LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
FD
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 octobre 2024
Cassation
Mme MARTINEL, président
Arrêt n° 955 F-D
Pourvoi n° C 22-20.537
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 OCTOBRE 2024
Mme [C] [L], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° C 22-20.537 contre l'arrêt rendu le 20 juin 2022 par la cour d'appel de Metz, dans le litige l'opposant :
1°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ au ministre chargé des affaires de sécurité sociale, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [L], après débats en l'audience publique du 11 septembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 20 juin 2022), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 7 novembre 2019, pourvoi n° 18-18.303), Mme [L] (l'assurée), qui a travaillé en France et en Allemagne jusqu'en 2010, a été placée en invalidité à compter du 1er janvier 2011 par l'institution compétente allemande, qui lui a versé une pension d'invalidité.
2. L'assurée a déposé, auprès de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin (la caisse), une demande de pension d'invalidité. Contestant le point de départ et le montant de cette pension, l'assurée a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
3. L'assurée fait grief l'arrêt de rejeter sa demande, alors « que tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs ; que, dans un moyen entier de ses écritures, l'assurée sociale faisait valoir : « Réponses aux questions de la Cour ¿ Par arrêt avant dire droit du 22 novembre 2021, la Cour a ordonné à la CPAM et à l'assurée de répondre aux questions qu'elle a posées, lesquelles concernent la démonstration de ce que l'assurée a rempli les conditions prévues par le code de la sécurité sociale pour bénéficier d'une pension d'invalidité autonome. Selon la Cour il appartient dès lors à l'appelante de démontrer : Qu'elle a été affiliée en France depuis 12 mois au premier jour du mois au cours duquel est survenue l'interruption de travail suivie d'une invalidité ou la constatation de l'état d'invalidité résultant de l'usure prématurée de l'organisme Qu'elle justifie au cours de la période de référence soit d'un montant minimum de cotisations soit d'un nombre minimum d'heures travaillées. La cour a en outre précisé que : Ces conditions devaient être remplies en ne tenant compte que des périodes d'assurance françaises, La période de référence s'étend soit du 1er juillet 2009 au 1er juillet 2010, soit du 1er février 2010 au 31 janvier 2011. Selon l'analyse de l'assurée, les périodes cotisées en Allemagne doivent être prises en compte pour déterminer si elle a rempli les conditions d'affiliation au sens de la réglementation française. Au demeurant l'assurée démontre qu'elle a rempli les conditions prescrites du seul fait de son affiliation en France. Elle a en effet été inscrite à l'ANPE en date du 10.09.2008. A compter du 1er octobre 2008, alors qu'elle était demandeur d'emploi, elle a démarré une activité d'autoentrepreneur libéral et a bénéficié de l'ACCRE du 31/10/2008 au 30/10/2009. Puis elle a encore bénéficié de la prorogation de l'ACCRE du 31/10/2009 au 30/09/2010. Cf. Annexe n° 30 : courrier RSI du 02.02.2012 En 2009/20010, l'ACCRE consistait en une exonération de charges sociales pendant 1 an (prorogeable) à concurrence de 120 % du SMIC, soit 19 3560,28 ¿ (en 2010). Ce délai courrait soit à partir de la date d'affiliation au régime des Travailleurs Non Salariés (TNS), soit du début de l'activité de l'entreprise, si le salarié relevait du régime des salariés (cas de l'assurée dont l'activité principale était salariée). L'exonération portait sur les cotisations d'allocations familiales, de maladie et d'assurance-décès et la retraite de base et complémentaire? l'assurée a été affiliée à la CIPAV au titre d'une activité salariée (activité principale salariée) d'où la mention CIPAV activité salariée sur le relevé de la CARSAT. L'assurée a donc rempli la double condition : ¿ de cotisation minimum au sens de l'article L 341-2 du code de la sécurité sociale (ACCRE), ¿ de durée d'immatriculation minimale pour la période visée à l'article R 313-5 (en l'espèce du 31/10/2008 au 31/12/2012 ; l'assurée a continué à être affiliée au régime salarié du 01/01/2010 au 31/12/2012, ce que précise le RSI dans une attestation datée du 9 octobre 2009 ci-dessous reproduite : « En application de l'article L 613-4 du code de la sécurité sociale, nous certifions que la personne ci-dessus désignée est rattachée pour le service des prestations au régime de son activité principale, soit le régime applicable aux salariés pour la période du 01.01.2010 au 31.12.2012 » Annexe n° 31 : courrier RSI du 09.1.2009 Incontestablement les conditions requises pour bénéficier d'une pension d'invalidité autonome sont dès lors remplies » (conclusions p.7-8) ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen et en procédant à aucune analyse même sommaire des pièces produites à leur appui, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
4. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
5. Pour rejeter le recours de l'assurée, ayant fixé la période de référence soit du 1er août 2009 au 1er août 2010, au regard de la date du licenciement, soit du 1er juillet 2009 au 1er juillet 2010, au regard de la date d'interruption de travail, l'arrêt retient que l'assurée, en arrêt maladie depuis le 26 juillet 2010 et indemnisée par la caisse allemande, travaillait en Allemagne depuis le 18 mars 2009 pour le compte d'une société allemande qui l'a licenciée le 31 août 2010. Il en déduit que l'assurée, qui ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d'une pension d'invalidité française autonome en application de l'article 52§1a) du règlement CE n° 883/2004, ne peut obtenir qu'une pension d'invalidité proratisée en application de l'article 52§1b).
6. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'assurée qui soutenait que, compte tenu de son affiliation à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse des professions libérales en qualité d'auto-entrepreneur, et du bénéfice de l'aide aux chômeurs créant ou reprenant une entreprise au cours de la période de référence litigieuse, elle remplissait les conditions requises par les articles L. 341-2 et R. 313-5 du code de la sécurité sociale pour l'ouverture du droit à pension d'invalidité, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses disposition, l'arrêt rendu le 20 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse primaire d'assurance maladie à payer à Mme [L] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept octobre deux mille vingt-quatre.