LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° K 23-84.787 F-D
N° 01191
GM
8 OCTOBRE 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 8 OCTOBRE 2024
M. [R] [H] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, 12e chambre, en date du 30 juin 2023, qui, pour rébellion et refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [R] [H], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 septembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 17 mai 2019, lors d'une manifestation sur la voie publique, trois fonctionnaires de police ont procédé à l'interpellation de M. [R] [H] du chef de rébellion.
3. Placé en garde à vue, l'intéressé a refusé de se soumettre à un prélèvement biologique.
4. Le 18 juin 2020, le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable des chefs susvisés, l'a condamné à 400 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
5. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens
6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [H] à une peine de trois mois d'emprisonnement et a dit n'y avoir lieu à aménagement de cette peine, alors « que si la peine d'emprisonnement ferme est inférieure ou égale à six mois au sens de l'article D. 48-1-1 du code de procédure pénale, son aménagement est obligatoire et ce n'est qu'en cas d'impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné que le juge peut l'écarter ; que dans ce cas, le juge doit motiver spécialement sa décision, de façon précise et circonstanciée, au regard des faits de l'espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné ; que la cour d'appel retient, pour dire n'y avoir lieu à aménagement de la peine de trois mois d'emprisonnement prononcée, que le prévenu a refusé de communiquer quelque élément que ce soit sur sa situation personnelle ; qu'en se déterminant ainsi, lorsque que l'aménagement de peine était obligatoire, l'impossibilité de déterminer les modalités de la mesure n'étant pas de nature à y faire obstacle, la cour d'appel a violé les articles 132-19 et 132-25 du code pénal, 464-2 du code de procédure pénale dans leur rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 132-19, 132-25 du code pénal et 464-2 du code de procédure pénale :
8. Il résulte de ces textes que si la peine d'emprisonnement ferme est inférieure ou égale à six mois au sens de l'article D. 48-1-1 du code de procédure pénale, son aménagement est obligatoire et ce n'est qu'en cas d'impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné que le juge peut l'écarter. Dans ce cas, le juge doit motiver spécialement sa décision, de façon précise et circonstanciée, au regard des faits de l'espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné.
9. Il s'ensuit que le juge ne peut refuser d'aménager la peine au motif qu'il ne serait pas en possession d'éléments lui permettant d'apprécier la mesure d'aménagement adaptée. Dans ce cas, il doit ordonner, d'une part, l'aménagement de la peine, d'autre part, la convocation du prévenu devant le juge de l'application des peines, en application de l'article 464-2 , I, 2°, du code de procédure pénale.
10. En l'espèce, pour dire n'y avoir lieu à aménagement de la peine de trois mois d'emprisonnement, l'arrêt attaqué énonce que la situation matérielle, familiale et sociale du condamné ne permet pas d'envisager qu'il exécute la peine d'emprisonnement qui vient d'être prononcée sous l'un quelconque des régimes de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur dans la mesure où l'intéressé a refusé de communiquer quelque élément que ce soit sur sa situation personnelle.
11. En prononçant ainsi, alors que l'impossibilité de déterminer les modalités de l'aménagement de la peine de trois mois d'emprisonnement n'était pas de nature à faire obstacle à cet aménagement, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
12. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation sera limitée à la peine de trois mois d'emprisonnement, dès lors que les déclarations de culpabilité n'encourent pas la censure. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 30 juin 2023, mais en ses seules dispositions relatives à la peine de trois mois d'emprisonnement, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille vingt-quatre.