LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 23-85.809 F-B
N° 01192
GM
8 OCTOBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 OCTOBRE 2024
M. [B] [K] a formé un pourvoi contre la décision de la commission de recours des officiers de police judiciaire, en date du 3 octobre 2023, qui a déclaré irrecevables ses recours contre l'arrêté du procureur général près la cour d'appel de Toulouse prononçant le retrait de son habilitation d'officier de police judiciaire.
Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Guérin-Gougeon, avocat de M. [B] [K], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 septembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de la décision attaquée et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Par arrêté du 24 mars 2023, le procureur général a prononcé le retrait de l'habilitation en qualité d'officier de police judiciaire accordée à M. [B] [K], adjudant-chef de la gendarmerie nationale.
3. Sur recours gracieux de l'intéressé, le procureur général a, par décision du 15 mai suivant, maintenu sa décision.
4. M. [K] a formé un recours devant la commission de recours des officiers de police judiciaire.
Sur la recevabilité du pourvoi
5. Le pourvoi en cassation pour violation de la loi prévu à l'article R. 15-16 du code de procédure pénale doit être formé dans le délai du pourvoi en cassation en matière pénale courant du jour où la décision de la commission prévue à l'article 16-2 du même code a été notifiée, que l'officier de police judiciaire ait, ou non, été présent ou représenté lorsque la décision de la commission a été rendue.
6. Le pourvoi de M. [K], formé dans ce délai, est dès lors recevable.
Examen des moyens
Sur les premier et second moyens
Enoncé des moyens
7. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables les recours que M. [K] a formés, alors :
« 1°/ que les dispositions de l'article R. 15-8 du code de procédure pénale, qui prévoient que le recours est formé par voie de requête signée par l'office de police judiciaire, ne sont pas prescrites à peine d'irrecevabilité ou de nullité de la requête, n'étant destinées qu'à permettre de s'assurer qu'elle a bien été déposée au nom de l'officier de police judiciaire, ce qui peut être établi par d'autres moyens ; qu'en retenant que la requête enregistrée au greffe de la commission le 20 juin 2023 était irrecevable au seul motif qu'elle n'était pas signée par M. [K], la commission de recours des officiers de police judiciaire a méconnu l'article R. 15-8 du code de procédure pénale ;
2°/ que les dispositions de l'article R. 15-8 du code de procédure pénale, qui prévoient que le recours est formé par voie de requête signée par l'office de police judiciaire, n'interdisent pas de la présenter par l'intermédiaire d'un avocat, mandaté à cette fin par l'officier de police judiciaire ; qu'en retenant que la requête enregistrée au greffe de la commission le 20 juin 2023 était irrecevable pour n'être signée que du seul avocat de M. [K], la commission de recours des officiers de police judiciaire, qui a fait preuve d'un formalisme excessif, a méconnu l'article R. 15-8 du code de procédure pénale et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que l'absence de signature de la requête par l'office de police judiciaire peut être régularisée, même après expiration du délai de recours d'un mois prévu à l'article 16-2 du code de procédure pénale ; qu'en se bornant à retenir l'irrecevabilité de la requête enregistrée le 20 juin 2023 pour absence de signature de l'officier de police judiciaire, après avoir constaté que, le 26 juin 2023, était parvenue au greffe de la commission une requête - strictement identique - signée de M. [K], ce qui avait eu pour effet de régulariser la requête enregistrée le 20 juin 2023, peu important que cette régularisation soit parvenue à la commission après expiration du délai de recours, la commission de recours des officiers de police judiciaire a méconnu les articles 16-2 et R. 15-8 du code de procédure pénale et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°/ qu'à supposer que la régularisation doive intervenir dans le délai de recours, il faut, pour déterminer ce point, se placer à la date de son envoi, lorsque la régularisation est effectuée par courrier recommandé, et non à celle de sa réception par le greffe de la commission ; qu'en l'espèce, M. [K] a adressé sa requête régularisée par un courrier recommandé avec avis de réception déposé en bureau de poste le 21 juin 2023, dans le délai de recours qui expirait le 22 juin suivant ; qu'en retenant l'irrecevabilité de la requête enregistrée le 20 juin 2023 pour absence de signature de l'officier de police judiciaire, quand celle-ci avait pourtant été régularisée dans le délai de recours, la commission de recours des officiers de police judiciaire a méconnu les articles 16-2 et R. 15-8 du code de procédure pénale et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5°/ que la requête, revêtue de la signature de M. [K], avait également été adressée à la commission de recours des officiers de police judiciaire par courriel du 20 juin 2023, à la suite d'un courriel du même jour du greffe lui demandant de régulariser la requête ; qu'en s'abstenant de rechercher si la communication de cette requête par voie dématérialisée avait pu régulariser l'absence de signature de la requête, la commission n'a pas justifié sa décision au regard des articles 16-2, R. 15-8 et 593 du code de procédure pénale. »
8. Le second moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevables les recours que M. [K] a formés, alors :
« 1°/ qu'il résulte de l'article R. 15-8 du code de procédure pénal que c'est au regard de la date d'envoi du recours - et non de sa réception par le secrétaire de la commission - que doit être apprécié le respect du délai de recours d'un mois prévu à l'article 16-2 du code de procédure pénale ; qu'en retenant, pour opposer la tardiveté de la requête, que la « seconde saisine de la commission [...] est parvenue au greffe le 26 juin 2023 alors que le délai [...] pour former le recours expirait le jeudi 22 juin 2023 à vingt-quatre heures », la commission de recours des officiers de police judiciaire, qui aurait dû se placer à la date d'envoi de cette requête pour en apprécier la recevabilité, ce qui lui aurait permis de constater qu'elle avait été envoyée le mercredi 21 juin 2023, dans le délai de recours, a méconnu les articles 16-2 et R. 15-8 du code de procédure pénale et l'article 668 du code de procédure civile ;
2°/ que le délai de recours d'un mois prévu à l'article 16-2 du code de procédure pénale n'est opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision du procureur général refusant de rapporter la décision de retrait d'habilitation ; qu'en retenant, avant d'opposer la tardiveté de la seconde requête, que « le fait que la décision de rejet explicite ou implicite du recours gracieux par le procureur général ne précise ni la voie de recours susceptible d'être exercée à l'encontre de cette décision, ni le délai imparti pour ce faire, est sans incidence sur le point de départ dudit délai », la commission de recours des officiers de police judiciaire a méconnu les articles 16-1 et 16-2 du code de procédure pénale et l'article R. 421-5 du code de justice administrative ;
3°/ que la requête, revêtue de la signature de M. [K], avait également été adressée à la commission de recours des officiers de police judiciaire par courriel du 20 juin 2023 ; qu'en s'abstenant de rechercher si la communication de cette requête par voie dématérialisée avait pu valablement saisir la commission et ce dans le délai de recours d'un mois, la commission n'a pas justifié sa décision au regard des articles 16-2, R. 15-8 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
9. Les moyens sont réunis.
10. Pour déclarer irrecevable le recours formé par M. [K], la décision attaquée énonce que la saisine parvenue le 20 juin 2023 au secrétariat de la commission, dans le délai légal d'un mois, a été formée par voie de requête non signée par l'officier de police judiciaire.
11. Les magistrats ajoutent que la saisine signée par l'intéressé est parvenue au secrétariat le 26 juin 2023, après l'expiration du délai de recours.
12. Ils précisent encore que l'absence d'indication des voies et délais de recours lors de la notification du rejet du recours gracieux est sans incidence sur le point de départ de ce délai.
13. En statuant ainsi, la commission de recours des officiers de police judiciaire n'a pas méconnu les textes visés aux moyens.
14. En effet, d'une part, l'exigence de signature, par l'officier de police judiciaire, de la requête destinée à cette commission constitue une formalité substantielle nécessaire à une bonne administration de la justice, de sorte que la requête signée par son seul avocat ne pouvait saisir la commission du recours de M. [K] contre la décision du procureur général maintenant le retrait de son habilitation d'officier de police judiciaire.
15. D'autre part, la transmission, par courriel du 20 juin 2023, de la requête signée par M. [K], à partir d'une adresse électronique yahoo.fr de l'avocat, ne pouvait valoir régularisation de la requête initiale, à défaut pour cette requête d'avoir été transmise par un moyen de télécommunication sécurisé conformément aux dispositions de l'article D. 591 du code de procédure pénale.
16. De troisième part, aucune disposition légale ou réglementaire n'imposant en la matière que les formes et délais de recours soient portés à la connaissance de l'officier de police judiciaire, le délai de recours d'un mois prévu à l'article 16-2 du code de procédure pénale a valablement couru à compter du 22 mai 2023, date de la notification de la décision de rejet explicite du procureur général, pour expirer le 22 juin 2023.
17. Enfin, la recevabilité s'appréciant à la date de réception de la requête au secrétariat de la commission et non à la date de son envoi, il en résulte que la requête signée par M. [K], reçue au secrétariat de la commission le 26 juin 2023 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, était tardive et, comme telle, non susceptible de valoir régularisation de la requête initiale à défaut d'avoir été reçue dans le délai de recours.
18. Dès lors, les moyens doivent être écartés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt-quatre.