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14/11/2024 | FRANCE | N°52401133

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 novembre 2024, 52401133


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


JL10






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 14 novembre 2024








Cassation partielle




Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 1133 F-D


Pourvoi n° W 23-10.737




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 NOVEMBRE 2024


1°/ Mme [Y] [T], domiciliée [Adresse 3],


2°/ la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT, dont le siège est [...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

JL10

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 novembre 2024

Cassation partielle

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1133 F-D

Pourvoi n° W 23-10.737

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 NOVEMBRE 2024

1°/ Mme [Y] [T], domiciliée [Adresse 3],

2°/ la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT, dont le siège est [Adresse 4],

3°/ le syndicat UFICT-CGT des salariés IBM [Localité 5]-banlieue, dont le siège est [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° W 23-10.737 contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (15e chambre), dans le litige les opposant à la société Compagnie IBM France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Douxami, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [T], de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et du syndicat UFICT-CGT des salariés IBM Paris-banlieue, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Compagnie IBM France, après débats en l'audience publique du 8 octobre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Douxami, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 novembre 2022), Mme [T] a été engagée en qualité de traducteur technique par la société Compagnie IBM France le 14 février 1984. Elle a exercé différents mandats représentatifs à compter de 2001.

2. Elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande fondée sur le principe « à travail égal, salaire égal », ayant donné lieu à un jugement définitif du 21 novembre 2011, la clôture des débats étant intervenue le 10 octobre 2011.

3. Invoquant une discrimination syndicale et une discrimination en raison de son sexe ainsi qu'une violation d'accords collectifs sur l'exercice du droit syndical, elle a saisi, à nouveau, le 27 juillet 2015, la juridiction prud'homale. La Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et le syndicat UFICT-CGT des salariés IBM [Localité 5]-banlieue (les syndicats) sont intervenus volontairement à l'instance.

4. Le 30 septembre 2021, la salariée a fait valoir ses droits à la retraite.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses première à cinquième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les actions de la salariée et des syndicats pour discrimination en raison de faits antérieurs au 10 octobre 2011

Enoncé du moyen

5. La salariée et les syndicats font grief à l'arrêt de déclarer l'action engagée par la salariée à l'encontre de la société Compagnie IBM France pour discrimination en raison de ses activités syndicales et en raison de son sexe irrecevable et d'avoir déclaré l'intervention volontaire de l'UFICT-CGT des salariés IBM [Localité 5]-banlieue et de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT par suite irrecevables, alors :

« 1°/ que la règle de l'unicité de l'instance ne s'applique pas lorsque le fondement des prétentions nouvelles est né ou ne s'est révélé que postérieurement à la clôture des débats relatifs à la première procédure ; que le fondement des prétentions du salarié ne lui est révélé que lorsque celui-ci est en possession des éléments nécessaires pour lui permettre d'évaluer l'étendue de ses droits ; qu'en matière de discrimination, cette révélation s'entend de la date à laquelle salarié a eu connaissance des éléments lui permettant d'établir non seulement de l'existence de cette discrimination mais également de l'étendue du préjudice en découlant ; qu'en l'espèce, pour considérer que la discrimination sur laquelle Mme [T] fondait son action s'était révélée avant l'extinction de la précédente instance et que la salariée disposait d'éléments suffisants pour lui permettre de faire valoir ses droits avant la clôture des débats de la précédent instance et juger en conséquence que les demandes de la salariée à ce titre étaient irrecevables comme se heurtant à la règle de l'unicité de l'instance, la cour d'appel a retenu que l'absence de toute évolution de carrière depuis décembre 1994 et l'absence d'évolution salariale significative, son augmentation de salaire n'ayant pas dépassé 394 euros entre 2000 et 2010 étaient connus de la salariée avant l'extinction de la précédente instance, et même avant la clôture des débats dans le cadre de celle-ci ; qu'en statuant par de tels motifs ne permettant pas d'établir que Mme [T] avait connaissance, à cette date de l'étendue du préjudice découlant pour elle de ce blocage de sa carrière et de sa rémunération, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article R. 1452-6 du code du travail dans sa version applicable au litige ;

2°/ que la règle de l'unicité de l'instance ne s'applique pas lorsque le fondement des prétentions nouvelles est né ou ne s'est révélé que postérieurement à la clôture des débats relatifs à la première procédure ; que le fondement des prétentions du salarié ne lui est révélé que lorsque celui-ci est en possession des éléments nécessaires pour lui permettre d'évaluer l'étendue de ses droits ; qu'en matière de discrimination, cette révélation s'entend de la date à laquelle le salarié a eu connaissance des éléments permettant d'établir non seulement de l'existence de cette discrimination mais également de l'étendue du préjudice en découlant ; qu'en l'espèce, pour considérer que la discrimination sur laquelle Mme [T] fondait son action s'était révélée avant l'extinction de la précédente instance et que la salariée disposait d'éléments suffisants pour lui permettre de faire valoir ses droits avant la clôture des débats de la précédent instance et juger en conséquence que les demandes de la salariée à ce titre étaient irrecevables comme se heurtant à la règle de l'unicité de l'instance, la cour d'appel a retenu que, s'agissant de la discrimination en raison du sexe, Mme [T] avait eu connaissance, en leur temps, des rapports annuels de la direction des relations sociales de l'entreprise au comité central d'entreprise sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes pour les années 1995 et 2005, de la déclaration de la CFDT au comité central d'entreprise de septembre 2003 sur le rapport annuel de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et de la déclaration de la CGT au comité central d'entreprise du 23 janvier 2008 sur le projet d'accord Egalité professionnelle relevant qu'en 2005 sur un échantillon d'environ 100 cadres embauchés en 1983/1985 avec un diplôme d'ingénieur (coefficient 74 à 92), les hommes avaient un salaire moyen de 5 600 euros et un coefficient moyen de 200 quand les femmes avaient un salaire moyen de 4 300 euros et un coefficient moyen de 160 ; qu'en statuant par de tels motifs quand ces éléments d'ordre général ne permettaient pas à Mme [T] d'avoir connaissance de l'étendue exacte de la discrimination dont elle estimait être personnellement victime en raison de son sexe dans l'évolution de sa carrière et de sa rémunération, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article R. 1452-6 du code du travail dans sa version applicable au litige ;

3°/ que la règle de l'unicité de l'instance ne s'applique pas lorsque le fondement des prétentions nouvelles est né ou ne s'est révélé que postérieurement à la clôture des débats relatifs à la première procédure ; que le fondement des prétentions du salarié ne lui est révélé que lorsque celui-ci est en possession des éléments nécessaires pour lui permettre d'évaluer l'étendue de ses droits ; qu'en matière de discrimination, cette révélation s'entend de la date à laquelle le salarié a eu connaissance des éléments permettant d'établir non seulement de l'existence de cette discrimination mais également de l'étendue du préjudice en découlant ; qu'en l'espèce, pour considérer que la discrimination sur laquelle Mme [T] fondait son action s'était révélée avant l'extinction de la précédente instance et que la salariée disposait d'éléments suffisants pour lui permettre de faire valoir ses droits avant la clôture des débats de la précédent instance et juger en conséquence que les demandes de la salariée à ce titre étaient irrecevables comme se heurtant à la règle de l'unicité de l'instance, la cour d'appel a relevé que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés ; qu'en statuant par de tels motifs alors que la discrimination dont se plaignait Mme [T] dans l'évolution de sa carrière et de son salaire ne pouvait être révélée, si ce n'est dans son existence, à tout le moins, dans son étendue exacte, que par comparaison de sa situation avec celles de collègues de travail ayant été embauchés dans des conditions comparables à la sienne et que la cour relevait que la salariée ne disposait pas des pièces nécessaires à cet effet dans le cadre de la présente instance, cette dernière a violé les dispositions de l'article R. 1452-6 du code du travail dans sa version applicable au litige ;

4°/ que la règle de l'unicité de l'instance ne s'applique pas lorsque le fondement des prétentions nouvelles est né ou ne s'est révélé que postérieurement à la clôture des débats relatifs à la première procédure ; que le fondement des prétentions du salarié ne lui est révélé que lorsque celui-ci est en possession des éléments nécessaires pour lui permettre d'évaluer l'étendue de ses droits ; qu'en matière de discrimination, cette révélation s'entend de la date à laquelle le salarié a eu connaissance des éléments permettant d'établir non seulement de l'existence de cette discrimination mais également de l'étendue du préjudice en découlant ; qu'en l'espèce, pour considérer que la discrimination sur laquelle Mme [T] fondait son action s'était révélée avant l'extinction de la précédente instance et que la salariée disposait d'éléments suffisants pour lui permettre de faire valoir ses droits avant la clôture des débats de la précédent instance et juger en conséquence que les demandes de la salariée à ce titre étaient irrecevables comme se heurtant à la règle de l'unicité de l'instance, la cour d'appel a relevé, d'une part, qu'il était inopérant que la salariée ait obtenu en octobre 2014 la liste de 32 salariés ingénieurs diplômés hommes embauchés en 1984 classés à l'embauche à l'indice 76 ou 84 sans autre élément d'information ou qu'elle ait obtenu à cette date seulement le rapport d'expertise de Monsieur [O] du 27 juillet 2006 et l'arrêt rendu par la cour d'appel de Toulouse le 14 mars 2007 concernant Madame [H], la situation de cette salariée travaillant comme ingénieur technico-commercial dans un autre établissement que le sien, dont elle a fait une extrapolation sur une période de plus de dix ans à l'appui du calcul de son préjudice, n'étant pas de nature à révéler l'existence de sa propre discrimination et, d'autre part, que la salariée ne disposait toujours pas des pièces permettant une comparaison avec la situation d'autre salariés dans le cadre de la présente instance ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors qu'il ressortait de ses propres constatations que Mme [T] ne disposait pas des éléments nécessaires pour évaluer l'étendue du préjudice résultant de la discrimination dont elle estimait être victime avant l'extinction de la première instance, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article R. 1452-6 du code du travail ;

5°/ que la règle de l'unicité de l'instance ne s'applique pas lorsque le fondement des prétentions nouvelles est né ou ne s'est révélé que postérieurement à la clôture des débats relatifs à la première procédure ; que lorsque les effets de la discrimination dont un salarié se prétend victime se sont poursuivis postérieurement à la clôture des débats relatifs à la première procédure engagée par le salarié, celui-ci est recevable à former des prétentions de ce chef dans le cadre d'une nouvelle instance ; qu'en l'espèce, pour juger que les demandes de Mme [T] tendant à son repositionnement à compter du 1er avril 2018, de fixation de salaire à compter de cette date, de rappel de salaire afférent et de dommages et intérêts pour la période antérieure étaient irrecevables comme se heurtant à la règle de l'unicité de l'instance, la cour d'appel a relevé qu'au soutien de ses demandes, la salariée alléguait une discrimination en raison de ses activités syndicales et en raison de son sexe qui était née et s'était révélée avant l'extinction de la précédente instance, même si les effets de cette discrimination s'étaient poursuivis postérieurement ; qu'en statuant par de tels motifs quand la poursuite des effets de la discrimination alléguée postérieurement à l'extinction de la première instance autorisait au contraire cette dernière à obtenir la réparation du préjudice né de ce chef dans le cadre d'une nouvelle instance, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article R. 1452-6 du code du travail dans sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte de l'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-244 du 7 mars 2008, qu'une instance ne peut être engagée postérieurement à une première procédure prud'homale que lorsque le fondement des nouvelles prétentions est né ou s'est révélé après l'extinction de l'instance primitive. Il en résulte que sont irrecevables des demandes formées dans une nouvelle procédure dès lors que leur fondement est né avant la clôture des débats de l'instance antérieure.

7. La cour d'appel a constaté que les causes du second litige relatif au même contrat de travail, tendant à l'indemnisation de la discrimination dont la salariée se prétendait victime, tant à raison de ses activités syndicales qu'à raison de son sexe, tenant à l'absence de toute évolution salariale significative et de carrière depuis décembre 1994 et à la référence à ses activités de déléguée du personnel dans ses évaluations pour les années 2001 et 2009, étaient connues avant la clôture des débats de la précédente instance.

8. De ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit, peu important que la salariée soutienne n'avoir eu accès aux documents nécessaires pour connaître précisément l'étendue de son préjudice que postérieurement à l'achèvement de la précédente instance, que la règle de l'unicité de l'instance s'opposait à l'introduction par la salariée d'une seconde instance tendant à l'indemnisation des conséquences dommageables d'une discrimination dont les causes étaient connues avant la clôture des débats de la précédente instance.

9. Le moyen n'est donc pas fondé

Mais sur le premier moyen, pris en sa sixième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables les actions de la salariée et des syndicats pour discrimination en raison de faits postérieurs au 10 octobre 2011

Enoncé du moyen

10. La salariée et les syndicats font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes, alors « que la règle de l'unicité de l'instance ne s'applique pas lorsque le fondement des prétentions nouvelles est né ou ne s'est révélé que postérieurement à la clôture des débats relatifs à la première procédure ; qu'en l'espèce, pour juger que les demandes de la salariée tendant à son repositionnement à compter du 1er avril 2018, de fixation de salaire à compter de cette date, de rappel de salaire afférent et de dommages et intérêts pour la période antérieure étaient irrecevables comme se heurtant à la règle de l'unicité de l'instance, la cour d'appel a relevé qu'au soutien de ses demandes, la salariée alléguait une discrimination en raison de ses activités syndicales et en raison de son sexe qui était née et s'était révélée avant l'extinction de la précédente instance, même si les effets de cette discrimination s'étaient poursuivis postérieurement ; qu'en statuant par de tels motifs sans distinguer selon que le préjudice allégué résultait de faits de discrimination commis antérieurement ou postérieurement à la précédente instance alors que la salariée faisait état d'agissements discriminatoires postérieurs à 2011, date de l'extinction de la première instance, ce dont il résultait que le fondement de ses prétentions était né, pour partie au moins, postérieurement à cette instance, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-6 du code du travail dans sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-244 du 7 mars 2008 :

11. Il résulte de ce texte qu'une instance ne peut être engagée postérieurement à une première procédure prud'homale que lorsque le fondement des nouvelles prétentions est né ou s'est révélé après l'extinction de l'instance primitive. Il en résulte que sont recevables des demandes formées dans une nouvelle procédure dès lors que leur fondement est né postérieurement à la clôture des débats de l'instance antérieure.

12. Pour déclarer irrecevables les demandes de la salariée au titre d'une discrimination en raison de ses activités syndicales et de son sexe, l'arrêt retient que les faits qui les fondent étaient nés et connus d'elle avant la clôture définitive des débats de la précédente instance.

13. En statuant ainsi, sans distinguer selon que le préjudice allégué résultait de faits de discrimination commis antérieurement ou postérieurement à la précédente instance alors que la salariée, si elle invoquait la persistance de faits de discrimination connus avant la clôture des débats de la précédente instance qui s'était traduite par la stagnation de sa rémunération, faisait également état de ce qu'après cette date, l'employeur lui avait accordé une augmentation dérisoire de sa rémunération en novembre 2017, décembre 2018 et septembre 2019, de ses évaluations annuelles injustement négatives en 2012, 2017 et 2018 et de reproches injustifiés en 2013 et 2014 concernant la prise de ses heures de délégation, ce dont il résultait que le fondement d'une partie de ses prétentions était né postérieurement à la précédente instance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen

Enoncé du moyen

14. La salariée fait grief à l'arrêt de déclarer l'action qu'elle a engagée à l'encontre de la société Compagnie IBM France pour violation des dispositions de l'accord d'entreprise sur l'exercice du droit syndical et le statut des représentants du personnel et des syndicats du 20 décembre 2001 irrecevable, alors « que la règle de l'unicité de l'instance ne s'applique pas lorsque le fondement des prétentions nouvelles est né ou ne s'est révélé que postérieurement à la clôture des débats relatifs à la première procédure ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable l'action engagée par Mme [T] à l'encontre de la société Compagnie IBM France pour violation des dispositions de l'accord d'entreprise sur l'exercice du droit syndical et le statut des représentants du personnel et des syndicats du 20 décembre 2001 comme heurtant la règle de l'unicité de l'instance, la cour d'appel a retenu que la violation des dispositions de l'accord d'entreprise sur l'exercice du droit syndical et le statut des représentants du personnel et des syndicats du 20 décembre 2001, qui prévoient que la direction demande à la hiérarchie d'adapter les postes de travail des représentants du personnel et des syndicats pour prendre en compte le volume des temps alloués à ces représentants pour leur mandat, sans que ces aménagements réduisent l'intérêt du travail et les possibilités d'évolution professionnelle des intéressés, et prévoient également que la performance constatée à l'occasion de l'entretien annuel d'évaluation par le manager ne tient compte que du temps passé à l'accomplissement du travail effectué sous l'autorité de manager, s'est révélée avant l'extinction de la précédente instance et même avant la clôture des débats dans le cadre de celle-ci, ainsi qu'il résulte des courriels échangés avec son supérieur hiérarchique et du courrier précité de son syndicat du 29 juillet 2009 ; qu'en statuant ainsi, sans distinguer selon que le préjudice allégué par Mme [T] résultait de violation de cet accord collectif antérieures ou postérieures à la précédente instance alors que la salariée faisait état de violation de cet accord postérieures à 2011, date de l'extinction de la première instance, ce dont il résultait que le fondement de ses prétentions était né, pour partie au moins, postérieurement à cette instance, la cour d'appel a violé l'article R. 1452-6 du code du travail dans sa version applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article R. 1452-6 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-244 du 7 mars 2008 :

15. Il résulte de ce texte qu'une instance ne peut être engagée postérieurement à une première procédure prud'homale que lorsque le fondement des nouvelles prétentions est né ou s'est révélé après l'extinction de l'instance primitive. Il en résulte que sont recevables des demandes formées dans une nouvelle procédure dès lors que leur fondement est né postérieurement à la clôture des débats de l'instance antérieure.

16. Pour déclarer irrecevable l'action de la salariée pour violation des dispositions de l'accord d'entreprise sur l'exercice du droit syndical et le statut des représentants du personnel et des syndicats du 20 décembre 2001, l'arrêt retient que la violation des dispositions de l'accord d'entreprise sur l'exercice du droit syndical et le statut des représentants du personnel et des syndicats du 20 décembre 2001, qui prévoient que la direction demande à la hiérarchie d'adapter les postes de travail des représentants du personnel et des syndicats pour prendre en compte le volume des temps alloués à ces représentants pour leur mandat, sans que ces aménagements réduisent l'intérêt du travail et les possibilités d'évolution professionnelle des intéressés, et prévoient également que la performance constatée à l'occasion de l'entretien annuel d'évaluation par le manager ne tient compte que du temps passé à l'accomplissement du travail effectué sous l'autorité de manager, s'est révélée avant l'extinction de la précédente instance et même avant la clôture des débats dans le cadre de celle-ci, ainsi qu'il résulte des courriels échangés avec son supérieur hiérarchique et du courrier précité de son syndicat du 29 juillet 2009. Il en déduit qu'elle se heurte à la règle de l'unicité de l'instance et est en conséquence irrecevable.

17. En statuant ainsi, sans distinguer selon que le préjudice allégué résultait de faits caractérisant la violation des dispositions de l'accord d'entreprise commis antérieurement ou postérieurement à la précédente instance, alors que si la salariée faisait état de faits commis avant 2011, elle se prévalait également de faits postérieurs à cette date, en faisant notamment valoir qu'en 2018 elle avait contesté son évaluation pour 2017 s'agissant tant de l'appréciation de ses performances que de l'absence d'aménagement de sa charge de travail en fonction de l'exercice de ses mandats, ce dont il résultait que le fondement d'une partie de ses prétentions était né postérieurement à la précédente instance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'action engagée par la salariée pour violation des dispositions de l'accord d'entreprise sur l'exercice du droit syndical et le développement du dialogue social du 17 octobre 2012 recevable mais mal fondée et l'en déboute, l'arrêt rendu le 17 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

Condamne la société Compagnie IBM France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Compagnie IBM France et la condamne à payer à Mme [T], à la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT et au syndicat UFICT-CGT des salariés IBM [Localité 5]-banlieue la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52401133
Date de la décision : 14/11/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 17 novembre 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 nov. 2024, pourvoi n°52401133


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 10/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52401133
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