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14/11/2024 | FRANCE | N°52401154

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 novembre 2024, 52401154


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 14 novembre 2024








Cassation partielle




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 1154 F-D


Pourvoi n° C 22-20.169








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FR

ANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 NOVEMBRE 2024


M. [B] [G], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 22-20.169 contre l'arrêt rendu le 5 mai 2022 par la cour d'app...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 novembre 2024

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1154 F-D

Pourvoi n° C 22-20.169

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 NOVEMBRE 2024

M. [B] [G], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 22-20.169 contre l'arrêt rendu le 5 mai 2022 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale C), dans le litige l'opposant à la société Carrefour proximité France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [G], de la SCP Spinosi, avocat de la société Carrefour proximité France, après débats en l'audience publique du 9 octobre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 5 mai 2022), M. [G] a été engagé le 2 septembre 2006 en qualité d'employé commercial par la société Edima distribution exploitant en location-gérance un fonds de commerce de supermarché Ed, devenue la société Dia puis la société Erteco France.

2. Le salarié a été élu délégué du personnel titulaire à compter du mois d'avril 2010, puis délégué syndical CFTC à compter du 5 novembre 2010.

3. Par lettre du 30 septembre 2016, la société Erteco France, anciennement Dia, lui a notifié son licenciement pour faute grave pour absence de transmission des arrêts de travail à l'employeur.

4. A compter du 1er octobre 2016, à la suite de la fusion-absorption de la société Erteco France par la société Carrefour proximité France, le contrat de travail du salarié a été transféré à cette dernière.

5. Soutenant avoir été victime de discrimination syndicale, de harcèlement moral et de non-paiement d'heures de délégation, le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'indemnisation de ses préjudices et en paiement de sommes salariales par la société Carrefour proximité France, venant aux droits de la société Erteco France.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes du salarié de rappels d'heures de délégation du 21 décembre 2011 au 22 janvier 2013 et de congés payés afférents

Enoncé du moyen

6. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de rappels d'heures de délégation du 21 décembre 2011 au 22 janvier 2013 et de congés payés afférents, alors « qu'en affirmant, pour débouter le salarié de ses demandes relatives à ses heures de délégation, que celui-ci n'allègue ni ne justifie d'aucune autorisation préalable de son médecin traitant de poursuivre l'exercice de son activité de représentation, quand les parties admettaient qu'il avait obtenu une telle autorisation, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Vu l'article 4 du code de procédure civile :

8. Aux termes de ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

9. Pour rejeter les demandes de rappels d'heures de délégation effectuées du 21 décembre 2011 au 22 janvier 2013, l'arrêt retient que le salarié n'allègue, ni ne justifie, d'aucune autorisation préalable de son médecin traitant de poursuivre l'exercice de son activité de représentation, de sorte qu'il ne peut prétendre à l'indemnisation de ses heures de délégation.

10. En statuant ainsi, alors que dans ses conclusions d'appel, le salarié se prévalait de l'autorisation, qu'il produisait, de son médecin traitant d'effectuer des heures de délégation durant les périodes d'arrêt pour cause de maladie et que la société reconnaissait la transmission, le 19 novembre 2014, d'une telle autorisation, tout en soutenant que dans la mesure où le contrat de travail était suspendu durant ces périodes, l'employeur ne pourrait être tenu de verser au salarié ces heures de délégation que s'il établissait qu'il avait effectivement utilisé l'intégralité de ses crédits d'heures pour la seule réalisation de tâches administratives s'inscrivant dans le cadre de l'exécution de chacun de ses mandats, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.

Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de rappels d'heures de délégation du 23 janvier au 27 mars 2013 et de congés payés afférents

Enoncé du moyen

11. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes de rappel d'heures de délégation du 23 janvier au 27 mars 2013 et de congés payés afférents, alors « que la pratique des bons de délégation, visant à avertir le chef de service ou le supérieur de l'intention du représentant syndical de se mettre en délégation, ne peut être détournée de son seul objet d'information préalable d'un déplacement pour l'exercice du mandat dans ou en dehors de l'entreprise ; qu'en affirmant, pour débouter le salarié de ses demandes relatives aux heures de délégation, que s'agissant de la période du 23 janvier au 27 mars 2013, il ne verse pas aux débats les documents de suivi de ces heures, de sorte qu'il ne démontre ni avoir subi une retenue abusive sur salaire ni avoir été contraint par les nécessités de son mandat d'utiliser son crédit d'heures de délégation en dehors de son temps de travail, la cour d'appel a violé les articles L. 2143-13, L. 2143-17, L. 2315-3 et L. 2325-7 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 2143-17, L. 2315-3 et L. 2325-7 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige :

12. Il résulte de ces textes que les heures de délégation considérées de plein droit comme temps de travail, qu'elles soient prises pendant ou hors les heures habituelles de travail, doivent être payées à l'échéance normale, et que l'employeur ne peut saisir la juridiction prud'homale pour contester l'usage fait du temps alloué aux représentants du personnel pour l'exercice de leur mandat qu'après les avoir payées.

13. Pour rejeter la demande d'heures de délégation pour la période du 23 janvier au 27 mars 2013, l'arrêt retient que le salarié ne verse pas aux débats les documents de suivi des heures de délégation prévus à l'article 2.3 de l'accord d'entreprise du 28 avril 2006 sur le « développement du dialogue social et [l']exercice du droit syndical dans l'entreprise », de sorte qu'il ne démontre pas avoir subi une retenue abusive sur salaire au titre des heures de délégation et qu'il n'établit pas davantage avoir été contraint par les nécessités de son mandat d'utiliser son crédit d'heures de délégation en dehors de son temps de travail.

14. En statuant ainsi, alors que le non-paiement des heures de délégation n'était pas contesté, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le deuxième moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

15. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, alors « que les obligations résultant des articles L. 1132-1 du code du travail, d'une part, et L. 6315-1 et L. 6321-1 du code du travail, d'autre part, sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles ouvre droit à des réparations spécifiques ; qu'en se fondant, pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, sur son indemnisation du ''préjudice tiré de l'absence d'évolution de carrière'' la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 6315-1 et L. 6321-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1132-1 et L. 6321-1 du code du travail :

16. Les obligations résultant des articles L. 1132-1 et L. 6321-1 du code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, ouvre droit à des réparations spécifiques.

17. Pour rejeter la demande d'indemnisation au titre de la discrimination syndicale, après avoir retenu que l'employeur avait imposé au salarié protégé une modification unilatérale de ses conditions de travail, qu'il avait failli à son obligation d'assurer l'adaptation du salarié à son poste de travail et de veiller au respect de sa capacité à occuper un emploi en s'abstenant d'effectuer les entretiens professionnels et d'évaluation et en n'organisant pas sa formation, que le salarié n'a connu aucune évolution de carrière entre son embauche et son licenciement et que l'employeur ne démontre pas que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, de sorte que l'existence d'une discrimination syndicale est établie, l'arrêt retient que le préjudice tiré de l'absence d'évolution de carrière dont le salarié se prévaut comme résultant d'une discrimination syndicale est identique à celui dont la réparation est déjà assurée par l'allocation de dommages-intérêts au titre de la violation par l'employeur de son obligation d'assurer l'adaptation du salarié à son poste de travail.

18. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations l'existence d'un préjudice distinct au titre de la discrimination syndicale, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

19. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral, alors « que les obligations résultant des articles L. 1152-1 du code du travail, d'une part, et L. 6315-1 et L. 6321-1 du code du travail, d'autre part, sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles ouvre droit à des réparations spécifiques ; qu'en affirmant, pour rejeter la demande du salarié relative au harcèlement moral, que des dommages-intérêts lui sont alloués en réparation du préjudice tenant à la perte de chance d'évolution de carrière), la cour d'appel a statué par un motif erroné et a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, dans sa version applicable en la cause, ensemble les articles L. 6315-1 et L. 6321-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1152-1 et L. 6321-1 du code du travail :

20. Les obligations résultant des articles L. 1152-1 et L. 6321-1 du code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, ouvre droit à des réparations spécifiques.

21. Pour rejeter la demande d'indemnisation au titre d'un harcèlement moral, après avoir estimé que le salarié établissait avoir subi une déclaration tardive d'accident du travail, un retard dans la délivrance de l'attestation de salaires et la délivrance d'attestations erronées, une mutation sans son accord, une absence de fourniture de travail pendant plus de deux ans, une absence d'évaluation et d'évolution professionnelles, une absence de formation et que l'employeur ne prouvait pas que ces faits étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, l'arrêt retient que des dommages-intérêts lui sont alloués en réparation du préjudice tenant à la perte de chance d'évolution de carrière

22. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations l'existence d'un préjudice distinct au titre du harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

23. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif déboutant le salarié de ses demandes en paiement de la somme de 7 327,95 euros bruts à titre de rappel d'heures de délégation sur la période du 21 décembre 2011 au 27 mars 2013 et de 732,79 euros bruts à titre de congés payés afférents entraîne la cassation des chefs de dispositif rejetant les demandes en paiement de la somme de 8 000 euros en réparation du préjudice subi relatif au décompte abusif des heures de délégation, en paiement de la somme de 3 500 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du non-paiement des heures de délégation, ainsi que les chefs de décision allouant au salarié les sommes de 3 195,36 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 319,54 euros au titre des congés payés afférents et 3 195,36 euros au titre de l'indemnité de licenciement, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne la société Carrefour proximité France à payer à M. [G] les sommes de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut d'organisation de la visite médicale de reprise, 5 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la modification des conditions de travail du salarié protégé, 7 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'assurer l'adaptation du salarié à son poste de travail et de veiller au respect de sa capacité à occuper un emploi, statue sur les dépens et rejette la demande de la société Carrefour proximité France au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 5 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société Carrefour proximité France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Carrefour proximité France et la condamne à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52401154
Date de la décision : 14/11/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 05 mai 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 nov. 2024, pourvoi n°52401154


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 10/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52401154
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