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10/10/2024 | FRANCE | N°22400904

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 10 octobre 2024, 22400904


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 2


LM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 10 octobre 2024








Cassation partielle




Mme MARTINEL, président






Arrêt n° 904 F-B


Pourvoi n° C 23-13.549








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________

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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 OCTOBRE 2024


M. [D] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 23-13.549 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2023, rectifié le 2 mars 2023 par la ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 octobre 2024

Cassation partielle

Mme MARTINEL, président

Arrêt n° 904 F-B

Pourvoi n° C 23-13.549

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 OCTOBRE 2024

M. [D] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 23-13.549 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2023, rectifié le 2 mars 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, dont le siège est [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Philippart, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [H], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 septembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Philippart, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 19 janvier 2023, rectifié le 2 mars 2023), M. [H] a été victime, le 8 mai 2015, de faits de violences volontaires.

2. Il a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions en indemnisation de ses préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

3. M. [H] fait grief à l'arrêt rectifié de limiter l'indemnité qui lui a été allouée au titre de la perte de gains professionnels futurs à la somme de 60 653,21 euros, alors « que les allocations chômage versées par Pôle emploi qui n'ouvrent pas droit, au profit de celui-ci, à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation, et ne présentent pas un caractère indemnitaire, ne peuvent être imputées sur l'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique de la victime ; qu'en prenant néanmoins en compte lesdites allocations dans le calcul de la perte de gains professionnels futurs pour en déduire, d'une part, que M. [H] ne subissait aucune perte entre le 1er février 2018 et le 31 décembre 2021 et d'autre part, que sa perte pour la période postérieure devait conduire à l'allocation d'une indemnité limitée à 60 653,21 euros, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale et l'article 1240 du code civil, ensemble l'article 706-9 du code de procédure pénale par fausse application. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 706-9 du code de procédure pénale, la commission d'indemnisation des victimes d'infractions tient compte, notamment, dans le montant des sommes allouées à la victime au titre de la réparation de son préjudice, des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs au titre du même préjudice.

5. Selon les articles L. 5421-1, L. 5422-1, L. 5422-3 et L. 351-3, dans sa version issue de la loi n° 92-1446 du 31 décembre 1992, du code du travail, l'allocation d'assurance attribuée aux travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi, est un revenu de remplacement, calculé soit en fonction de la rémunération antérieurement perçue dans la limite d'un plafond, soit en fonction de la rémunération ayant servi au calcul des contributions finançant l'allocation d'assurance chômage. Cette allocation ne peut excéder le montant net de la rémunération antérieurement perçue et peut comporter un taux dégressif en fonction de l'âge des intéressés et de la durée de l'indemnisation.

6. Il se déduit de l'ensemble de ces textes que, lorsque les lésions corporelles subies par une victime d'infraction l'empêchent de poursuivre son activité professionnelle antérieure, l'allocation de retour à l'emploi qui lui est servie a, pour l'application de l'article 706-9 du code de procédure pénale, une nature indemnitaire et doit être déduite des indemnités qui lui sont allouées par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.

7. En conséquence, c'est par une exacte application de ces textes que la cour d'appel, après avoir constaté que M. [H] avait perdu l'emploi de cariste qu'il occupait au moment de l'agression en raison des séquelles de l'infraction, a pris en compte le montant des allocations de retour à l'emploi perçues par lui pour évaluer ses pertes de gains de professionnels futurs.

8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. M. [H] fait le même grief à l'arrêt, alors « que la réparation du préjudice doit être intégrale sans qu'il en résulte ni perte ni profit pour la victime ; qu'il en résulte que la pension d'invalidité versée à la victime ne saurait être déduite deux fois de son préjudice patrimonial ; qu'en l'espèce, pour limiter l'indemnisation du préjudice de M. [H] au titre de la perte de gains professionnels futurs à la somme de 60 653,21 euros, la cour d'appel a déduit les arrérages de la pension d'invalidité versés à M. [H] entre le 1er février 2018 et le 18 janvier 2020 de la perte de gains professionnels subie entre le 1er janvier 2022 et le 19 janvier 2023, date de sa décision, et le capital-invalidité alloué par les organismes sociaux, de la perte de gains professionnels postérieure à sa décision, après avoir pourtant calculé ladite perte de gains professionnelle en se fondant sur la différence entre les revenus antérieurs au dommage et ceux de l'année 2022 dans lesquels elle avait inclus le montant de la pension invalidité ; qu'en déduisant ainsi deux fois les prestations invalidité du préjudice subi, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale et l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime :

10. Pour évaluer la perte de gains professionnels futurs, l'arrêt, pour la période échue entre la consolidation, fixée au 1er février 2018, et le 18 janvier 2023, détermine une perte totale subie par M. [H] en faisant la différence entre son revenu net perçu avant le fait dommageable et son revenu postérieur à la consolidation, qui est calculé en additionnant les salaires, les allocations chômage et les sommes perçues chaque année au titre de la pension d'invalidité. Puis il déduit de cette perte totale les arrérages de la pension d'invalidité versées à M. [H] par le tiers payeur entre le 1er février 2018 et le 18 janvier 2023.

11. Pour la période à échoir à compter du 19 janvier 2023, l'arrêt capitalise la perte de revenus subie en 2022, qui est calculée en tenant compte de l'arrérage de pension d'invalidité perçue par la victime en 2022. Puis il déduit de la somme capitalisée le solde du capital de la pension d'invalidité restant à percevoir.

12. En statuant ainsi, en tenant compte deux fois, pour chacune des périodes, des sommes perçues par la victime au titre de la pension d'invalidité, la cour d'appel a violé le principe susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation du chef de dispositif relatif aux pertes de gains professionnels futurs n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt laissant les dépens au Trésor public et allouant à M. [H] une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, qui sont justifiés par les autres dispositions de l'arrêt.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il alloue à M. [H], compte tenu de la réduction de 20 % de son droit à réparation, la somme de 60 653,21 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs, l'arrêt rendu le 19 janvier 2023, rectifié le 2 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée.

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres d'infractions à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt, rectifié, partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du dix octobre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Cathala, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 22400904
Date de la décision : 10/10/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

INDEMNISATION DES VICTIMES D'INFRACTION - Indemnité - Montant - Fixation - Prestations et sommes mentionnées par l'article 706-9 du Code de procédure pénale - Allocation de retour à l'emploi - Caractère indemnitaire - Portée

Lorsque les lésions corporelles subies par une victime d'infraction l'empêchent de poursuivre son activité professionnelle antérieure, l'allocation de retour à l'emploi qui lui est servie a, pour l'application de l'article 706-9 du code de procédure pénale, une nature indemnitaire et doit être déduite des indemnités qui lui sont allouées par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions


Références :

Article 706-9 du code de procédure pénale.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 02 mars 2023

2e Civ., 3 juin 2010, pourvoi n° 09-67357, Bull. 2010, II, n° 105 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 10 oct. 2024, pourvoi n°22400904


Composition du Tribunal
Président : Mme Martinel
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SARL Delvolvé et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:22400904
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