chambre des appels correctionnels d'une requête tendant à faire déclarer cet appel immédiatement recevable, sur le fondement de l'article 507 du code de procédure pénale. Cette requête a été rejetée par ordonnance du 11 mai 2022.
5. Le 27 mai 2022, le tribunal correctionnel a déclaré les prévenus coupables des chefs susmentionnés et les a condamnés à diverses peines. Sur l'action civile, il a notamment déclaré recevable la constitution de partie civile de M. [P] et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure.
6. M. [P] a relevé appel de ce jugement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement déféré, alors :
« 1°/ que lorsque l'appel du jugement avant-dire-droit n'est pas immédiatement recevable, il est jugé en même temps que l'appel du jugement sur le fond ; qu'étant saisie d'un appel contre le jugement avant dire droit du 29 avril 2022 et contre le jugement au fond du 27 mai 2022, en confirmant le « jugement déféré », la cour d'appel a méconnu son office et a violé l'article 508 alinéa 4 du code de procédure pénale ;
2°/ que l'appel interjeté par la partie civile contre le jugement avant dire droit par lequel le tribunal correctionnel rejette une exception d'incompétence remet en cause l'action publique autant que l'action civile et, tant qu'il n'a pas été jugé, fait obstacle à ce que les dispositions pénales du jugement ultérieurement prononcé sur le fond deviennent définitives, de sorte que la cour d'appel saisie de cet appel en même temps que l'appel interjeté par la partie civile sur le jugement au fond est tenue de procéder à son examen même en l'absence d'appel du prévenu ou du ministère public contre les dispositions pénales dudit jugement ; qu'en retenant que, « saisie du seul appel de la partie civile, la cour ne saurait se déclarer incompétente au motif que les faits seraient de la compétence de la juridiction criminelle l'action publique n'étant plus en cause », quand la cour était saisie de l'appel interjeté par la partie civile contre le jugement avant-dire-droit rejetant son exception d'incompétence du tribunal correctionnel, la cour d'appel a violé les articles 459, alinéa 3, 507, 508 et 512 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 497, 507 et 508 du code de procédure pénale :
8. Il résulte de ces textes que si la partie civile n'a la faculté d'appeler que quant à ses intérêts civils, il n'en est ainsi qu'a l'égard des dispositions par lesquelles les premiers juges ont statué au fond.
9. Lorsque ceux-ci se sont prononcés avant dire droit sur la compétence et que l'appel de la partie civile contre cette décision n'a pas été déclaré immédiatement recevable, la cour d'appel se trouve, par le seul appel de la partie civile du jugement ultérieurement rendu sur le fond, saisie non seulement de l'action civile, mais aussi de l'action publique qui a continué de subsister.
10. Elle est, dès lors, tenue de régler la question de la compétence et le cas échéant de statuer sur l'action publique et sur l'action civile.
11. Pour déclarer irrecevable le moyen de M. [P] tendant à ce que la juridiction correctionnelle se déclare incompétente au motif que les faits de faux revêtiraient une qualification criminelle, l'arrêt attaqué énonce que l'appel de celui-ci ayant été limité aux dispositions civiles du jugement, l'action publique n'est plus en cause.
12. En statuant ainsi, alors qu'elle était toujours saisie de l'appel formé par la partie civile contre la décision avant-dire droit qui avait écarté l'exception d'incompétence et qu'il lui appartenait donc de statuer sur cette exception pour, le cas échéant, en tirer les conséquences tant sur l'action publique que sur l'action civile, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé.
12. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes, en date du 2 mars 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille vingt-quatre.