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09/10/2024 | FRANCE | N°52401008

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 octobre 2024, 52401008


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 9 octobre 2024








Cassation




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 1008 F-B


Pourvoi n° S 23-15.816












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUP

LE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 OCTOBRE 2024


Le syndicat CGT des salariés de l'énergie de l'Isère, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 23-15.816 contre l'ar...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 octobre 2024

Cassation

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1008 F-B

Pourvoi n° S 23-15.816

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 OCTOBRE 2024

Le syndicat CGT des salariés de l'énergie de l'Isère, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 23-15.816 contre l'arrêt rendu le 14 mars 2023 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Gaz et électricité de [Localité 4], société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société Greenalp, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du syndicat CGT des salariés de l'énergie de l'Isère, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Gaz et électricité de [Localité 4] et de la société Greenalp, après débats en l'audience publique du 11 septembre 2024 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ott, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 14 mars 2023), statuant en matière de référé, la société anonyme d'économie mixte locale Gaz et électricité de [Localité 4] (la société GEG) a pour activité la distribution et la fourniture de gaz et électricité au tarif réglementé dans la commune de [Localité 4] dans le cadre d'une délégation de service public. La société [Localité 4] réseau énergie des Alpes (la société Greenalp), filiale du groupe GEG, est dédiée à la distribution d'électricité et de gaz et a en charge la conception, la construction, l'exploitation, la maintenance et le développement de ses réseaux en Isère.

2. Le personnel de ces sociétés est soumis au statut des industries électriques et gazières approuvé par le décret n° 46-1541 du 22 juin 1946.

3. Par « note relative à la compensation des horaires décalés groupe GEG », prenant effet au 1er janvier 2021, la direction de la société GEG, se fondant sur l'accord relatif à l'aménagement, l'organisation et la réduction du temps de travail de GEG du 18 juin 1999, a organisé des horaires décalés dans un souci d'harmonisation et pour répondre aux besoins de la clientèle.

4. Invoquant l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant de l'adoption unilatérale de cette note, sans négociation préalable avec les organisations syndicales représentatives, alors qu'elle modifie l'horaire collectif conventionnel applicable, le syndicat CGT des salariés de l'énergie de l'Isère (le syndicat) a assigné, le 8 avril 2022, les deux sociétés devant le président du tribunal judiciaire afin de suspendre, sous astreinte, l'application et les effets de cette note, ainsi que de manière générale toute décision de mise en oeuvre de cette note et des horaires décalés, d'enjoindre aux deux sociétés d'engager avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives une négociation loyale et sérieuse sur la mise en oeuvre des horaires décalés, de leur ordonner de convoquer ces mêmes organisations sous astreinte dans un certain délai en leur communiquant les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et en fixant le lieu et le calendrier des réunions à venir. Le syndicat a sollicité en outre la condamnation des sociétés à lui payer in solidum une somme à titre de provision à valoir sur les dommages-intérêts en raison du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première à troisième branches

Enoncé du moyen

5. Le syndicat fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que l'adoption unilatérale par le groupe GEG, sans négociation collective préalable, et la mise en oeuvre de la « note relative à la compensation des horaires décalés groupe GEG » constituent un trouble manifestement illicite et en conséquence, de le débouter de ses demandes tendant à ce que soient suspendus les effets de ladite note ainsi que, d'une manière générale, toute décision de mise en oeuvre de cette note et des horaires décalés au sein de la société Greenalp et du groupe GEG dans un délai de huit jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir et ce, sous astreinte, qu'il soit enjoint aux deux sociétés d'engager avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives une négociation loyale et sérieuse sur la mise en oeuvre des horaires décalés, que soit ordonné à ces deux sociétés de convoquer l'ensemble des organisations syndicales représentatives à une première réunion de négociation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir et ce sous astreinte, que soit ordonné dans ce cadre aux deux sociétés de communiquer aux organisations syndicales représentatives les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et de fixer le lieu et le calendrier des réunions à venir dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et ce sous astreinte, ainsi que de sa demande tendant à ce que les deux sociétés soient condamnées à lui verser une somme à titre de provision à valoir sur dommages-intérêts en raison du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, alors :

« 1°/ que sans préjudice, des dispositions législatives relatives aux modalités d'aménagement du temps de travail, il résulte du paragraphe 3 de l'article 15 du statut national du personnel des industries électriques et gazières que l'horaire collectif de travail est fixé par voie d'accord collectif avec une ou plusieurs organisations syndicales représentatives et que ce n'est qu'en l'absence d'un tel accord que celui-ci est arrêté par le directeur de service ou d'exploitation ; qu'en l'espèce, en jugeant qu'il n'était pas démontré l'existence d'un trouble manifestement illicite alors qu'elle a relevé que la direction de la SEM GEG, à laquelle appartient la SA Greenalp, a organisé la possibilité de mettre en place des horaires décalés de travail par une note intitulée ''note relative à la compensation des horaires décalés groupe GEG'' prise hors négociation collective, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les dispositions du paragraphe 3 de l'article 15 du statut national du personnel des industries électriques et gazières approuvé par décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 et de l'article 835 du code de procédure civile ;

2°/ que sans préjudice, des dispositions législatives relatives aux modalités d'aménagement du temps de travail, il résulte du paragraphe 3 de l'article 15 du statut national du personnel des industries électriques et gazières que l'horaire collectif de travail est fixé par voie d'accord collectif avec une ou plusieurs organisations syndicales représentatives et que ce n'est qu'en l'absence d'un tel accord que celui-ci est arrêté par le directeur de service ou d'exploitation ; qu'en l'espèce, en jugeant qu'il n'était pas démontré l'existence d'un trouble manifestement illicite au motif que la note intitulée ''note relative à la compensation des horaires décalés groupe GEG'', bien que prise hors négociation collective, a donné lieu à consultation des CSE, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions du paragraphe 3 de l'article 15 du statut national du personnel des industries électriques et gazières approuvé par décret n° 46-1541 du 22 juin 1946 ;

3°/ que sans préjudice, des dispositions législatives relatives aux modalités d'aménagement du temps de travail, il résulte du paragraphe 3 de l'article 15 du statut national du personnel des industries électriques et gazières que l'horaire collectif de travail est fixé par voie d'accord collectif avec une ou plusieurs organisations syndicales représentatives et que ce n'est qu'en l'absence d'un tel accord que celui-ci est arrêté par le directeur de service ou d'exploitation ; qu'en l'espèce, en jugeant qu'il n'était pas démontré l'existence d'un trouble manifestement illicite au motif que la note intitulée ''note relative à la compensation des horaires décalés groupe GEG'', bien que prise hors négociation collective, a donné lieu à consultation des organisations syndicales représentatives sur les modifications proposées courant 2020, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions du paragraphe 3 de l'article 15 du statut national du personnel des industries électriques et gazières approuvé par décret n° 46-1541 du 22 juin 1946. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 835, alinéa premier, du code de procédure civile et l'article 15, paragraphe 3, du statut national du personnel des industries électriques et gazières approuvé par décret n° 1946-1541 du 22 juin 1946 :

6. Selon le premier de ces textes, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

7. Aux termes du second de ces textes, sans préjudice des dispositions législatives relatives aux modalités d'aménagement du temps de travail, l'horaire collectif de travail est en principe arrêté par voie d'accord collectif avec une ou plusieurs organisations syndicales représentatives :
a) Le terme de la négociation est conventionnellement fixé par les parties ; en l'absence d'accord sur ce terme, le délai de conclusion de l'accord est de trois mois à compter de l'ouverture de la négociation ;
b) Si aucun accord n'a pu intervenir à l'issue de la négociation sur l'horaire collectif de travail, celui-ci est arrêté par le directeur de service ou d'exploitation, après consultation de l'organisme compétent de la filière des comités mixtes à la production et information du directeur général de l'entreprise concernée ou de son délégataire.

8. Il en résulte que dans les entreprises dont le personnel relève du statut national des industries électriques et gazières, l'horaire collectif de travail est arrêté par un accord collectif et que ce n'est qu'après échec d'une négociation préalable avec les organisations syndicales représentatives, que l'employeur peut par une décision unilatérale arrêter l'horaire collectif de travail ou le modifier.

9. Pour rejeter les demandes du syndicat, après avoir constaté que par la note intitulée « note relative à la compensation des horaires décalés groupe GEG », prenant effet au 1er janvier 2021, la direction de la société GEG a organisé la possibilité de mettre en place des horaires décalés de travail, soit en dehors des horaires habituels de travail de référence (8 heures 10 - 17 heures + interruption méridienne) avec prise de travail décalée en début d'après-midi pour s'achever à 22 heures pour une certaine partie du personnel, à savoir certaines équipes des sociétés, sur la base du seul volontariat, l'arrêt retient que cette note a été soumise au comité social et économique et que les organisations syndicales représentatives ont été consultées sur les modifications prévues courant 2020.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que cette note avait été prise en l'absence de toute invitation à négocier un accord collectif, ce dont il résultait l'existence d'un trouble manifestement illicite qu'il lui appartenait de faire cesser, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne la société Gaz et électricité de [Localité 4] et la société [Localité 4] réseau énergie des Alpes aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Gaz et électricité de [Localité 4] et la société [Localité 4] réseau énergie des Alpes et les condamne à payer au syndicat CGT des salariés de l'énergie de l'Isère la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52401008
Date de la décision : 09/10/2024
Sens de l'arrêt : Cassation

Analyses

ENERGIE - Industries électriques et gazières - Personnel - Statut - Horaire collectif de travail - Détermination - Portée

Il résulte de l'article 15, paragraphe 3, du statut national du personnel des industries électriques et gazières approuvé par le décret n° 1946-1541 du 22 juin 1946 que dans les entreprises dont le personnel relève du statut national des industries électriques et gazières, l'horaire collectif de travail est arrêté par un accord collectif et que ce n'est qu'après l'échec d'une négociation préalable avec les organisations syndicales représentatives, que l'employeur peut par une décision unilatérale arrêter l'horaire collectif de travail ou le modifier


Références :

Article 15, paragraphe 3, du statut national du personnel des industries électriques et gazières, approuvé par le décret n° 1946-1541 du 22 juin 1946. article 835, alinéa 1, du code de procédure civile.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 14 mars 2023


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 oct. 2024, pourvoi n°52401008


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Boutet et Hourdeaux

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52401008
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